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tyrs (1). Le cimetière de Cyriaque, sur la voie Tiburtine, a pour origine le prædium d'une veuve de ce. nom (2). A seize milles de Rome, la matrone Justa ensevelit dans son domaine de la voie Nomentane le martyr Restitutus (3). Le cimetière de saint Nicomède, sur la même voie, a pour origine le jardin du chrétien Juste (in horto Justi) (4). Hors de Rome les appellations données aux antiques cimetières chrétiens montrent clairement que leur noyau primitif est une propriété privée. En Afrique, area est le terme con sacré. Tertullien parle de areis sepulturarum nostrarum (5). On connaît l'area du procurator Macrobius Candidianus (6), l'area d'Evelpius (7) à Aptonge, « l'area où les chrétiens se réunissent pour prier (8); » à Cirta, « l'area des martyrs (9). L'Africain Montanus, à Carthage, sur le point d'être mis à mort, or donne que, dans l'area commune, une place soit réservée, au milieu des martyrs, pour Flavien, qui doit périr deux jours après (10). Area se trouve aussi en

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(1) Aringhi, t. II, p. 5.

(2) Ib., t. II, p. 125.

(3) Ib., t. II, p. 751.

(4) lb., t. II, p. 117; de Rossi, t, 1, p. 207.

(5) Ad Scapulam, 3.

(6) Acta procunsularia S. Cypriani, dans Ruinart, Acta martyrum sincera (Paris. 1689), p. 219.

(7) Bull. di arch. crist., 1864, p. 28; Renier, Inscr. de l'Algérie, 4025.

(8) Area ubi orationes facitis. Gesta purgationis Felicis, dans Baluze, Miscellanea, t. I, p. 20.

(9) Area martyrum. Gesta purgationis Cæciliani, ibid., t. 1, p. 24.

(10) Sed et in medio eorum in area solum servari jussit, u

Italie

par exemple, en Ombrie, l'area de Vindicianus (1). Ailleurs, le terme choisi est jardin : à Milan, le jardin de Philippe, hortus Philippi (2); à Salone, le jardin de Métrodore, in orto Metrodori (3). Les actes du martyr Philippe, évèque d'Héraclée, nous donnent la description de la villa où son corps reçut une sépulture au moins temporaire. Elle était située à douze milles d'Adrianopolis « c'était un domaine rempli de fontaines, orné de bosquets, couvert de moissons et de vignes (4). » Les premiers chrétiens devaient aimer à creuser ainsi, pour eux et leurs frères, le lieu du dernier repos sous la verdure et les fleurs ils se souvenaient que Jésus Christ, pendant son court séjour au tombeau, avait voulu reposer dans un lieu semblable: in horto monumentum novum, dit saint Jean (5). « Nous avons choisi pour retraite un sarcophage dans nos jardins, » dit de même l'inscription funéraire de deux époux chrétiens (6). Les principales catacombes se développèrent autour d'un tombeau pareil à celui de Jésus-Christ.

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Il ne faut pas croire que ces jardins fussent moins bien entretenus par les chrétiens que par les païens

nec sepulturæ consortio privaretur (Flavianus). Passio SS. Montani, Leucii, etc., I, 8, dans Ruinart, p. 239.

(1) Bull. di arch. crist., 1871, p. 93.

(2) Ibid., 1864. p. 29.

(3) Corp. inser. lat., t. III, 2207.

(4) Ea possessio et fontibus abundabat, et nemore ornata et messibus et vineis. Passio S. Philippi, 15, dans Ruinart, Acta sincera, p. 453.

(5) S. Jean, XIX, 41.

(6 IN SARCOPHAGO IN HORTVLIS NOSTRIS SECESSIMVS. Gruter, 1059, 6.

L'Église primitive ne repoussait aucun des dons de Dieu tout ce qui est aimable, dit saint Paul, était de son domaine (1) elle se plaisait a orner de fleurs ses deuils et ses fêtes. Les premiers chrétiens n'observaient pas les rites païens de la violatio, de la rosatio, des vindemiales; ils ne tressaient pas pour leurs têtes ou pour les tombes de leurs frères des couronnes de fleurs, afin de ne pas ressembler aux idolâtres (2) mais ils en aimaient cependant la grâce et le parfum. Je n'achète point de couronnes de fleurs, dit Tertullien, mais j'achète des fleurs : et que vous importe ce que j'en fais? Je les aime mieux quand elles ne sont pas liées, quand elles se répandent librement, quand elles tombent et semblent errer de tous côtés (3). » Ils se plaisaient à renouveler, dit Prudence, les violettes et les feuillages verts sur le sépulcre de leurs morts (4): ils aimaient à chercher sous la glace fondante, dans les tièdes hivers des pays chauds, les premiers crocus, les premières pousses de verdure ou de fleurs, pour les y déposer (5). Ils faisaient, par dévotion, toucher des fleurs aux reliques des saints (6). Ils plaçaient des fleurs sur les autels (7). Rien n'indique qu'ils aient changé la destination du champ de roses que Constantin attacha

(1) Philipp. IV, 8.

(2) Tertullien, Apolog., 42; Minucius Felix, Octavius. (3) Tertullien, l. c.

(4) Prudence, Cathem., X, 169, 170.

(5) Id., Péristeph., III, 201-205.

(6) S. Augustin, De civ. Dei, XXII, 8. (7) Ibid.

comme dépendance au cimetière de Balbina (1): ils purent creuser au-dessous des galeries funéraires sans altérer le gracieux aspect de la superficie. Comme les païens, ils se plaisaient à couvrir leurs chambres sépulcrales de peintures décoratives donnant l'illusion d'un verger ou d'un jardin. Le corridor que l'on trouve en entrant dans l'hypogée de Domitille est orné d'une belle vigne qui rampe sur ses voûtes, se répand sur ses murailles avec la souplesse et l'abandon de la nature. Un escalier de la catacombe de Thrason était décoré de stucs dont les reliefs figuraient des raisins et des pampres. Des vignes, des guirlandes de fleurs et de fruits, au milieu desquelles volent joyeusement des oiseaux, ornent le fond de nombreux arcosolia, les voûtes et les murailles de nombreuses chambres. Bien souvent des fleurs fraiches durent mêler leur éclat et leur parfum à ces élégantes décorations; les jardins de Théon, de Juste, d'Hilaria, de Philippe ou de Métrodore ne se transformèrent sans doute pas en des champs stériles après que les chrétiens eurent creusé au-dessous d'eux des cryptes décorées souvent avec tant d'art et un art si souriant.

(1) Constantinus Augustus obtulit basilicæ,,quam cœmeterium constituit via ardeatina, fundum rosarium cum omni agro campestri præstantem solidos XL. Lib. pont., in Marco, 83.

RICHER, POÈTE NORMAND,

XVIII. SIÈCLE,

PAR M. DECORDE.

La littérature subit assez souvent les caprices de la mode. Tel genre littéraire qui a fait les délices d'une époque est, à une autre époque, tout à fait abandonné et paraît même ridicule. Le goût se modifie suivant les âges, et la réputation des auteurs reçoit le contrecoup de ces variations du goût.

Ces réflexions me venaient à l'esprit en parcourant deux petits volumes in-12 publiés, dans la première moitié du XVIIIe siècle, par un poëte normand dont le nom est aujourd'hui peu connu et dont les œuvres ne se trouvent même pas dans la bibliothèque publique de notre ville, où il semble cependant que tout ce qui touche à l'histoire littéraire locale devrait se rencontrer.

Richer, c'est l'auteur dont je veux parler, est né à Longueil, canton d'Offranville, dans le pays de Caux, en 1685. Ce fut à la fois un érudit et un poëte. Comme érudit, on lui doit une vie de Virgile, une

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