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second problème sera résolu. Mais il ne peut l'être, si l'on n'a d'abord résolu le premier; si l'on ignore les vérités que nous venons d'énoncer; si l'on ne connaît pas la manière dont se forme l'intelligence.

Nous avons essayé de répandre quelque lumière sur cette question fondamentale. Elle doit éclairer à son tour toutes les questions particulières de la métaphysique.

Il nous reste à nous occuper de ces questions particulières et subordonnées. Nous devrons prendre nos idées une à une, examiner si elles sont primitives ou dérivées, simples ou composées, abstraites ou concrètes, de choses ou de mots, réelles ou chimériques, etc.; nous devrons en un mot, vérifier leurs titres, apprécier leurs qualités, et fixer leur valeur.

Je voudrais aujourd'hui vous faire entrevoir, à l'avance, la méthode qui me paraît devoir être suivie en faisant ces recherches. Mais il faut bien savoir d'où nous venons, où nous sommes, où nous allons.

Vous apercevez, ce me semble, très-distinctement, le point où nous sommes placés sur la ligne que nous parcourons, Votre œil mesure le chemin que nous avons fait sur cette li

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gne,
la distance qui nous sépare de son ori-
gine.

Après la question des facultés de l'âme, objet de la première partie, celle qui s'est présentée à nous au moment où nous sommes entrés dans la seconde, c'est la question de la nature des idées. Nous avons fait quelques pas, nous avons trouvé leurs sources, et presque en même temps leurs causes. Nous nous sommes arrêtés devant ces causes qui nous étaient déjà connues puisqu'elles sont les facultés mêmes de l'entendement. Quels rapports y a-t-il entre leurs effets (1)? quels rapports y a-t-il entre elles (2)? La curiosité nous a retenus devant ces sources. Viennent-elles toutes d'une seule et même source? seraient-elles sans communication? Voilà ce que nous avons cherché à découvrir. Nous avons tout observé, tout examiné avec le plus grand soin. Plusieurs fois nous sommes revenus sur ce que nous avions vu, pour le mieux voir. Enfin, après une course qui peut

(1) Les effets produits par l'action des facultés de l'entendement, ce sont les idées sensibles, les idées intellectuelles, et les idées morales. Il y a entre ces idées des rapports de différence spécifique.

(2) Il y a entre les facultés un rapport d'identité, puisque dans leur principe elles ne sont toutes que l'attention.

être n'a pas été sans quelque instruction, ni peut-être aussi sans quelque agrément, loin de désirer le repos, nous avons éprouvé le besoin de mettre à leur place chacune des connaissances que nous avions acquises.

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Nous savons donc en quoi consiste la nature des idées. Nous savons où elles sont engagées, et comment on peut les dégager. Nous les trouverons facilement toutes les fois que nous voudrons nous en occuper, si nous les disposons avec ordre.

:

Mais, pour ordonner des idées, il faut les avoir et on ne les a qu'autant qu'on les a faites. Il s'agit donc de faire nos idées, de réaliser l'intelligence. Jusqu'ici, vide et déserte, elle existe à peine; elle ne sera, que lorsque nous - l'aurons peuplée d'idées, d'images, de souvenirs que lorsque nous l'aurons enrichie, et comme remplie des trésors de la connaissance et de la vérité. Les sources et les causes de l'intelligence nous assurent qu'elle est possible. Les produits de ces sources, les effets de ces causes, lui donnent l'existence. Elle fera la gloire de celui qui la cultive, si, de bonne heure, il - lui a confié les semences du beau et du bon; la honte de celui qui la néglige ou la déprave.

La philosophie a été placée devant l'esprit

humain, pour le défendre du mensonge et des préjugés, pour ne donner accès qu'aux idées vraies, aux notions éprouvées. A-t-elle toujours été fidèle à ses devoirs ? n'a-t-elle jamais été complice de l'erreur? Ne confondons pas la philosophie avec les philosophes; disons plutôt comment il nous semble que ceux-ci devraient s'y prendre lorsqu'ils veulent faire, ou refaire, ou vérifier les idées. Je me bornerai à un petit nombre de ces idées, et aux indications les plus

sommaires.

Les corps, l'âme, Dieu. Comment l'âme se formera-t-elle une image des corps? comment pourra-t-elle se voir elle-même? comment s'élèvera-t-elle jusqu'à l'être infini?

Puisqu'il est démontré que toutes les idées ont leur origine dans quelqu'une de nos manières de sentir, et leur cause dans l'action de quelque faculté de l'entendement, nous savons où se trouve la réponse à ces questions.

Et d'abord, des sensations naissent les idées sensibles; idées qui nous montrent les corps en nous montrant leurs qualités. Je sais qu'il y a ici des difficultés réelles, dont on a donné des solutions plus ingénieuses que complétement satisfaisantes. Je dirai bientôt comment , on devrait s'y prendre pour lever ces difficultés ;

mais pour le moment, je veux faire une observation qui pourrait nous échapper.

Parce que l'idée des corps nous vient des sensations, on a cru que les sensations suffisaient pour nous donner l'idée du spectacle de l'univers. L'univers est quelque chose de plus que l'assemblage ou la somme de tous les corps.. II est un concert d'élémens, un accord admirable de fins et de moyens, un immense système de proportions et de rapports de toute espèce.

Bornés aux seules sensations, et privés des sentimens de rapport, nous serions dans une ignorance invincible des merveilles de la nature. Nous ne connaîtrions ni l'harmonie qu'on découvre dans l'organisation du plus petit insecte, ni l'harmonie qui éclate dans les sphères célestes.

La connaissance du monde physique repose donc sur deux bases, les sensations et les sentimens de rapport; elle exige aussi l'emploi de deux facultés de l'entendement, l'attention et la comparaison. Sans ces deux points d'appui et sans ces deux leviers, l'âme ne pourrait s'élever ni aux idées de rapport, ni aux idées sensibles; elle ne connaîtrait ni l'ordre qui règne entre les objets extérieurs, ni aucun objet exté

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