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rieur; elle existerait solitaire, au milieu des mondes qui remplissent tous les espaces.

Si nous ne connaissons les corps que parce que nous sentons, connaîtrons-nous l'âme sans avoir recours au sentiment? Mais, quoi? ignorons-nous donc ce que c'est que l'âme? n'est-ce pas de l'âme que nous parlons dans toutes nos séances, et aurions-nous tant de fois prononcé ce nom sans y attacher quelque idée.

le

penser.

Vous ne le pensez pas, vous ne pouvez pas Les mots dont nous nous sommes servis pour désigner les divers emplois de l'activité, et les divers modes de la sensibilité, ne sont pas vides de sens. Nous n'avons pas imaginé que nous étions sensibles et actifs, nous n'avons imaginé ni les facultés de l'âme, ni ses différentes manières de sentir. Ce sont des choses bien réelles ; et comme elles nous sont connues, l'âme elle même nous est connue, ou du moins elle ne nous est pas tout-àfait inconnue.

"

Il est vrai que l'âme est une substance inétendue, incorporelle, immatérielle, simple, spirituelle ; mais la connaissance de la spiritualité de l'âme est une suite de celle de son activité et de sa sensibilité...

Une substance ne peut comparer qu'elle n'ait

deux sentimens distincts ou deux idées à la fois. Si la substance est étendue et composée de parties, ne fût-ce que de deux, où placerezvous les deux idées? seront-elles toutes deux dans chaque partie, ou l'une dans une partie, et l'autre dans l'autre? Choisissez, il n'y a pas de milieu. Si les deux idées sont séparées, la comparaison est impossible. Si elles sont réunies dans chaque partie, il y a deux comparaisons à la fois, et par conséquent deux substances qui comparent, deux âmes, deux moi, mille, si vous supposez l'âme composée de mille parties.

Vous ne pouvez échapper à la force de cette preuve : vous ne pouvez nier la simplicité de l'âme qu'en niant que vous ayez la faculté de comparer, ou qu'en admettant en vous seul pluralité de moi, pluralité de personnes.

Il faut donc, pour se faire une idée de l'âme, de l'âme spirituelle, chercher l'origine de cette idée dans le sentiment de l'action de ses facultés, et la cause dans le raisonnement.

Nous sentons l'action du principe pensant; nous prouvons sa simplicité, sa spiritualité.

Il nous sera peut-être également facile d'indiquer la manière dont nous nous élevons à l'idée de Dieu; mais n'oubliez pas qu'il ne s'agit dans ces indications, ni de l'existence de Dieu,

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ni de l'existence de l'âme, ni de l'existence des corps; et si, dans le peu que nous venons de dire sur l'âme, on trouvait une preuve de son existence, comme dans le peu que nous allons dire sur Dieu, une preuve de l'existence de Dieu, nous devrions nous en féliciter, sans doute; mais ces preuves qui, par l'importance de leur objet, nous demanderont des séances entières, ne sont ici qu'une chose accessoire. Il s'agit, en ce moment, de la formation des idées, non de leur formation complète, mais des élémens qu'il faut mettre en œuvre pour obtenir des idées sûres et vraies, des idées dont on ne puisse ébranler le fondement et contester la réalité.

L'idée de Dieu sera à l'abri de toutes les attaques, si nous en montrons le germe dans le sentiment.

Or, comment ne pas l'y voir?

Du sentiment de sa faiblesse et de sa dépendance, l'homme, par un raisonnement naturel, ne s'élèvera-t-il pas à l'idée de la souveraine indépendance et de la souveraine puissance ?

Du sentiment que produisent en lui la régularité des lois de la nature et la marche calculée des astres, à l'idée d'un ordonnateur supréme?

Du sentiment de ce qu'il fait lui-même, quand il

dispose ses idées ou ses actions pour les conduire vers un but, à l'idée d'une intelligence infinie?

de

Ces trois idées ne sont qu'une seule idée. Mais comme cette idée unique part de trois sentimens divers, on a pu, en la considérant sous trois points de vue, en faire le moyen trois argumens de l'existence de Dieu, distincts et séparés. Le premier est pris de notre nature, le second, du spectacle de l'univers; le troisième est connu sous le nom d'argument des causes finales.

Vous arriverez encore à l'idée et à l'existence de Dieu, par le sentiment moral qui nous révèle une destinée future.

Ainsi, la sensibilité humaine toute entière tend vers la divinité.

Aidée par le raisonnement, et convertie en intelligence, elle s'approche de la divinité, elle la voit, elle y touche presque.

Entrer aujourd'hui dans le développement de chacune des manières de sentir qui nous suggèrent l'idée de Dieu, ce serait trop anticiper. Essayons cependant de faire connaître la manière de sentir qui sert de fondement à l'idée de cause première.

Lorsque l'âme agit sur ses sentimens et sur ses idées, nous ne pouvons pas douter que,

souvent, elle ne change sa manière d'être actuelle. Les sentimens deviennent des idées; les idées simples se réunissent se réunissent pour former des idées composées; les idées composées se distribuent en idées simples. Quelquefois les affections s'affaiblissent ; d'autres fois, au contraire, elles acquièrent une énergie qu'elles n'avaient pas. L'âme n'agit pas sans motif; elle agit pour se donner une connaissance, ou pour rectifier une erreur; pour se procurer un bien, ou pour se délivrer d'un mal.

Or, l'âme ne peut pas agir, et en conséquence éprouver un changement, qu'elle n'ait le sentiment de son action, et celui du changement opéré par cette action. Ces deux sentimens amèneront bientôt deux idées, dont l'une sera celle de cause, et l'autre celle d'effet. Car, un changement considéré dans son rapport à l'action, en vertu de laquelle il est produit, reçoit le nom d'effet, comme l'action elle-même prend le nom de cause.

Redisons la même chose. Les deux sentimens, de l'action de l'âme, et du changement qui en est la suite, donnent lieu à deux idées. La présence simultanée de ces deux idées donne lieu d'abord au simple sentiment du rapport qui se trouve entre l'action et le changement, et

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