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dans sa dépendance l'insecte qui recueille le miel, le premier apiculteur aura imaginé de creuser luimême des troncs d'arbres pour y loger ses essaims.

« Cette méthode primitive est encore en usage dans bien des contrées; elle est employée en Russie, en Suède, en Finlande, et même, sans aller si loin, on la retrouve dans quelques provinces du Midi de la France dans toute sa simplicité.

« Ce tronc informe, lourd et incommode, aura donné lieu à des essais plus ou moins ingénieux, et de là seront nées ces ruches d'une pièce imitant un cône, puis en forme de cloche, dont la matière a varié suivant les localités (1). »

D'après les quelques renseignements fournis par les agronomes latins, des bandes d'écorce de liége, des tiges de férule (fenouil) cousues ensemble, des joncs, de l'osier, de la paille tressée, parfois de grands pots en terre cuite, plus rarement des espèces de tonnes en bronze, percées de trous pour l'entrée et la sortie des abeilles et divisées par des cloisons horizontales en plusieurs étages, comme un modèle découvert à Pompéï l'a montré, ont tour à tour servi à la construction des ruches (2).

On sait encore que plusieurs des Sages de la Grèce tournèrent leur attention vers les curieux travaux des abeilles; qu'Aristomaque, par exemple, philosophe péripatéticien de Cilicie, qui, à l'exemple de son maître Aristote, cultiva l'histoire naturelle, con

(1) A. de Frarière, article Abeilles dans l'Encyclopédie de l'Agriculture de Moll et Gayot, t. I, p. 58.

(2) Montfaucon, Antiq. expl., I, 204.

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sacra près de cinquante-huit ans à observer leurs mœurs et leurs besoins; que Philiscus, de Thasos, enfin, se retira du monde pour se livrer entièrement à l'étude et à l'élève de ces insectes (1). Il serait bien intéressant de connaître les résultats des observations et des expériences de ces premiers apiculteurs; mais rien ne nous est parvenu.

Savigny pense que l'espèce d'abeille représentée sur les monuments égyptiens est l'abeille à bandes de Latreille (Apis fasciata), que l'on trouve encore dans le pays. L'abeille des Grecs, des Asiatiques et d'une partie de l'Italie, est une autre espèce, l'abeille ligurienne (Apis ligustica), distincte, comme on voit, ainsi que la précédente, de l'abeille commune en France et dans le Nord de l'Europe, l'Apis mellifica de Linné.

Xénophon nous apprend que des soldats ayant mangé d'une espêce de miel appelé mainomenon (furieux), qu'on récoltait aux environs d'Héraclée, dans la province du Pont, furent malades et présentèrent les uns les symptômes de l'ivresse, d'autres ceux de la folie furieuse, beaucoup ceux de l'empoisonnement. « On voyait, dit-il, plus de soldats étendus sur la terre que si l'armée eut perdu une bataille, et la même consternation y régnait. » Mais aucun ne mourut, et trois ou quatre jours après, les empoisonnés se levèrent, las et fatigués, comme on l'est après l'effet d'un remède violent (2).

Selon Etienne de Byzance, à Trapezunte (aujourd'hui Trébisonde), ville sur la côte méridionale du

(1) Pline, XI, c. IX, 9.

(2) Xenoph., de exped. Cyri., lib. IV, 45.

Pont-Euxin, on obtenait du buis un miel qui rendait fous les gens sains, et guérissait les épileptiques. Il rapporte ce fait, si peu croyable, d'après Aristote.

Dioscoride, Pline, etc., attribuaient déjà les propriétés malfaisantes de certains miels aux plantes vénéneuses (rhododendron, laurier-cerise, azalées, etc.) sur lesquelles les abeilles avaient butiné (1). La science moderne a corroboré cette opinion des anciens, en constatant :

1° Que les plantes aromatiques de la famille des Labiées (thym, serpollet, mélisse, origan, sauge, etc.) produisent des miels excellents;

2. Que les bruyères et le sarrazin donnent des miels liquides, colorés, désagréables (Mel ericeum de Pline);

3o Enfin, que la jusquiame, la belladone, l'aconit, la kalmie, l'azalée pontique, les euphorbes, etc., fournissent des miels qui causent des vertiges et même le délire à ceux qui en maugent (2).

(1) Dioscorid, lib. II, c. 75 et lib. VI, c. 8. c. XLIV, 13.

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(2) Tournefort, Voyage au Levant, II, 228. Du Petit-Thouars Observat. sur les plantes des îles australes d'Afrique, p. 71. Labat, Voyage, III, 2. Barton, Trans. of american Soc. of Philadelphia, V. 51. Bulletin des sciences médic. de Férussac, septembre 1824, p. 50. et 340.

Annales des sciences naturelles, IV, 325

L'AGRICULTURE

CHEZ LES ROMAINS

(FRAGMENTS)

PAR M. A. MALBRANCHE.

La morale n'a pas d'âge, si vous lisez quelquefois les anciens vous aurez pu être supris des excellentes choses que l'on y rencontre. L'antiquité nous a laissé, en effet, des écrits dont les siècles n'ont pas vieilli la sagesse et l'opportunité. Si, sans progrès comme sans déclin, la morale résulte de notions intuitives ou révélées, il en est autrement dans le domaine scientifique. Dès le commencement, il importait, en effet, bien moins que l'homme fût savant, il fallait d'abord qu'il fût moral. C'est bien lentement et par tâtonnements que les sciences ont pris leur essor. L'incubation a été longue, laborieuse, hésitante. Nos connaissances scientifiques ne peuvent être que le résultat du travail de l'homme, de ses efforts, de sa persévérance, de son expérience, de son ardeur à connaître, de la nécessité quelquefois, de sorte qu'on

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peut dire à bon droit et en toute vérité, que chaque pas, chaque fait acquis est une conquête de la science.

Parmi les Sciences, l'Agriculture est certainement la plus ancienne parcequ'elle était la plus nécessaire, et elle dût exercer tout d'abord la sagacité de nos premiers pères et fût honorée en raison de son importance. Il fallait vivre. Je ne parle pas des peuples pasteurs, mais, bien longtemps après, elle est restée en estime et en honneur chez les nations. Un des rois de Juda passait pour très habile dans l'art de cultiver la terre. Aujourd'hui encore, dans cet em. pire fermé, primitif, inconnu, réfractaire à nos usages, en Chine, le Fils du Ciel ouvre le premier sillon et donne le signal des travaux des champs. Mais dans les Sociétés modernes, emportées dans le tourbillon des affaires, de la fortune, des frivolités, qui a souci comment viendra le blé et qui fera le pain. A l'heure qu'il est cependant un million d'hommes meurent d'inanition pour n'avoir pas satisfait à ces premiers besoins dont nous nous inquiétons si peu. Pour être juste envers notre siècle constatons pourtant que, chez nous, depuis cinquante ans, le gouvernement, les associations, les riches, les savants, se préocupent de l'agriculture pour améliorer ses procédés et encourager ses efforts. Les Comices, les Sociétés, les Concours, les Expositions tendent à vaincre la routine et propager les bonnes méthodes. On comprend mieux ce mot d'un agronome distingué, « Celui qui fait pousser deux brins d'herbe où il n'en poussait qu'un a plus fait pour l'humanité qu'un conquérant qui a gagné vingt batailles. »

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