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meurt, mais qui sait qu'il meurt, appartient à
un ordre plus élevé que l'être qui existe sans
connaître son existence; l'un fût-il un atome,
l'autre un monde tout entier ; l'un dût-il ne
';
vivre qu'un instant, l'autre durer toujours. La
raison dit, qu'après la vertu, le savoir est la
source et la mesure de toute noblesse, et que
le plus intelligent des êtres en est aussi le plus
noble.

C'est donc parce qu'il pense, qu'il connaît,
et qu'il se connaît, que l'homme tient le pre-
mier rang. Par son corps,
il était sans doute
une des œuvres les plus admirables de la Divi-
nité. Par son intelligence, il en est devenu l’i-
mage.

Quelle étude pourrait nous intéresser à l'égal de celle qui a pour objet une telle prééminence?

Vous apporterez, je n'en doute pas, une attention soutenue au développement de la théorie des idées; car, c'est par les idées que nous connaissons l'univers, que nous nous connaissons nous-mêmes, et que nous nous élevons à la connaissance de Dieu.

On a écrit sur les idées, des pages qui ont été plus admirées que comprises. La raison, pour admirer, a besoin de comprendre; et, lors

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qu'elle se porte sur les idées, elle veut savoir d'abord ce que c'est qu'une idée.

Qu'est-ce que l'idée, quelle est sa nature, que signifie le mot idée, , que doit-il signifier, que lui ferons-nous signifier? Telles sont les premières questions qui se présentent, ou `plutôt telle est la première question qui se pré

sente.

Si elle est mal résolue, toutes celles qui suivront seront mal résolues aussi. Nous serons trompés sur les causes des idées, sur leur origine, sur la manière dont elles se forment. Dès lors, l'acquisition ne pourra qu'en être difficile; et il deviendra comme impossible de les rectifier, lorsqu'elles auront été mal faites. Sachons donc avant tout ce que c'est qu'une idée.

Vous sentirez mieux la nécessité de cette recherche, si je vous fais remarquer dans combien de routes on peut s'engager, quand on n'a point assuré ses premiers pas.

Renversons l'ordre véritable; et, avant de nous être satisfaits sur ce qui concerne la nature des idées, demandons-nous, ou plutôt demandons aux philosophes comment il se fait que nous ayons des idées, ce que c'est qu'avoir des idées. Vous verrez ici l'imagination à son

aise; et je ne dirai pas tout ce qu'elle a inventé. Avoir des idées, c'est : ou les tenir de l'essence même de notre esprit; ou les avoir toutes reçues au premier moment de la vie; ou n'en avoir reçu d'abord qu'une partie pour acquérir les autres plus tard; ou les devoir au temps, à l'expérience, à une suite d'impressions indépendantes de la volonté; ou enfin, c'est les avoir produites nous-mêmes, et jouir d'un bien dont nous sommes en quelque sorte les créa

teurs.

Quel choix ferons-nous parmi tant d'opinions? Les idées sont-elles innées et essentielles à l'âme? Sont-elles innées sans être essentielles? Peut-on dire qu'elles sont en partie innées et en partie acquises? Consentirons-nous à les regarder comme l'effet d'une action qui nous est étrangère? Oserons - nous avancer qu'elles sont notre propre ouvrage; et, à la différence des sensations qui n'exigent, de la part de l'âme, qu'une simple capacité d'être passivement affectée, l'apparition des idées annoncerait-elle qu'il est en nous une puissance sans laquelle elles n'auraient jamais pu se manifester?

Vous ne vous attendez pas à trouver les philosophes unanimes, dans les réponses qu'ils

font à ces questions. Les nombreux systèmes qu'ils ont imaginés pour rendre raison des facultés de l'âme (t. 1, lec. 14), vous font pressentir que leur imagination n'aura pas été moins active, lorsqu'ils auront voulu rendre raison des idées; et vous êtes préparés à voir, sans étonnement, que Descartes, Mallebranche, Locke, Leibnitz, sont aussi peu d'accord entre eux, que le furent autrefois Platon, Aristote, Épicure, que le sont les philosophes de nos jours.

Des disputes qui remontent jusqu'au berceau de la philosophie, et dont il faut que nous soyons encore aujourd'hui les témoins, sont un grand sujet de réflexions pour ceux qui aiment la paix et la vérité.

Ne verra-t-on jamais la fin de ces luttes opiniâtres, dans lesquelles chacun des combattans est également assuré de la défaite des autres, et de son propre triomphe? Ces convictions imperturbables et opposées dureront-elles toujours? Aurons nous toujours des évidences qui renversent des évidences? Des vérités et des erreurs, qui demain seront des erreurs et des vérités ?

Si les facultés de l'esprit changeaient avec les individus ou avec les siècles; si les rapports de

ces facultés aux choses étaient continuellement variables, on conçoit que les opinions devraient elles-mêmes être toujours changeantes, et toujours variées. Mais les lois qui régissent l'univers sont constantes, immuables. Celles qui dès l'origine, ont coordonné le physique et le moral, sont les mêmes dans tous les temps et dans tous les lieux.

Puisqu'on ne trouve ni dans la nature de l'esprit, ni dans la nature des choses, les germes de ces divisions qui prennent tant de place dans l'histoire de la philosophie, où donc peuventils être cachés?

Sont-ils dans les préjugés de l'enfance ? dans ceux de l'école? Sont-ils dans les illusions des sens? dans les caprices de l'imagination?

Là sont beaucoup d'erreurs, sans doute, mais non pas l'erreur qui, surtout, produit les dissentimens.

Supposez qu'on mette sous nos yeux un même nombre d'objets, ou un même objet, ou un même point de vue de cet objet ; n'est-il pas bien sûr qu'après avoir attentivement regardé, nous verrons tous une même chose, et que nous serons d'accord sur ce que nous aurons vu?

N'est-il pas sûr également que nous ne pour

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