Page images
PDF
EPUB

que

peut le concevoir que comme un assemblage de solides; qu'en divisant le temps en passé, présent et futur, on le divise en trois temps; ét l'idée du mouvement, quoique inséparable de l'idée du temps et de celle de l'espace, est une idée différente de ces deux idées. Je réponds en second lieu, que si la comparaison de la ligne avec le solide vous laisse voir dans le solide une sorte de composition, je le veux bien; mais souvenez-vous que cette prétendue composition n'est autre chose qu'un arrangement imaginé entre des lignes ou des longueurs.

6o. Enfin, nous devons compter parmi les idées plus ou moins simples, les idées partielles dont la réunion forme une idée composée. Ainsi l'idée de la pesanteur, de la ductilité et de la malléabilité de l'or, sont réputées simples; soit qu'en effet elles ne puissent pas se diviser en d'autres idées; soit qu'on leur donne le nom de simples par opposition à l'idée de l'or, qui comprend un grand nombre d'idées.

[ocr errors]

Et comme, en voyant de l'or ou en y pensant, on ne peut s'occuper d'une manière spéciale de sa pesanteur, sans perdre de vue ses autres qualités, ni porter l'attention sur l'idée particulière de pesanteur, sans séparer dans

son esprit cette idée de pesanteur des autres idées avec lesquelles elle se trouve naturellement associée, on a dit que les qualités des objets considérées indépendamment des autres qualités avec lesquelles elles existent, et que les idées séparées des autres idées avec lesquelles elle sont associées, étaient des qualités abstraites et des idées abstraites, c'est-à-dire, des qualités et des idées séparées.

Les idées abstraites approchent d'autant plus de la simplicité parfaite, qu'elles ont été précédées d'un plus grand nombre d'abstractions successives.

De l'idée de corps ou de matière bornée en tout sens, retranchez les bornes, il vous restera l'idée de matière, idée plus simple que celle de corps. De l'idée de matière, ou d'étendue impénétrable, retranchez l'idée d'impénétrabilité, vous aurez l'idée d'étendue, plus simple que celle de matière.

De même, si, de l'idée d'écarlate, ou de couleur rouge, vous séparez le rouge, vous aurez l'idée de couleur, idée plus simple que celle de couleur rouge. Maintenant que vous avez l'idée de couleur, ou de sensation visuelle, cessez de penser que vous la devez au sens de la vue; il vous restera l'idée de sensa

tion, plus simple que celle de sensation visuelle ou de couleur. Enfin, dans l'idée de sensation, ou de sentiment produit par une impression sur l'organe, négligez cette circonstance, qu'il est produit par une impression sur l'organe; vous aurez l'idée de sentiment, idée plus simple que celle de sensation.

par

Ainsi, après les idées qui sortent des premiers développemens de nos quatres manières de sentir, et qui sont le commencement ou le principe de toutes nos connaissances, nous compterons parmi les idées simples, celles qui s'éloignent de leur source, celles qui s'en éloignent le plus, et que nous formons l'abstraction, c'est-à-dire par l'action de l'esprit, lorsque cette action se porte exclusivement sur une seule des idées dont la réunion forme cette foule d'idées composées qui, pour le plus grand nombre des esprits, sont une surcharge plutôt qu'une richesse réelle.

La simplicité des idées n'est donc souvent qu'une moindre composition; et je ne voudrais affirmer d'aucune des idées dont nous venons de parler, qu'elle soit réellement indivisible. Nous en userons comme les chimistes qui rangent provisoirement parmi les élémens sim

ples tous ceux qui se refusent à une division ultérieure.

Si nous avions une table exacte des idées élémentaires qui sont dans l'esprit humain, le projet d'une langue universelle pourrait n'être pas une chimère. Ce projet a été formé si souvent, on en a tant parlé, que vous serez peut-être bien aises de savoir en quoi il consiste. Comme on ne saurait faire une plus belle application de la théorie des idées simples, je m'y arrêterai quelques instans. Mais, qu'est-ce qu'une langue universelle? que serait une langue universelle?

Avant de dire ce qu'elle serait, je crois devoir vous dire ce qu'elle ne serait pas.

D'abord, ne croyez pas que ce fut une langue parlée; car, en la supposant reçue pour un moment, elle perdrait bien vite son universalité. Que tous les habitans de la terre parlent aujourd'hui une même langue, il ne faudra pas des siècles pour que cette langue se partage en une infinité de dialectes. Les peuples du Nord, et ceux du Midi, ne tarderont à faire paspas ser dans l'expression de leurs sentimens et de leurs idées, le caractère de leur climat, de leurs mœurs, de leurs habitudes, et bientôt ils cesseront de s'entendre. Ce qui est arrivé aux

langues que les hommes parlaient dans les anciens temps, nous dit assez ce qui arriverait à la langue que nous venons de supposer.

La langue universelle devrait donc être, ou une langue écrite d'une manière quelconque, ou une langue gesticulée; mais dans cette dernière supposition, on serait encore obligé d'écrire les gestes, comme nous le verrons dans

un moment.

Or, il y a deux sortes d'écritures et deux sortes de gestes; l'écriture et les gestes qui ne sont pas alphabétiques, et l'écriture et les gestes qui sont alphabétiques.

L'écriture qui n'est pas alphabétique représente immédiatement les objets ou leurs idées. Un arc, par exemple, représente un guerrier; un œil, l'intelligence; un serpent, l'Univers; etc. Telle est à peu près l'écriture des Chinois et de quelques autres peuples de l'Asie; telle était l'écriture des anciens Égyptiens on l'appelle hieroglyphique. Les gestes que font les sourds-muets pour se faire comprendre lorsqu'ils n'ont encore reçu les leçons d'aucun maître, représentent aussi immédiatement les objets.

:

L'écriture alphabétique représente immédiatement les sons de la voix : excepté, sans qu'on

« PreviousContinue »