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Les grands plaisirs changent les heures en moments; mais l'art des sages peut changer les moments en heures.

FONTENELLE.

On passerait toute une longue vie à travailler sans principes, que l'on n'apprendrait jamais rien. L'expérience est bien plutôt le fruit des réflexions sur ce qu'on a vu, que le résultat d'une multitude de faits auxquels on n'a pas donné toute l'attention qu'ils méritent. M. D'ARGENSON.

Rien de plus vain que la gloire au-delà du tombeau, à moins qu'elle n'ait fait vivre l'amitié, qu'elle n'ait été utile à la vertu, secourable au malheur, et qu'il ne nous soit donné de jouir dans le ciel d'une idée consolante, généreuse, libératrice, laissée par nous sur la terre. M. DE CHATEAUBRIAND.

L'amour-propre est flatté des hommages, l'orgueil s'en passe, la vanité les publie.

La justice épargne bien de la peine à l'esprit.

MEILHAN.

On fausse son esprit, sa conscience, sa raison, comme on gâte son estomac.

L'ambition prend aux petites âmes plus facilement qu'aux grandes, comme le feu prend plus aisément à la paille, aux chaumières, qu'aux palais.

Dans les grandes choses, les hommes se montrent comme il leur convient de se montrer; dans les petites, ils se montrent comme ils sont.

La générosité n'est que la pitié des âmes nobles.

CHAMFORT.

Ce n'est pas la tête qu'il faut se casser pour avancer dans la carrière de la vérité, c'est le cœur.

J'ai désiré de faire du bien, mais je n'ai pas désiré de faire du bruit, parce que j'ai senti que le bruit ne faisait pas de bien, comme le bien ne faisait pas de bruit. SAINT-MARTIN.

L'énergie de l'âme s'endort dans les vagues rêveries de l'espérance; le travail actuel pèse à celui qui croit pouvoir se reposer

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sur l'avenir: mais que tout à coup la perspective du bonheur se ferme devant lui, il recueille toutes ses forces dans le moment présent, et, appuyé sur son malheur, s'élance à de nouvelles destinées.

La gloire est le superflu de l'honneur; et, comme toute autre espèce de superflu, celui-là s'acquiert souvent aux dépens du nécessaire. MME. GUIZOT.

La nature humaine est si faible que les hommes honnêtes qui n'ont pas de religion me font frémir avec leur périlleuse vertu, comme les danseurs de corde avec leurs dangereux équilibres.

Un cœur parfaitement droit n'admet pas plus d'accommodement en morale qu'une oreille juste n'en admet en musique.

M. DE LÉVIS.

Le sublime est le naïf du grand.

PALISSOT.

Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. BEAUMARCHAIS.

Il vaut mieux courir le risque de s'ennuyer une heure ou deux que d'affliger gratuitement qui que ce soit une minute.

ARNAULT.

L'homme ne s'aime jamais tant que lorsqu'il s'oublie.

M. LE COMTE MOLÉ.

L'enfance est un état plutôt qu'un âge; et l'on y retombe toujours quand la volonté est désordonnée, violente à la fois et dépourvue de raison.

Mme NECKER-de-Saussure.

VI.

GENRE ORATOIRE1.

SAINT PAUL;

PAR BOSSUET.

AFIN que vous compreniez quel est ce prédicateur, destiné par la Providence pour confondre la sagesse humaine, écoutez la description que j'en ai tirée de lui-même dans la première aux Corinthiens.

Trois choses contribuent ordinairement à rendre un orateur agréable et efficace 2: la personne de celui qui parle, la beauté des choses qu'il traite, la manière ingénieuse dont il les explique : et la raison en est évidente; car l'estime de l'orateur prépare une attention favorable, les belles paroles nourrissent l'esprit, et l'adresse de les expliquer d'une manière qui plaise les fait doucement entrer dans le cœur; mais de la manière que se représente le prédicateur dont je parle, il est bien aisé de juger qu'il n'a aucun de ces avantages.

Et premièrement, Chrétiens, si vous regardez son extérieur, il avoue lui-même que sa mine n'est point relevée; et si vous considérez sa condition, il est méprisable, et réduit à gagner sa vie par l'exercice d'un art mécanique. De là vient qu'il dit aux Corinthiens: «J'ai été au milieu de vous avec beaucoup de crainte « et d'infirmité », d'où il était aisé de conclure combien sa personne était méprisable. Chrétiens, quel prédicateur pour convertir tant de nations!

Mais peut-être que sa doctrine sera si plausible et si belle qu'elle donnera du crédit à cet homme si méprisé. Non, il n'en est pas de la sorte: «Il ne sait, dit-il, autre chose que son

4) Discours adressés à une assemblée pour la convaincre et la remuer. 2) Efficace ne se dit à l'ordinaire que des choses.

maitre crucifié »: c'est-à-dire, qu'il ne sait rien que ce qui choque, que ce qui scandalise, que ce qui parait folie et extravagance. Comment donc peut-il espérer que ses auditeurs soient persuadés? Mais, grand Paul! si la doctrine que vous annoncez est si étrange et si difficile, cherchez du moins des termes polis, couvrez des fleurs de la rhétorique cette face hideuse de votre Évangile, et adoucissez son austérité par les charmes de votre éloquence. A Dieu ne plaise, répond ce grand homme, que je mêle la sagesse humaine à la sagesse du fils de Dieu! c'est la volonté de mon maître que mes paroles ne soient pas moins rudes que ma doctrine paraît incroyable. Saint Paul rejette tous les artifices de la rhétorique. Son discours, bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal et sans suite à ceux qui ne l'ont pas assez pénétré; et les délicats de la terre, qui ont, disent-ils, les oreilles fines, sont offensés de son style irrégulier. Mais, mes frères, n'en rougissons pas. Le discours de l'apôtre est simple, mais ses pensées sont toutes divines. S'il ignore la rhétorique, s'il méprise la philosophie, Jésus-Christ lui tient lieu de tout; et son nom qu'il a toujours à la bouche, ses mystères qu'il traite si divinement, rendront sa simplicité toute puissante. Il ira, cet ignorant dans l'art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l'étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs; et malgré la résistance du monde, il y établira plus d'églises que Platon n'y a gagné de disciples par cette éloquence qu'on a crue divine. Il prêchera Jésus dans Athènes, et le plus savant de ses sénateurs passera de l'Aréopage en l'école de ce barbare. Il poussera encore plus loin ses conquêtes i abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d'un proconsul, et il fera trembler dans les tribunaux les juges devant lesquels on le cite. Rome même entendra sa voix; et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d'une lettre du style de Paul, adressée à ses concitoyens, que de tant de fameuses harangues qu'elle a entendues de son Cicéron 1.

Et d'où vient cela, Chrétiens? C'est que Paul a des moyens pour persuader, que la Grèce n'enseigne pas, et que Rome n'a

1) « On n'imagine rien, et il n'y a rien au-delà d'une pareille éloquence.»

Maury.

pas appris. Une puissance surnaturelle, qui se plaît de relever ce que les superbes méprisent, s'est répandue et mêlée dans l'auguste simplicité de ses paroles. De là vient que nous admirons dans ses admirables épîtres une certaine vertu plus qu'humaine, qui persuade contre les règles, où plutôt qui ne persuade pas tant qu'elle captive les entendements; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. De même qu'on voit un grand fleuve qui retient encore, coulant dans la plaine, cette force violente et impétueuse qu'il avait acquise aux montagnes d'où il tire son origine; ainsi cette vertu céleste qui est contenue dans les écrits de Saint Paul, même dans cette simplicité de style, conserve toute la vigueur qu'elle apporte du ciel, d'où elle descend 2.

C'est par cette vertu divine que la simplicité de l'apôtre a assujetti toutes choses. Elle a renversé les idoles, établi la croix de Jésus, persuadé à un million d'hommes de mourir pour en défendre la gloire: enfin dans ses admirables épîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu'on a vu les plus sublimes esprits, après s'être exercés longtemps dans les plus hautes spéculations où pouvait aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur où ils se croyaient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l'école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul.

3

EXTRAIT DE L'ORAISON FUNEBRE DE LA DUCHESSE D'ORLÉANS,

PAR BOSSUET.

Nous commençons par donner l'analyse du discours entier.

La mort subite de la princesse, précipitée du sein des grandeurs et de la plus brillante félicité dans le tombeau, est une nouvelle preuve du néant des choses humaines, et de la vérité de cette parole de l'Ecclésiaste : << Tout est vanité.»

L'auteur restreint cette idée, et dit que tout est vanité dans l'homme, si l'on regarde le cours de sa vie mortelle, et que tout est grand en

4) On dit se plaire à

d'être adoré. >>

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Racine a dit: «Du temple où notre Dieu se plaît

2) «Je ne connais, dit Maury, rien de plus juste, de plus riche et de plus pompeux en fait de similitudes dans les orateurs anciens et modernes. >>

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