Page images
PDF
EPUB

Lonienne.

étant abordé dans la Céphallénie, il Ile de la mer forma le fiége de Palée, ville qui par fa fituation devoit lui être d'une grande commodité pour en faire fa place d'armes, & pour infefter de là les terres des ennemis. Il fit avancer les machines, & travailler aux mines. Une des maniéres d'ouvrir les bréches, étoit de creufer la terre jufques fous le fondement des murailles. Quand on y étoit parvenu, on étaioit & on foutenoit les murailles par de gros pieux de bois, auxquels enfuite les mineurs mettoient le feu, & fe retiroient; & bientôt l'on voioit tomber de longs pans de murailles. Comme les Macédoniens avoient travaillé avec une ardeur incroiable, en très peu de tems il se fit une bréche large de fix cens toifes. Léontius fut commandé. avec les troupes pour monter à cette bréche. Pour peu d'effort qu'il eût voulu faire, la prise de la ville étoit fûre. Mais il attaqua les ennemis mollement, & fut repouffé avec grande perte des fiens, de forte que Philippe fut obligé de lever le fiége.

Dès qu'il l'eut formé, les ennemis avoient envoié Lycurgue avec quelques troupes dans la Meffénie, & Do

rimaque avec une moitié de l'armée dans la Theffalie, pour obliger Philippe par cette double diverfion à quitter fon entreprise. Il arriva bientôt des Députés de la part des Acarnaniens & des Mefféniens. Philippe, qui avoit levé le fiége affembla fon Confeil, pour examiner de quel côté il devoit porter fes armes. Les Melléniens représentoient qu'en un jour on pouvoit arriver de Céphallénie dans leur pays, & accabler tout d'un coup Lycurgue, qui ne s'attendoit pas à une attaque fi promte. Léontius appuia fort cet avis. Sa raifon fecrette étoit, que le retour devenant impraticable à Philippe à cause des vents qui lui feroient pour lors abfolument contraires, il feroit obligé d'y refter, & qu'ainfi la campagne fe pafferoit fans rienentreprendre. Les Acarnaniens au contraire demandoient qu'on marchât droit contre l'Etolie, qui fe trouvoit dénuée de troupes : que l'on ravageroit tout le pays impunément, & qu'on empécheroit Dorimaque de faire une irruption dans la Macédoine. Aratus ne manqua pas de fe déclarer pour ce dernier avis: & le Roi, qui depuis la lâche attaque de Palée commençoit à fe défier de Léontius, s'y rendit auffi.

de

Aiant pourvû au befoin preffant des Mefféniens, il partit de Céphallénie, aborda le fecond jour à Leucade, là entra dans le golfe d'Ambracie, & arriva un peu devant le jour à Limnée. Auffitôt il donna ordre aux foldats de prendre de la nourriture, de fe décharger de la plus grande partie de leurs bagages, & de fe tenir prêts à marcher. L'après-dinée, Philippe aiant laiffé les bagages fous bonne garde, partit de Limnée ; & au bout d'environ foixante stades (trois lieues) il fit alte, pour donner à fon armée le tems de prendre de la nourriture & du repos. Puis il marcha toute la nuit, & arriva au point du jour au fleuve Achélous, dans la vûe de fe jetter brusquement & à l'improvifte fur Therme. Léontius conseilla au Roi de s'arréter quelque tems, fous prétexte de donner aux foldats fatigués d'une longue marche le tems de refpirer, mais en effet pour procurer aux Etoliens le loifir de fe difpofer à la défense. Aratus, au contraire, qui favoit que l'occafion paffe & s'échape rapidement, & que l'avis de Léontius étoit une trahison manifefte, conjura Philippe de faifir le moment favorable, & de partir sans délai.

Le Roi, déja piqué & en défiance contre Léontius, part fur le champ paffe l'Achélous, & marche droit à Therme par un chemin très âpre & très difficile, creufé entre des rochers fort efcarpés. C'étoit la capitale du pays, où les Etoliens chaque année tenoient leurs foires & leurs affemblées folennelles, tant pour le culte des dieux, que pour l'élection des Magiftrats. Comme cette ville paffoit pour imprenable à cause de fa fituation avantageuse, & que jamais ennemi n'avoit ofé en approcher, les Etoliens y laiffoient tous leurs meilleurs effets & toutes leurs richelles & les y croioient fort en fureté. La furprise fut extrême, quand, vers la fin du jour, ils virent Philippe y entrer avec fon armée.

[ocr errors]

Après avoir fait pendant la nuit un butin immenfe, les Macédoniens drefférent leur camp. Le matin on réfolut d'emporter tout ce qui fe trouveroit d'un plus grand prix. On amasfa le refte par monceaux à la tête du camp, & on y mit le feu. On prit de même les armes qui étoient fufpendues aux galeries du temple: on mit à part les meilleures pour s'en fervir

au besoin, & le reste, qui montoit à plus de quinze mille, fut réduit en cendres. Jufques-là il n'y avoit rien que de jufte, rien qui ne fût felon les loix de la guerre.

Les Macédoniens ne s'en tinrent pas là. Transportés de fureur par le fouvenir des ravages qu'avoient fait les Etoliens à Die & à Dodone, ils mirent le feu aux galeries du temple, briférent tous les préfens qui y étoient appendus, & entre lefquels il y en avoit d'une beauté & d'un prix extraordinaire. On ne fe contenta pas de bruler les toits, on rafa le temple. Les statues, dont il y avoit au moins deux mille, furent renverfées. On en mit en piéces un grand nombre: on n'épargna que celles que l'on connut par les infcriptions ou par la figure être des

ftatues de dieux. On écrivit fur les murailles ce vers:

Voi Dium, c'est de là que le coup eft parti.

L'horreur qu'avoient infpiré à Philippe & à fes alliés les facriléges commis à Die par les Etoliens, leur persuadoit fans doute qu'il étoit permis de s'en venger par les mêmes crimes, & que ce qu'ils faifoient n'étoit qu'une juste

« PreviousContinue »