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que toutes les idées ont leur crigine dans quelque sentiment : avons-nous assigné la manière de sentir qui donne lieu à une idée déterminée'?

Tout nous reste donc à faire; et cependant tout est fait, en quelque sorte.

Un peuple dont le territoire abonde en mines d'or et d'argent, et qui en même temps possède les instrumens nécessaires à l'extraction de ces métaux, n'a qu'à vouloir. Ses richesses métalliques augmenteront tous les jours, tant que les mines ne seront pas épuisées, tant l'industrie ne se lassera pas de fouiller dans les entrailles de la terre.

que

Image de l'esprit humain. Les divers sentimens qu'il doit à la nature, sont les mines qui recèlent les matériaux inépuisables de ses connaissances. Les facultés qu'il doit aussi à la nature, mais dont l'art a augmenté la puissance, sont les instrumens avec lesquels il agit sur ces matériaux pour en faire sortir les richesses intellectuelles.

Il ne tient donc qu'à nous d'entrer en possession de ces richesses, de les accroître sans mesure. Le sentiment qui les donne ne nous manque jamais. Il est vrai qu'il faut les lui demander. Souvent même, il faut les lui deman

der avec obstination; mais il est rare qu'il ne cède pas à nos instances réitérées.

Pour savoir interroger le sentiment, il faut le connaître; il faut s'être bien assuré de tout ce qui le constitue. Les sensations ne vous donneront jamais les idées des facultés de l'âme. Le sentiment des facultés ne vous donnera jamais les idées sensibles; et, si vous négligez quelqu'un des élémens de la sensibilité, ce sera bien encore la sensibilité, mais ce ne sera pas notre sensibilité. Vous ne rendrez pas raison de notre intelligence.

L'intelligence qui nous appartient, embrasse des idées sensibles, des idées intellectuelles et des idées morales. C'est cette intelligence, et non une autre, qu'il s'agit d'expliquer, ou du moins, qu'il est nécessaire d'expliquer d'abord.

Ce problème, le plus intéressant qui puisse être proposé à des hommes, en comprend deux, dont l'un, plus vaste dans ses développemens, est subordonné à l'autre auquel il emprunte ses principes.

La solution du premier, s'il nous est permis de penser que nous l'ayons résolu, nous a fait connaître la nature, les sources, les causes des idées, et toutes les variétés de leurs espèces.

Elle a pour objet la manière dont se forme l'intelligence.

Afin de résoudre le second, on doit entrer dans le détail des idées, assigner à chacune son origine spéciale, sa cause propre, la place qui lui convient; et leur donner ainsi à toutes, les titres qui leur serviront de garantie. Ici, l'objet, c'est la formation de l'intelligence,

Si vous transposez ces deux problèmes, vous ne les résoudrez jamais. Comment formerezvous l'intelligence, si vous ignorez la manière dont elle se forme?

Presque tous les métaphysiciens ont fait ce renversement d'ordre. Presque tous commencent leurs traités par des dissertations sur quelques idées prises comme à l'aventure. Manquant de principes, rien ne les soutient, rien ne les éclaire, ils marchent au hasard, ou dans les ténèbres, sans appui, sans secours, sans se douter même qu'ils en aient besoin. Leurs systèmes ont fait mépriser le nom de système, comme leur métaphysique, le nom de métaphysique.

Il fallait donc avant tout, avoir reconnu les vérités suivantes.

1o. Notre âme, au sortir des mains du Créa teur, est tout à la fois sensible et active.

2o. A peine est-elle unie au corps, que, de sensible qu'elle était, elle devient sentante; et, dès qu'elle a senti, d'active qu'elle était, elle devient agissante.

3°. Nous ne comprenons, ni comment un mouvement du corps est suivi d'un sentiment de l'âme, ni comment un sentiment de l'âme est suivi d'une action de l'âme. Mais nous avons la certitude que le mouvement, de quelque manière que l'imagination se le représente, ne saurait se transformer en sentiment, ni le sentiment en action. Nous devons ici nous en tenir à la seule expérience.

4. S'il est indispensable de bien séparer l'activité de la sensibilité, pour avoir dans ces deux attributs primitifs les fondemens de l'intelligence, il ne l'est pas moins pour concevoir les développemens de l'intelligence, de distinguer dans l'activité toutes les manières dont elle s'exerce, et dans la sensibilité, toutes les manières dont elle se produit.

5o. L'activité, dans son exercice, et considérée seulement dans ses rapports avec l'intelligence, est, ou attention, ou comparaison, ou raisonnement. Ces trois facultés, si distinctes dans leur action, se confondent et s'identifient

dans leur principe. Elles ne sont, à la rigueur, l'attention.

que

6°. La sensibilité, quand elle se manifeste, est, ou sensation, ou sentiment de l'action de l'esprit, ou sentiment moral, ou sentiment de rapport. Il n'en est pas des manières de sentir, comme des manières d'agir, qui ne sont au fond qu'une seule manière d'agir. Les quatre manières de sentir ne dérivent pas les unes des autres. Elles ne peuvent se confondre et s'identifier avec la sensation, comme dans un seul principe.

7°. L'âme peut donc agir, et elle agit sur chacune de ses manières de sentir, par l'attention, par la comparaison, et par le raisonnement. De cette action qui se multiplie, appliquée au sentiment qui se diversifie, sortiront des idées sensibles, des idées intellectuelles et des idées morales idées qui seront absolues et immédiates, si elles sont produites par la seule attention; relatives et immédiates si elles sont

produites par la comparaison; médiates ou déduites, si elles sont l'ouvrage du raisonnement.

Quand nous aurons vu toutes ces idées se former successivement, quand nous les aurons comptées, pour ainsi dire, alors nous aurons assisté à la formation de l'intelligence, et le

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