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tes des sensations, puisqu'elles ont leur origine dans les sensations. Quant aux idées intellectuelles et aux idées morales, quoiqu'elles n'aient pas leur origine dans les sensations, elles en dépendent en ce sens que, dans notre constitution actuelle, nous serions privés de ces idées si nous étions privés de toute sensation. (Leç. 2.)

Y a-t-il des idées innées? C'est demander s'il y a des idées antérieures aux sensations, indépendantes des sensations. (V. lec. 8.) Les idées different-elles des sensations?

Les idées ne diffèrent pas seulement des sensations, des sentimens-sensations; elles diffèrent de toute espèce de sentiment. Sentir des rapports de distinction, et sentir simplement, ne sont pas une même chose.

A-t-on idée de tout ce qu'on sent?

C'est demander si la connaissance suit tous les degrés et toutes les nuances du sentiment; si l'intelligence se confond avec la sensibilité; s'il suffit de sentir pour démêler tout ce qui se passe au dedans de nous; si tous les hommes qui se ressemblent par le sentiment, se ressemblent par leurs lumières. C'est demander si l'on peut être instruit, sans avoir rien fait pour s'instruire.

Toute idée est elle perception?

Avoir une idée, ou discerner ce qu'on a senti confusément, ou apercevoir, ou percevoir, c'est la même chose.

L'idée est-elle la première opération de l'entendement ?

L'idée n'est ni la première, ni aucune opération de l'entendement. L'idée est le produit d'une opération ou d'un acte de l'entendement, de l'exercice de quelqu'une de ses facultés; elle n'est ni une faculté, ni une opération, ni

un acte.

Il ne fallait donc pas confondre l'idée avec la pensée; c'était la confondre avec les opérations, ou les facultés de l'âme;

Ni en faire un étre réel, puisqu'elle n'est qu'une modification de l'esprit ;

Ni la regarder comme quelque chose de mitoyen entre les êtres et leurs qualités ou leurs modes, et croire avoir déterminé sa nature, en lui donnant le nom d'entité modale, parce qu'une pareille opinion est tout-à-fait inintelligible;

Ni dire avec Mallebranche que les idées sont l'essence même de la Divinité qui se manifeste à notre áme; et que, comme nous voyons tout par les idées ou dans les idées, nous voyons

tout dans l'essence divine, nous voyons tout en Dieu; car il n'y a rien de semblable entre ce qui résulte de l'application de nos facultés à nos sentimens, et l'essence divine;

Ni prétendre, avec les péripatéticiens, que les idées sont des espèces envoyées par les objets, d'abord aux sens, et ensuite à l'esprit pour représenter ces objets ; parce que ces espèces chimériques n'ont jamais existé que dans l'imagination des péripatéticiens (t. 1, p. 146).

Par le nom d'idée, Descartes, nous l'avions déjà dit, entend cette forme de nos pensées, par la perception immédiate de laquelle nous avons connaissance de ces mêmes pensées. Cette définition revient à la suivante : l'idée est la forme de nos pensées par laquelle nous avons idée de ces pensées.

Bonnet veut que l'idée soit toute manière d'être de l'âme dont elle a la conscience ou le sentiment. Ceci revient à l'explication de Descartes; ou, si l'on pense que ce soit autre chose, Bonnet confond l'idée avec le simple sentiment. Il fallait dire : le sentiment distinct, la conscience distincte.

On serait d'abord tenté de croire que Buffon s'est plus approché du but, et même qu'il frappé au but, lorsqu'il définit les idées des sen

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sations comparées. Mais outre que cette définition ne peut convenir qu'aux idées sensibles et que, par la comparaison des sensations, Buffon entend leur association, remarquez que, pour comparer deux sensations, il faut avoir deux sensations, et que, pour avoir deux sensations, pour sentir qu'on a deux sensations, il faut les avoir distinguées l'une de l'autre, il faut en avoir idée : les sensations comparées supposent les idées.

Pourrions-nous ne pas nommer Platon, en parlant des idées ? et nous sera-t-il possible de savoir ce que son école entendait par le

mot idée?

Le platonicien Alcinoüs, philosophe grec, qui vivait au commencement de l'ère chrétienne, va nous le dire, et même avec une rare précision.

L'idée est, par rapport à Dieu, son intelliligence; par rapport à nous, le premier objet de l'entendement; par rapport à la matière, la mesure; par rapport au monde sensible, le modèle; par rapport à elle-même, l'essence.

Je demande d'abord ce que c'est que l'idée, afin de juger de la vérité ou de la fausseté de tout ce qu'on lui attribue. Si Platon et ses disciples me répondent qu'ils viennent de la défi

nir, et même d'en donner cinq définitions différentes; ou, ce qui revient au même, de nous avertir des cinq acceptions différentes que prend le mot idée, je n'insiste pas ; et je m'arrête à la seconde de ces acceptions, à la seule qui nous intéresse dans ce moment, à celle qui considère l'idée par rapport à nous.

L'idée est le premier objet de l'entendement. L'entendement se conçoit de deux manières : ou bien c'est une faculté à laquelle nous devons toutes nos connaissances, ou bien il est la réunion de toutes nos connaissances. Si vous le regardez comme une faculté, soit simple, soit composée d'autres facultés, son premier objet n'est pas l'idée, c'est le sentiment. Si vous ne voyez dans l'entendement qu'une réunion de connaissances ou d'idées, l'idée ne sera pas son premier objet; car alors l'idée serait l'objet de l'idée.

Ajoutez qu'on ne fait pas une définition en disant que l'idée est le premier objet de l'entendement; c'est une simple proposition qui suppose qu'on sait déjà ce que c'est que l'idée.

J'aurais encore bien des remarques à faire sur les différentes manières dont on a envisagé la question des idées, tant parmi les anciens que parmi les modernes. Mais en voilà

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