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de vue de leur formation, c'est-à-dire, sous le point de vue de leur origine et de leur cause, ont donc la plus grande analogie avec les idées sensibles, et avec toutes les idées absolues; mais elles en diffèrent essentiellement sous un autre point de vue.

Supposez que deux objets extérieurs A et B agissent sur vous, l'un après l'autre. Dans cette supposition, vous éprouverez deux sensations, l'une après l'autre.

Que les deux objets agissent à la fois; vous éprouverez deux sensations à la fois.

Si les deux sensations éprouvées à la fois sont suivies de deux idées sensibles, vous aurez simultanément deux idées sensibles.

Ces deux idées sensibles et simultanées amèneront un sentiment de rapport.

De ce sentiment de rapport enfin, naîtra ou pourra naître une idée de rapport, du rapport entre A et B, lequel sera un rapport de ressemblance, si les deux objets vous ont affecté semblablement.

L'idée de rapport dérive immédiatement du sentiment de rapport. Le sentiment de rapport dérive de la présence simultanée de deux idées : ces deux idées, si elles sont sensibles, dérivent de deux sensations correspondantes; sensations

qui ont été produites par la double action des deux objets extérieurs.

Par la double action des deux objets A et B, vous avez donc obtenu trois idées; l'idée de l'objet A, l'idée de l'objet B, et de plus l'idée de leur ressemblance.

L'idée occasionée par l'objet A, a hors de vous un type, un modèle : elle correspond à un être placé hors de vous, ou à quelque qualité réelle de cet être : du moins nous le croyons ainsi, et j'ajoute cette restriction, afin de prévenir des objections intempestives sur la réalité extérieure des êtres. Lidée occasionée par l'objet B a également un modèle hors de vous, savoir, l'objet B; mais l'idée de ressemblance, où a-t-elle son modèle? Quelle est, hors de vous, la réalité qui lui correspond? Ce n'est pas l'objet A tout seul; ce n'est pas l'objet B tout seul. Seraient-ce les deux objets réunis? Les deux objets réunis ne sont pas une troisième réalité distincte d'A et de B. Dans la réunion d'A et de B, il n'y a pas trois choses. réelles, dont l'une soit A, l'autre B, et l'autre la réunion.

Vous raisonnerez sur les idées de rapport qui naissent de la comparaison des idées des facultés de l'âme, et sur les idées de rapport qui

naissent de la comparaison des idées morales, comme vous venez de le faire sur les idées de rapport qui naissent de la comparaison des idées sensibles; et vous arriverez toujours au même résultat, savoir qu'il suffit de deux objets aperçus en même temps, pour obtenir trois idées.

Nous sommes donc amenés à cette conclusion, que les idées de rapport, à la différence des idées absolues qui correspondent toujours à quelque objet, à quelque réalité, placée en nous, ou hors de nous, qui toutes ont un modèle, substance ou qualité, sont des idées qui ne correspondent à aucun objet réel, qui soit exclusivement leur objet. Les idées de rapport supposent, il est vrai, des réalités, des objets, puisqu'elles dérivent de deux idées absolues dont chacune a son objet ; mais elles n'ont pas d'objet qui leur soit propre, et qui soit distinct des deux objets qui ont donné lieu à cette idée de rapport.

Cependant on a voulu réaliser cet objet que rien ne montre, que rien ne peut montrer, puisqu'il n'existe pas. On lui a donné le nom même de rapport; et l'on a dit que les rapports existaient dans les êtres, ou dans les

qualités des êtres, et qu'ils en partageaient la réalité.

Dans les êtres se trouvent les fondemens des rapports, les termes des rapports, les objets qui occasionent les idées d'où naissent les rapports. Mais les rapports eux-mêmes ne sont pas dans les êtres.

Le mot rapport signifie deux choses. Quelquefois, mais rarement, on le prend dans un sens actif, et alors il signifie à peu près la même chose que comparaison, comme lorsque nous disons qu'on peut, ou qu'on ne peut pas établir un rapport entre deux objets. Très-fréquemment, presque toujours, on le prend dans. un sens qui n'est pas actif, et alors il exprime le résultat de la comparaison, c'est-à-dire, l'idée qui provient du rapprochement de deux objets. Or, ni la comparaison de deux objets, ni l'idée qui résulte de cette comparaison, ne peuvent se trouver ailleurs que dans une intelligence. C'est donc là seulement et exclusivement que peuvent se trouver les rapports, et non pas dans les objets qui les ont occa

sionés.

Ainsi, quand nous dirons, conformément à une manière de s'énoncer qui probablement appartient à toutes les langues, qu'il y a des

rapports entre les choses; qu'il y a un rapport entre la lumière, et la structure de l'œil; qu'il ya des rapports admirables, une harmonie divine entre toutes les parties de l'univers; qu'il y a un nombre infini de rapports, quelquefois visibles, plus souvent cachés, entre tous les êtres, etc.; nous devrons nous garder de croire que ces rapports existent réellement hors de nous, et dans les êtres. Car nous ne pouvons affirmer qu'il y a des rapports entre les êtres, qu'autant, et de la même manière que nous affirmons qu'il y a des rapports entre les idées qui nous représentent ces êtres.

Or, sur quel fondement disons-nous qu'il y a un rapport entre deux idées? Ce n'est pas que le rapport existe dans ces idées; c'est qu'il se montre à leur suite, comme une idée nouvelle, comme une idée d'une espèce nouvelle.

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L'idée de rapport naît immédiatement d'un sentiment de rapport, quand, par un acte d'attention, nous démêlons ce sentiment de tous les autres sentimens; et comme nous n'avons pu avoir ce sentiment de rapport que par la comparaison de deux idées, il s'ensuit que pour obtenir une idée de rapport, il faut deux actes de l'esprit, un acte d'attention,

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