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RAPPORT

SUR LES TRAVAUX

DE LA

CLASSE DES LETTRES ET DES ARTS,

PENDANT L'ANNÉE 1877-1878,

PAR M. L'ABBÉ JULIEN LOTH,

Secrétaire de cette classe.

Cette année a été marquée pour nous par un événement qui fait époque dans nos annales. L'Académie a reçu un des trois grands prix que le Ministère de l'Instruction publique avait à accorder, pour les travaux historiques, aux Sociétés savantes des départements. Le rapporteur du Comité des travaux historiques, en proclamant ce prix dans la réunion annuelle des Sociétés savantes de la Sorbonne, a fait ressortir avec trop de bienveillance les services que notre Compagnie a pu rendre à l'histoire de la Normandie et, par là-même, à l'histoire nationale, pour qu'il me soit permis d'insister. Ce n'est pas la première fois que l'Académie obtient

l'une des récompenses solennelles qui sont la consécration des travaux et l'honneur d'une Société ; les médailles qui nous ont été décernées à diverses époques témoignent de la considération attachée par les juges les plus compétents à nos publications. Si je rappelle ces souvenirs, ce n'est pas pour nous complaire dans un sentiment de vanité stérile, mais pour nous encourager à demeurer fidèles à nos traditions et à faire mieux encore, s'il se peut, dans l'avenir.

Dans ce rapport sommaire de nos travaux, les communications ayant trait à l'histoire locale occuperont d'abord, cette année comme les précédentes, notre attention.

M. de Duranville a étudié, avec sa conscience et son érudition habituelles, les divers éloges publiés au cours des siècles sur la ville de Rouen. C'est, en premier lieu, au VIIIe siècle, la lettre célèbre de Saint-Paulin de Nole à notre évêque Saint-Victrice, où il se plaît à glorifier la piété des habitants de Rouen et leur zèle déjà éclatant pour leurs monuments religieux; puis, au XIIo, le témoignage d'Orderic Vital et de Guillaume Litle; au xvre, « la description et louange des excellences de la noble cité de Rouen, capitale de Haute-Normandie, » par Pierre Grognet, poëte bourguignon. Martin Le Mégissier, Noël Taillepied, Gabriel Dumoulin, Hercule Grisel viennent tour à tour déposer leurs hommages aux pieds de la cité reine de la Normandie. Jusqu'aux étrangers qui s'en mèlent au XVIIe siècle, Robert Denyaud, curé de Gisors, et Clausier, dans ses Rivières de France. On trouve en même temps, dans les ou

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vrages de Jacques Gomboust et de Dom Pommeraye, dans les poëmes de Chesnevarin et du sieur de Durécu, son fils, de précieux renseignements sur l'aspect et l'état des monuments de notre ville dans ce grand siècle où nous ramènent toujours nos prédilections littéraires. M. de Duranville n'a oublié aucun témoin, il a consulté les manuscrits les plus inédits, celui, entr'autres, d'un M. Latapie, intitulé Voyage de Rouen, ou Observations sur l'état actuel des arts et manufactures de Rouen, où l'état de notre ville au siècle dernier est décrit avec fidélité.

Relevons seulement en passant la mention qu'il accorde à des collections disparues: la bibliothèque des Capucins, qui ne renfermait pas moins de 16,000 volumes; celles des Cordeliers, de l'abbé Saas, les cabinets de MM. Lecat, Pillon et de la Maltière. Les judicieuses observations de Lepec de la Clôture, publiées en 1778; les Voyages de Ch. Nodier; les Explorations du vicomte Walsh complètent cette revue inspirée par la piété filiale, et où notre honorable confrère s'est attaché à faire ressortir les beautés pittoresques, les richesses monumentales, les trésors artistiques qui forment la splendeur de notre ville et lui assignent un rang privilégié parmi les grandes cités de notre belle et noble France.

De Rouen, nous descendons, avec M. d'Estaintot, à Auffay. Notre studieux et érudit confrère a eu entre les mains des documents nombreux qui lui permettent de restituer l'histoire de cette intéressante bourgade qui a porté, non sans honneur, le titre de ville. Il parle d'abord de son Prieuré, desservi au xr siècle par une collégiale de six cha

noines que le seigneur Gilbert d'Auffay remplaça à cette époque par des moines qu'il fit venir de l'abbaye de Saint-Evroult. Il suit les diverses augmentations des domaines du Prieuré et nous donne une liste exacte des abbés d'Auffay du XII au XVIIIe siècle. Après les abbés, les barons, car Auffay avait titre de baronnie et relevait immédiatement des comtes de Longueville. Le château fut construit vers 1060. Gilbert d'Auffay fut l'un des preux, compagnons de Guillaume-le-Conquérant dans l'expédition qui lui valut la couronne d'Angleterre. La baronnie fut partagée, vers le milieu du XIIIe siècle, entre les deux filles du dernier baron d'Auffay et forma les portions de Tancarville et d'Asnières ou de Chambray. M. d'Estaintot est amené à parler des diverses familles normandes qui ont occupé ces deux fiefs, notamment des Beuselin, Dyel de Mirosmesnil, Mathan, Vavasseur, Thomas du Fossé, Bosmelet, et, après avoir accordé aux personnages marquants de ces familles l'attention qu'ils méritent, s'attache à la baronnie elle-même. Il décompose, à l'aide de ses patientes recherches, les éléments dont elle était formée le domaine non fieffé, les droits utiles et honorifiques, les tenures nobles et roturières, et suit les différentes mouvances des deux parties formées par ce fief important. De telles études n'ont pas seulement un intérêt local, elles aident à connaître le droit et les usages féodaux et ajoutent une page. sérieuse à l'histoire de la constitution de la propriété en France.

Des villes passons aux hommes.

M. Decorde a été attiré vers un Normand, avocat

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