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une suite d'impressions moins vives, mais sou. vent renouvelées.

Nous avons pensé que la vue de l'esprit veut être ménagée comme celle du corps. Il y a quelque analogie entre la manière dont les yeux reçoivent la lumière du soleil, et la manière dont l'intelligence reçoit la lumière de la vérité. C'est par des gradations insensibles que les ténèbres du sentiment doivent faire place à la clarté des idées, comme c'est par des gradations insensibles que les ténèbres de la nuit font place à la clarté du jour.

L'effet d'un ouvrage dramatique est manqué, si l'intérêt se ralentit. Un ouvrage didactique perdra tout son prix, si la lumière ne va pas toujours croissant; car le développement des idées et le développement des passions sont assujettis à la même loi.

Que les métaphysiciens observent ces choses; qu'ils se règlent d'après les besoins de notre esprit; on ne se plaindra plus des difficultés de la métaphysique.

J'ai bien peur que beaucoup de ces questions, qui, de tout temps, ont passé pour si difficiles, ne soient des questions de tout temps mal résolues, ou même des questions impossibles à résoudre.

sorte qu'on pourrait dire, et qu'on devrait dire, pour parler conséquemment à cette langue,' que l'abstraction est le produit de l'abstraction; la pensée, le produit de la pensée; l'entendement, le produit de l'entendement.

Ne soyons plus étonnés que tant de bons esprits éprouvent de la répugnance à lire les ouvrages des métaphysiciens. Je me borne à une critique générale. Vos lectures vous fourniront assez d'applications.

Maintenant que nous sommes familiarisés avec ces mots, abstraire, abstrait, abstraction, nous trouverons quelque facilité peutêtre à résoudre des questions qui nous auraient embarrassés.

Et d'abord, nous apprécierons une espèce de formule qui, depuis quelque temps, est dans toutes les bouches, et qui a acquis presque l'autorité d'une sentence votre idée est abstraite, c'est une chimère; votre raisonnement porte sur une abstraction, sur un pur

rien.

Une idée abstraite est une chimère, une abstraction n'est rien! ce sont donc des chimères que les idées qu'on prend dans les livres des mathématiciens? ce sont des chimères, que les idées du froid, du chaud, de la faim,

de la soif? ce sont de purs riens, que l'entendement, la volonté, la pensée? car enfin ces idées sont abstraites. Ces choses sont des abstractions.

Eh quoi! c'est en réunissant des qualités abstraites qu'on forme des réalités; et vous voulez que les qualités abstraites ne soient rien !

Abstraire, c'est séparer, ôter on ne peut pas séparer des riens; et, si l'on ôte, il faut bien qu'on ôte quelque chose. Non, dites-vous, on n'ôte rien. On n'abstrait donc pas; et c'est votre critique qui ne porte sur rien.

Et, si quelqu'un nous blâme de faire trop d'abstractions, nous lui répondrons: Adresseznous vos reproches sans faire des abstractions; nous tâcherons de vous imiter.

Et si, dans l'intention de nous effrayer, on nous proposait une question abstraite, bien abstraite; nous dirions: Tant mieux, elle en sera plus simple, plus aisée,

Comment a-t-on pu croire à la difficulté des abstractions, quand tout, dans l'homme, l'oblige d'abstraire, les sens, la pensée, la parole ?

Mais peut-être en est-il du mot difficulté,

comme de tant d'autres dont on ne s'est jamais rendu compte.

que

Rien n'était plus difficile, il y a trente ans,

de s'élever dans les airs; depuis l'inventeur des ballons, rien n'est plus facile.

Rien n'était plus difficile que la démonstration de plusieurs théorèmes de géométrie ; on a trouvé ces démonstrations; personne aujourd'hui ne se plaint de la difficulté.

Qu'y a-t-il de plus difficile que la métaphysique, si l'on en juge d'après l'opinion générale? Nous avons examiné les deux questions qui sont le fondement de cette science, la ques. tion des facultés de l'âme, et la question de l'origine de nos connaissances. Avez-vous trouvé quelque chose de très-pénible dans ces recherches? ont-elles exigé une attention fatigante, une contention extraordinaire ? et encore, si nous n'avions craint de blesser votre sagacité, combien peu il nous eût coûté de ramener nos explications à des termes plus simples! combien peu aussi de rapprocher nos preuves, de serrer nos argumens, afin qu'on pût tout saisir d'un coup d'œil!

Nous avons pensé que, pour produire des souvenirs durables , une seule impression, quelle que fût sa force, ne saurait suppléer

une suite d'impressions moins vives, mais souvent renouvelées.

Nous avons pensé que la vue de l'esprit veut être ménagée comme celle du corps. Il y a quelque analogie entre la manière dont les yeux reçoivent la lumière du soleil, et la manière dont l'intelligence reçoit la lumière de la vérité. C'est par des gradations insensibles les ténèbres du sentiment doivent faire place à la clarté des idées, comme c'est par des gradations insensibles que les ténèbres de la nuit font place à la clarté du jour.

que

L'effet d'un ouvrage dramatique est manqué, si l'intérêt se ralentit. Un ouvrage didactique perdra tout son prix, si la lumière ne va pas toujours croissant; car le développement des idées et le développement des passions sont assujettis à la même loi.

Que les métaphysiciens observent ces choses; qu'ils se règlent d'après les besoins de notre esprit; on ne se plaindra plus des difficultés de la métaphysique.

J'ai bien peur que beaucoup de ces questions, qui, de tout temps, ont passé pour si difficiles, ne soient des questions de tout temps mal résolues, ou même des questions impossibles à résoudre.

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