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Polyb. lib. 4.

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Philippe partit de Macédoine avec pag.325-330.quinze mille hommes d'infanterie, & huit cens chevaux. Aiant paffè la Theffalie, il arriva dans l'Epire. S'il avoit marché droit contre les Etoliens, il les auroit furpris & battus. Mais, à la priére des Epirotes, il forma le fiége d'Ambracie, qui le retint quarante jours, & donna aux ennemis le tems de fe préparer & de l'attendre. Ils firent plus. Scopas, menant avec lui une partie des troupes Etoliennes pénétra jufques dans la Macédoine, y fit un grand ravage, & revint promtement chargé de butin, ce qui lui fit beaucoup d'honneur, & encouragea extrêmement fes troupes. Cependant elles n'empêchérent point Philippe d'entrer dans l'Etolie, & de s'y rendre maître d'un grand nombre de places importantes. Il auroit achevé de la foumettre mais la nouvelle qu'il reçut que les Dardaniens fongeoient à faire une irruption dans fon roiaume, l'obligea d'y retourner. Il promit aux Ambaffadeurs des Achéens en partant qu'il reviendroit au plutôt à leur fecours. Sa promte arrivée décon

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* C'étoient des peuples fitués au nord de ce roiauvoifins de la Macédome me.

certa les Dardaniens, & arréta leur entreprise. Il revint en Theffalie, dans le deffein de paffer le refte de l'été à Lariffa.

Cependant Dorimaque, que les Polyb. pag Etoliens venoient d'élire pour Géné- 330-336. ral, entra en Epire, ravagea tout le plat pays, & n'épargna pas même le temple de Dodone,

Philippe, quoique dans le fort de l'hiver, étant parti de Lariffa, arriva à Corinthe, fans qu'on eût eu aucun avis de fa marche, Il y manda Aratus le pere, & marqua dans une lettre à fon fils, qui cette année comman→ doit les troupes, l'endroit où il devoit les conduire. Le rendez-vous étoit à Caphyes. Euripidas, qui ne favoit rien de l'arrivée de Philippe, menoit un détachement d'Eléens de plus de deux mille hommes pour ravager le territoire de Sicyone. Ils tombérent entre les mains de Philippe, & tous, à l'exception de cent, furent pris, ou tués,

Le Roi, aiant trouvé Aratus le jeune avec les troupes au rendez-vous marqué, marcha vers Pfophis pour Ville de en faire le fiége. C'étoit une entre-l'Arcadie,, prife très hardie, La place paffoit pour

être prefque imprenable, tant à caufe de fa fituation naturelle, que par les fortifications qu'on y avoit ajoutées. La faifon de l'hiver où l'on étoit avoit ôté toute crainte aux habitans qu'on voulût ou qu'on pût les attaquer. Cependant Philippe en vint à bout. La ville, puis la Citadelle fe rendirent après quelque réfiftance. Comme ils ne s'attendoient à rien moins qu'à un fiége, le manque de vivres & de munitions avança beaucoup la prife de la place. Philippe abandonna généreusement cette ville aux Achéens, pour qui elle étoit d'une extrême importance, leur témoignant qu'il n'avoit rien plus à cœur que de leur faire plaifi, & de les bien convaincre de fon affection, & de fon zêle pour leurs intérêts. Un Prince qui agiroit toujours de la forte, ferot véritablement grand, & feroit honneur à

la Roiauté.

De là, après s'être rendu maître de quelques autres villes qu'il laiffa de même à fes alliés, il paffa chez les Eléens pour y faire le dégât. Ce pays étoit fort peuplé & fort riche, & les habitans de la campagne fort à leur aife. Autrefois cette terre étoit com

me facrée, à cause des Jeux olympiques qui s'y célébroient de quatre ans en quatre ans, & tous les peuples de la Grèce étoient convenus de n'y jamais toucher, & de n'y point porter leurs armes. Les Eléens avoient perdu ce privilége par leur faute, s'étant ingérés comme les autres dans les guerres de la Gréce. Philippe y fit un grand butin, & y enrichit fes troupes: après quoi il se retira à Olympie.

Parmi les Courtifans de Philippe 1d.pag.338. Apelle tenoit le premier rang, & avoit 339. un grand crédit fur l'efprit de fon Maî

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dont il avoit été Tuteur: mais, comme cela eft affez ordinaire, il abufoit étrangement de fon pouvoir pour vexer les particuliers & les peuples. Il s'étoit mis en tête de réduire les Achéens à l'état où étoient ceux de Theffalie, c'eft-à-dire de les foumettre abfolument aux volontés des Miniftres de Macédoine, en ne leur laisfant que le nom & un vain phantôme de liberté. Pour les a coutumer à ce joug, il n'y avoit point de mauvais traitemens qu'il ne leur fit fouffrir. Aratus en fit fes plaintes à Philippe, qui en fut fort indigné, & l'affura

qu'il y mettroit ordre, & que rien de pareil n'arriveroit dans la fuite. En effet il ordonna à Apelle de ne rien commander aux Achéens que de concert avec leur Général. C'étoit agir bien mollement avec un Minif tre, qui abufoit de fa confiance d'une maniére fi indigne, & qui méritoit d'être entiérement difgracié. Les Achéens, charmés des bontés que leur témoignoit Philippe, & des ordres qu'il avoit donnés pour leur procurer du repos & de la fûreté, ne ceffoient d'exalter ce Prince, & de faire valoir toutes fes bonnes qualités. En effet il avoit toutes celles qui rendent un Roi recommandable de la vivacité d'efprit, de la mémoire, le talent de la parole, & une grace naturelle dans tout ce qu'il faifoit; une beauté de visage, accompagnée d'un air noble & majeftueux qui lui attiroit le refpect; de la douceur, de l'affabilité, & un panchant à faire plaisir; enfin un courage, une hardieffe, une expérience dans la guerre qui paffoit fon âge: de forte qu'on ne peut comprendre le changement étrange qui arriva depuis dans fes mœurs & dans fa conduite.

Philippe

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