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& s'appliqua à lui infpirer tous les principes & les fentimens capables de le mettre en état de gouverner fagement un auffi grand roiaume que celui auquel il étoit destiné. Aufsi ce jeune Prince étoit retourné en Macédoine plein d'affection pour Aratus, & dans les difpofitions les plus favorables pour les intérêts de la Gréce.

Mais les Courtisans, qui avoient intérêt d'écarter un homme d'une probité auffi reconnue que l'étoit Aratus, pour s'emparer feuls de l'efprit du jeune Prince, le lui rendirent fuf pect, & le portérent à fe déclarer ouvertement contre lui. Bientôt après néanmoins, reconnoiffant qu'on l'avoit trompé, il punit févérement les délateurs, unique moien d'écarter pour toujours d'auprès des Princes la calomnie, que l'impunité, & quelquefois la récompenfe, enhardiffent & arment contre les plus gens de bien. Philippe rendit à Aratus toute fa confiance, & réfolut de ne fe plus conduire que par fes confeils. On s'en aperçut en plufieurs occafions, mais furtout dans l'affaire de Lacédémone. Cette ville malheureufe étoit conti- Polyb. pag. nuellement agitée de féditions. Dans 292-294.

une de ces émeutes on tua un des Ephores, & avec lui plufieurs autres citoiens, parce qu'ils tenoient le parti de Philippe. Quand ce Prince fut arrivé de Macédoine, il écouta les Députés de Sparte à Tégée où il les avoit mandés. Dans le Confeil plufieurs étoient d'avis qu'il traitât cette ville comme Alexandre avoit traité celle de Thèbes. Il rejetta cette propofition avec horreur, & fe contenta de faire punir les principaux auteurs de la fédition. On admira cette modération & cette fageffe dans un jeune Roi qui n'avoit que dix-fept ans, & l'on ne douta point que ce ne fût l'effet des bons confeils d'Aratus. Il n'en fit pas toujours le même usage.

Polyb. lib. 4. Étant arrivé à Corinthe, il reçut les 143.294-1990 plaintes de plufieurs villes contre les Etoliens, & d'un commun confentement la guerre leur fut déclarée. C'est ce qu'on appelle la guerre des Alliés. Elle commença à peu près dans le tems qu'Annibal fongeoit à affiéger Sagonte. Ce Décret fut envoié à toutes les villes, & ratifié dans l'Affemblée générale des Achéens. Ceux d'Etolie, de leur côté, fe préparérent à la guerre, & mirent à leur tête Sco

pas, le principal auteur des troubles
qu'ils avoient excités, & des violen-
ces qu'ils avoient commises. Philippe
ramena fes troupes en Macédoine, &
pendant les quartiers d'hiver travail-
la férieufement aux préparatifs de la
guerre. Il fongea à fe fortifier du se-
cours des alliés, dont peu répondi
rent à fes vûes, colorant de faux pré-
textes leur retardement. Il envoia auf
fi vers le Roi Ptolémée
, pour le prier
de ne point aider les Etoliens ni de
troupes ni d'argent.

Ciéoméne étoit actuellement en AN.M.3784. Egypte mais comme une licence af. Av.J.C.220. freufe régnoit dans cette Cour, & que Cleom. pag.

Plut. in

le Roi ne s'occupoit que de plaifirs 820-823. & de débauches, il y menoit une vie fort trifte. Cependant Ptolémée, dans le commencement de fon régne, ne laiffa pas de fe fervir de Cléoméne. Car, comme il craignoit fon frere Magas, qui, à caufe de fa mere, avoit beaucoup de crédit & de pouvoir parmi les gens de guerre, il approcha de lui Cléoméne, & l'admit dans fes Confeils les plus fecrets, où il cherchoit les moiens de fe défaire de fon frere. Cléoméne feul s'y oppofa, repréfentant qu'un Roi ne fauroit

pag. 380-385.

à

avoir de Miniftres plus affectionnés à fon fervice, & plus obligés à l'aider porter le pefant fardeau de la roiauté, que fes propres freres. Cet avis prévalut pour lors: mais bientôt Ptolémée revint à fes craintes & à fes défiances, & il s'imagina ne pouvoir s'en délivrer qu'en ôtant la vie à celui Polyb. lib. 5. qui en étoit la cause. Alors il fe crut en fureté, fe flatant de n'avoir plus d'ennemis à craindre ni au dedans ni au dehors, parce qu'Antigone & Séleucus n'avoient laiffé en mourant pour fucceffeurs que Philippe & Antiochus, que leur âge lui faifoit méprifer. Dans cette fécurité, il fe livra tout entier aux plaifirs. Nul foin, nulle application n'en interrompoit le cours. Ni fes Courtifans, ni ceux qui avoient des charges dans l'Etat, n'ofoient l'approcher. A peine daignoit-il faire la moindre attention à ce qui fe paffoit dans les Etats voifins de fon Roiaume. C'étoit cependant fur quoi fes prédéceffeurs veilloient plus que fur les affaires même de l'intérieur de l'Etat. Maîtres de la Célé-Syrie & de Cypre, ils tenoient les Rois de Syrie en refpect par mer & par terre. Comme les villes les plus confidérables, les poftes

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& les ports qui font le long de la côte depuis la Pamphylie jufqu'à l'Hellefpont, & les lieux voifins de Lysimachie leur étoient foumis, de là ils obfervoient les Puiffances de l'Afie, & les îles mêmes. Dans la Thrace & la Macédoine, comment auroit-on ofé remuer pendant qu'ils commandoient dans Ene, dans Maronée, & dans des villes encore plus éloignées ? Avec une domination fi étendue, & tant de places fortes qui leur tenoient lieu de barriéres, leur propre roiaume étoit en fureté. C'étoit donc avec grande raifon qu'ils tenoient toujours les yeux ouverts fur ce qui fe paffoit au dehors. Ptolémée, au contraire, dédaignoit de fe donner cette peine. La débauche & le vin faifoient toutes fes délices, comme toutes ses occupations.

Dans cette difpofition, on juge aifément quel cas il faifoit de Cléoméne. Quand celui-ci eut nouvelle qu'Antigone étoit mort, que les Achéens étoient engagés dans une grande guer re contre les Etoliens, que les Lacedémoniens s'étoient unis avec les derniers contre les peuples d'Achaïe, & de Macédoine, & que tout fembloit le rappeller dans fa patrie, alors il de

Cy

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