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Que ne puis-je, ô mon Dieu, Dieu de ma délivrance,
Remplir de ta louange et la terre et les cieux,
Les prendre pour témoins de ma reconnaissance,
Et dire au monde entier combien je suis heureux!
Heureux quand je t'écoute et que cette parole
Qui dit soit la lumière! et la lumière fut,

:

S'abaisse jusqu'à moi, m'instruit et me console,

Et me dit: c'est ici le chemin du salut!

Heureux quand je te parle, et que, de ma poussière,
Je fais monter vers toi mon hommage et mon væœu,
Avec la liberté d'un fils devant son père,

Et le saint tremblement d'un pécheur devant Dieu.
4) Tiré de St. Paul aux Romains, ch. VII.

Heureux lorsque ton jour, ce jour qui vit éclore
Ton œuvre du néant et ton fils du tombeau,
Vient m'ouvrir les parvis où ton peuple t'adore,
Et de mon zèle éteint rallumer le flambeau.

Heureux quand sous les coups de ta verge fidèle,
Avec amour battu, je souffre avec amour:
Pleurant, mais sans douter de ta main paternelle,
Pleurant, mais sous la croix, pleurant, mais pour un jour.

Heureux, lorsque, attaqué par l'ange de la chute,
Prenant la croix pour arme et l'agneau pour sauveur,

Je triomphe à genoux, et sors de cette lutte

Vainqueur, mais tout meurtri, tout meurtri, mais vainqueur.
Heureux, toujours heureux! J'ai le Dieu fort pour père,
Pour frère Jésus-Christ, pour conseil l'Esprit-Saint!
Que peut ôter l'enfer, que peut donner la terre
A qui jouit du ciel et du Dieu trois fois saint?

A. MONOD.

CANTIQUE.

A toi, mon Dieu, mon éternel appui,
Ce chant du soir ira secret et tendre:
Heureux est-il, lorsque, comme aujourd'hui,
Toi seul l'inspire et toi seul peux l'entendre.
Oh! dans ton sein laisse-moi me cacher!
Le monde impur n'osera m'y chercher.

Il est si doux de sentir dans son cœur
S'évanouir les terrestres pensées :

Comme un brouillard, dont le soleil vainqueur
Absorbe enfin les bandes dispersées.
Toute légère et plus heureuse encor
L'âme s'en va vers son divin trésor.

L'un après l'autre, ainsi que des réseaux
Restés au pied du ramier qui s'envole,
Pesants soucis, regrets, chagrins nouveaux,
4) L'inspires.

Tombent de l'âme, au vent de ta parole;
N'as-tu donc pas tout fait, tout accompli?
De qui te croit le destin est rempli.

Aussi, mon Dieu, mon Sauveur bien aimé,
Avec cette heure, ah! prends à toi ma vie !
Dans les débris ton bon grain a germé;
Que l'eau du ciel ne lui soit point ravie!
Mon âme a soif et cherche ton esprit :
C'est le désert que ton regard fleurit1.

Mme OLIVIER.

ADIEUX DE GILBERT A LA VIE2.

J'AI révélé mon cœur au Dieu de l'innocence :
Il a vu mes pleurs penitents;

I guérit mes remords, il m'arme de constance;
Les malheureux sont ses enfants.

Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colère:
Qu'il meure et sa gloire avec lui!
Mais à mon cœur calmé le Seigneur dit en père:
Leur haine sera ton appui.

A tes plus chers amis ils ont prêté leur rage:
Tout trompe la simplicité;

Celui que tu nourris court vendre ton image
Noire de sa méchanceté.

Mais Dieu t'entend gémir, Dieu vers qui te ramène
Un vrai remords né des douleurs;
Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine
D'être faible dans les malheurs.

J'éveillerai pour toi la pitié, la justice
De l'incorruptible avenir;

Eux-même épureront, par leur long artifice,

Ton honneur qu'ils pensent ternir.

4) Plus régulièrement fait fleurir. — 2) Poëte célèbre du 18e siècle, né en 1751, devenu fou de chagrin et de misère, et mort à l'hôpital en 1780. Huit jours avant sa mort, il composa, dans un moment lucide, les stances qu'on va lire.

*

Soyez béni, mon Dieu! vous qui daignez me rendre
L'innocence et son noble orgueil';

Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre,
Veillerez près de mon cercueil !

Au banquet de la vie, infortuné convive,

J'apparus un jour, et je meurs :

Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.

Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdure,
Et vous, riant exil des bois!

Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature,
Salut pour la dernière fois!

Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée
Tant d'amis sourds à mes adieux!

Qu'ils meurent pleins de jours, que leur mort soit pleurée !
Qu'un ami leur ferme les yeux !

MOISE SUR LE NIL.

«Mes sœurs, l'onde est plus froide aux premiers feux du jour. «Venez: le moissonneur repose en son séjour;

<«<La rive est solitaire encore;

<< Memphis élève à peine un murmure confus;
<< Et nos chastes plaisirs, sous ces bouquets touffus,
<«< N'ont d'autre témoin que l'aurore.

« Au palais de mon père on voit briller les arts;
<< Mais ces bords pleins de fleurs charment plus mes regards
« Qu'un bassin d'or ou de porphyre;
« Ces chants aériens sont mes concerts chéris;
<«< Je préfère aux parfums qu'on brûle en nos lambris
<< Le souffle embaumé du zéphyre!

<< Venez: l'onde est si calme et le ciel est si pur!
<«<Laissez sur ces buissons flotter les plis d'azur

<«<< De vos ceintures transparentes ;

4) On ne peut rendre l'innocence; et l'orgueil n'est jamais un don de Dieu. Gilbert aurait dû dire peut-être « La paix, et l'espoir sans orgueil.»

:

« Détachez ma couronne et ces voiles jaloux ; << Car je veux aujourd'hui folâtrer avec vous

« Au sein des vagues murmurantes.

«< Hâtons-nous.... Mais parmi les brouillards du matin, a Que vois-je ? Regardez à l'horizon lointain...

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«Ne craignez rien, filles timides!

« C'est sans doute, par l'onde entraîné vers les mers, « Le tronc d'un vieux palmier, qui, du fond des déserts, «Vient visiter les pyramides.

<«< Que dis-je ? si j'en crois mes regards indécis,
<«< C'est la barque d'Hermès ou la conque d'Isis,
«Que pousse une brise légère.

<«< Mais non; c'est un esquif où, dans un doux repos,
« J'aperçois un enfant qui dort au sein des flots,
« Comme on dort au sein de sa mère.

<< II sommeille, et de loin, à voir son lit flottant,
<«<< On croirait voir voguer sur le fleuve inconstant
Le nid d'une blanche colombe.

<«< Dans sa couche enfantine i erre au gré du vent;
<«<L'eau le balance, il dort, et le gouffre mouvant
«Semble le bercer dans sa tombe!

« Il s'éveille: accourez, ô vierges de Memphis!
« Il crie..,. Ah! quelle mère a pu livrer son fils
<< Au caprice des flots mobiles?

<«<ll tend les bras; les eaux grondent de toute part,
<«< Hélas! contre la mort il n'a d'autre rempart
« Qu'un berceau de roseaux fragiles.

<<< Sauvons-le.... C'est peut-être un enfant d'Israël.
« Mon père les proscrit: mon père est bien cruel
«De proscrire ainsi l'innocence!

<<<< Faible enfant! Ses malheurs ont ému mon amour.
« Je veux être sa mère: il me devra le jour,
<«< S'il ne me doit pas la naissance. >>

Ainsi parlait Iphis, l'espoir d'un roi puissant,
Alors qu'aux bords du Nil son cortége innocent
Suivait sa course vagabonde;

Et ces jeunes beautés, qu'elle effaçait encor,
Quand la fille des rois quittait ses voiles d'or,
Croyaient voir la fille de l'Onde.

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