Page images
PDF
EPUB

bientôt à l'idée de ce même

rapport. Ce

rap

port est de la cause à l'effet, si vous allez de de l'action au changement; de l'effet à la cause, si vous allez du changement à l'action.

C'est donc en nous-mêmes que nous trouvons l'idée de cause. Elle dérive du sentiment du rapport, entre une action de l'âme et un chanment de l'âme.

On croira peut-être qu'il serait mieux de faire sortir l'idée de cause, de l'action de l'action que l'âme exerce sur son corps, que de l'action qu'elle exerce sur elle-même. Je suis loin de le penser: je ne nie point l'action de l'âme sur son corps, je ne l'affirme pas. Nous avons fait profession, avec Pascal, d'ignorer la manière dont le corps influe sur l'âme, et celle dont l'âme influe sur corps. Ainsi, nous ne saurions partager l'opinion des philosophes qui regardent l'âme comme une force motrice des fibres.

le

Mais, direz-vous avec Rousseau, j'aimerais autant douter de mon existence que du pouvoir que j'ai de remuer mon bras. La parité n'est pas exacte: on ne peut pas douter de son existence, au lieu qu'on peut douter du pouvoir de remuer son bras: car, faites-y bien attention, vous sentez la volonté de remuer votre bras, vous n'en sentez pas le pouvoir.

On a dit que l'âme est une force pensante: on a dit aussi qu'elle est une force sentante. La première de ces expressions est parfaitement juste; la seconde est fausse; elle est même contradictoire, à moins qu'on ait voulu dire que l'âme est une force, et que de plus elle sent.

La pensée prouve la force de l'âme; elle est la force de l'âme. Le sentiment n'est pas la force de l'âme; il ne prouve pas la force de l'âme. Au contraire, il prouve que la force est hors de l'âme, puisque sans les sensations qui nous viennent par l'action des objets extérieurs, l'âme, dans son état actuel, serait privée des autres espèces de sentiment.

La puissance d'agir, et la capacité de sentir, sont, il est vrai, également essentielles à l'âme; mais le passage de la sensibilité au sentiment requiert l'action d'une force étrangère à l'âme; au lieu que le passage de l'activité à l'action quoique nécessité par le sentiment, se fait par l'énergie même de l'âme. L'action est plus l'âme elle-même, que ne l'est le sentiment.

2

L'idée de cause nous vient donc primitivement du sentiment de notre propre force joint au sentiment des modifications qui sont produites par cette force. Elle nous vient du

sentiment d'un rapport entre des choses qui

sont en nous.

Mais bientôt nous voyons des forces et des causes hors de nous, et dans toute la nature. Un corps a la force de remuer un autre corps; il est la cause du mouvement. La lune a la force de soulever les eaux de la mer; elle est la cause du flux et du reflux. Les vents ont la force de déraciner les forêts, de renverser les édifices, etc.

Et ces causes, qui sont partout, n'agissent pas séparément, et isolées les unes des autres : elles sont liées, au contraire, de telle manière, qu'elles forment comme une chaîne immense, dont chaque anneau est tout à la fois cause et effet.

Or, une série de causes et d'effets, dans laquelle chaque cause est en même temps effet, et chaque effet en même temps cause, remonte nécessairement à une cause qui n'est pas effet, c'est-à-dire, à une cause première.

Ainsi, de l'idée de cause, qui a son origine immédiate dans un sentiment de rapport, le raisonnement nous élève à l'idée d'une cause première.

Le raisonnement fera plus; dans l'idée de cause première, il nous montrera l'idée d'un

être souverainement parfait, l'idée même de Dieu.

Vainement objecterait-on que la force que nous attribuons aux corps, n'est pas leur force propre; qu'elle n'est que la force même de l'âme, qu'une illusion nous fait transporter hors de nous; et, qu'ainsi, l'idée que nous nous formons de Dieu, reposant sur une erreur de jugement, doit manquer de vérité.

Un tel argument, loin de porter atteinte à l'idée de Dieu, va lui prêter un nouvel appui, et lui donner plus d'évidence.

La force que nous attribuons aux corps, et dont nous faisons la cause permanente du mouvement, de l'ordre, de la stabilité des lois de la nature, et de tous les phénomènes de l'univers; cette force, cette âme universelle qui agite la masse toute entière, et qui en vivifie jusques aux moindres élémens, peut être conçue de deux manières.

Ou l'on dira qu'elle appartient, en effet, à la matière, comme une vertu qui lui est propre, et qu'elle transmet successivement d'un corps à d'autres corps, en leur transmettant le mouvement; ou bien, la matière inerte et passive de sa nature, reçoit le mouvement, le laisse passer d'un corps à un autre, mais sans

le donner, sans le transmettre, la force lui manquant pour le produire, pour en opérer la transmission.

D'un côté, c'est un enchaînement d'effets, dont chacun est en même temps cause; et Dieu est à l'extrémité de la chaîne, ou plutôt, il est au-dessus, et hors de la chaîne.

De l'autre, c'est un enchaînement d'effets, dont aucun n'est cause; et, alors, chaque chaî¬ non réclame la cause universelle.

L'idée de Dieu, l'idée de l'âme, l'idée des corps, ont donc leur origine dans le sentiment; l'idée des corps, dans le sentiment-sensation; l'idée de l'âme, dans le sentiment de l'action de ses facultés; l'idée de Dieu, dans tous les sentimens.

Mais pour ne pas étendre notre conclusion au delà du raisonnement que nous venons de faire, l'idée de Dieu a une de ses origines dans le sentiment de rapport, dans ce sentiment de rapport qui donne lieu à l'idée de cause, d'où nous nous élevons d'abord à l'idée de cause première, et bientôt à l'idée de cause première infinie dans toutes ses perfections.

Et sur quoi s'appuierait notre intelligence, si le sentiment venait à nous manquer? On voudrait donc que l'homme connât les rapports

« PreviousContinue »