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UN MOURANT.

UN pied dans le sépulcre et tout près d'y descendre
Pour n'être au premier jour que poussière et que cendre,
Puis-je encore, ô mon Dieu, fléchir votre courroux,
Et recourir à vous ?

N'ayant à vous offrir, pour expier mon crime,
Que cette maigre, sèche et mourante victime,
Quelle immense bonté pour elle vous avez
Si vous la recevez !

O le don précieux! la magnifique offrande!
Quel présent je vous fais! que ma ferveur est grande!
Et qu'il en est bien temps, quand déjà tout perclus,
Le monde n'en veut plus!

Cependant, mon Sauveur, en cet état funeste,
C'est tout ce que je puis, et tout ce qui me reste,
Avec mille regrets d'avoir songé si tard

A ce triste départ.

M'y voilà parvenu, la force m'abandonne,

Je pålis, je succombe, et tout mon corps frissonne ;
Ma fin sans doute approche, et de peur d'expirer
Je n'ose respirer.

Ah! voici le moment que mon âme appréhende :
Au secours, mon Sauveur! permettez que je rende
Et mes derniers soupirs et mes derniers abois

Au pied de votre croix.

PATRIX.

ODE TIRÉE DU CANTIQUE D'ÉZÉCHIAS.
Ésaïe, chapitre xxxvIII.

J'AI vu mes tristes journées
Décliner vers leur penchant ;
Au midi de mes années
Je touchais à mon couchant:
La mort, déployant ses ailes,
Couvrait d'ombres éternelles
La clarté dont je jouis;
Et, dans cette nuit funeste,
Je cherchais en vain le reste
De mes jours évanouis. '

Grand Dieu, votre main réclame
Les dons que j'en ai reçus;
Elle vient couper la trame
Des jours qu'elle m'a tissus :
Mon dernier soleil se lève :
Et votre souffle m'enlève
De la terre des vivants,
Comme la feuille séchée,
Qui, de sa tige arrachée,
Devient le jouet des vents.
Comme un lion plein de rage
Le mal a brisé mes os:

Le tombeau m'ouvre un passage
Dans ses lugubres cachots.
Victime faible et tremblante,
A cette image sanglante

Je soupire nuit et jour;

Et, dans ma crainte mortelle,
Je suis comme l'hirondelle

Sous les griffes du vautour.

་་

Ainsi, de cris et d'alarmes Mon mal semblait se nourrir ; Et mes yeux, noyés de larmes, Étaient lassés de s'ouvrir.

Je disais à la nuit sombre:
O nuit, tu vas dans ton ombre
M'ensevelir pour toujours!
Je redisais à l'aurore:

Le jour que tu fais éclore
Est le dernier de mes jours * !

Mon ȧme est dans les ténèbres, Mes sens sont glacés d'effroi : Écoutez mes cris funèbres, Dieu juste, répondez-moi. Mais enfin sa main propice A comblé le précipice Qui s'entr'ouvrait sous mes pas : Son secours me fortifie, Et me fait trouver la vie Dans les horreurs du trépas.

Seigneur, il faut que la terre Connaisse en moi vos bienfaits : Vous ne m'avez fait la guerre Que pour me donner la paix. Heureux l'homme à qui la grâce Départ ce don efficace

Puisé dans ses saints trésors,
Et qui, rallumant sa flamme,
Trouve la santé de l'âme

Dans les souffrances du corps!

4) « Ces images, belles à la vérité, mais l'ouvrage de l'esprit qui cherche peindre, et non du sentiment qui ne veut qu'exprimer, peuvent-elles être com«<parées à la simplicité touchante de l'Écriture, à la tristesse profonde et vraie << avec laquelle le prince jeune et mourant se représente aux portes de la mort ? « J'ai dit au milieu de mes jours: je vais mourir, et j'ai cherché le reste de «mes ans.» D'Alembert. 2) <«< Rien ne serait plus beau que cette strophe si l'original ne l'était pas davantage, parce qu'il est plus simple: J'ai dit: je ne « verrai plus mon peuple; et mes yeux, las de se tourner vers le ciel, se sont fer«més.» D'Alembert.

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C'est pour sauver la mémoire

De vos immortels secours,

C'est pour vous, pour votre gloire,
Que vous prolongez nos jours.
Non, non, vos bontés sacrées
Ne seront point célébrées

Dans l'horreur des monuments:

La mort, aveugle et muette,
Ne sera point l'interprète

De vos saints commandements.

Mais ceux qui de sa menace, Comme moi, sont rachetés, Annonceront à leur race

Vos célestes vérités.

J'irai, Seigneur, dans vos temples
Réchauffer par mes exemples
Les mortels les plus glacés,

Et, vous offrant mon hommage,
Leur montrer l'unique usage
Des jours que vous leur laissez.
J. B. ROUSSEAU.

IMITATION DU PSAUME CIII.

PAR LEFRANC DE POMPIGNAN.

INSPIRE-MOI de saints cantiques;
Mon âme, bénis le Seigneur;
Quels concerts assez magnifiques,
Quels hymnes lui rendront honneur?
L'éclat pompeux de ses ouvrages,
Depuis la naissance des âges,
Fait l'étonnement des mortels.
Les feux célestes le couronnent,
Et les flammes qui l'environnent
Sont ses vêtements éternels.

Ainsi qu'un pavillon tissu d'or et de soie,
Le vaste azur des cieux sous sa main se déploie.
Il peuple leurs déserts d'astres étincelants.
Les eaux autour de lui demeurent suspendues;
Il foule aux pieds les nues

Et marche sur les vents.

Fait-il entendre sa parole?

Les cieux croulent, la mer gémit,
La foudre part, l'aquilon vole,

La terre en silence frémit.

Du seuil des portes éternelles

Des légions d'esprits fidèles

A sa voix s'élancent dans l'air :
Un zèle dévorant les guide,
Et leur essor est plus rapide

Que le feu brûlant de l'éclair.

Il combla du chaos les abîmes funèbres;

I affermit la terre, en chassa les ténèbres.

Les eaux couvraient au loin les rochers et les monts;
Mais au son de sa voix les ondes se troublèrent,
Et soudain s'écoulèrent

Dans leurs gouffres profonds.

Les bornes qu'il leur a prescrites
Sauront toujours les resserrer.
Son doigt a tracé les limites
Où leur fureur doit expirer.
La mer, dans l'excès de sa rage,
Se roule en vain sur le rivage
Qu'elle épouvante de son bruit.
Un grain de sable la divise:
L'onde approche, le flot se brise,

Reconnait son maître, et s'enfuit.

Les troupeaux dans les champs vont chercher leur pâture;
L'homme dans les sillons cueille sa nourriture;
L'olivier l'enrichit des flots de sa liqueur;
Le pampre coloré fait couler sur sa table
Ce nectar délectable,

Charme et soutien du cœur.

Le souverain de la nature
A prévenu tous nos besoins;
Et la plus faible créature

Est l'objet de ses tendres soins.
Il verse également la sève
Et dans le chêne qui s'élève,
Et dans les humbles arbrisseaux :
Du cèdre voisin de la nue
La cime orgueilleuse et touffue
Sert de base aux nids des oiseaux.

Le daim léger, le cerf et le chevreuil agile
S'ouvrent sur les rochers une route facile.
Pour eux seuls de ces bois Dieu forma l'épaisseur,
Et les trous tortueux de ce gravier aride
Pour l'animal timide

Qui nourrit le chasseur.

Le globe éclatant qui dans l'ombre
Roule au sein des cieux étoilés,
Brilla pour nous marquer le nombre
Des ans, des mois renouvelés.
L'astre du jour, dès sa naissance,
Se plaça dans le cercle immense
Que Dieu lui-même avait décrit ;
Fidèle aux lois de sa carrière,
Il retire et rend la lumière

Dans l'ordre qui lui fut prescrit.

La nuit vient à son tour; c'est le temps du silence. De ses antres fangeux la bête alors s'élance,

Et de ses cris aigus étonne le pasteur.

Par leurs rugissements les lionceaux demandent
L'aliment qu'ils attendent

Des mains du Créateur.

Mais quand l'aurore renaissante

Peint les airs de ses premiers feux,

Ils s'enfoncent pleins d'épouvante

Dans les repaires ténébreux.
Effroi de l'animal sauvage,
Du Dieu vivant brillante image,
L'homme parait quand le jour luit.
Sous ses lois la terre est captive;
Il y commande, il la cultive
Jusqu'au règne obscur de la nuit.

Privés de tes regards célestes,
Tous les êtres tombent détruits,
Et vont mêler leurs tristes restes
Au limon qui les a produits.
Mais par des semences de vie,

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