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Terminons cette séance par une réflexion qui nous fera sentir combien nous avons reçu moyens d'être heureux.

de

Plaisirs des sens, plaisirs de l'esprit, plaisirs du cœur; voilà, si nous savions en user, les que la nature a répandus avec profusion sur le chemin de la vie.

biens

Et qu'on se garde de mettre en balance ceux qui viennent du corps, et ceux qui naissent du

fond de l'âme.

Rapides et fugitifs, les plaisirs des sens ne laissent après eux que du vide; et tous les hommes s'en dégoûtent avec l'âge.

Les plaisirs de l'esprit ont un attrait toujours nouveau; l'âme est toujours jeune pour les goûter; et le temps, loin de les affaiblir, leur donne chaque jour plus de vivacité. Pythagore offre aux dieux une hécatombe, pour les remercier d'un théorème qui porte encore son nom. Keppler ne changerait pas ses règles contre la couronne des plus grands monarques. Est-il de jouissance au-dessus de telles jouissances?

Oui, messieurs, il en est de plus grandes. Quels que soient les ravissemens que fait éprouver la découverte de la vérité, il se peut que Newton, rassasié d'années et de gloire, New

le

ton, qui avait trouvé la loi de la pesanteur, et décomposé la lumière, se soit dit, en jetant un regard en arrière, vanitas; tandis que souvenir d'une bonne action suffit pour embellir les derniers jours de la plus extrême vieillesse, et nous accompagne jusque dans la tombe.

Combien s'abusent ceux qui placent la suprême félicité dans les sensations! ils peuvent connaître le plaisir; ils n'ont pas idée du bonheur.

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QUATRIÈME LEÇON,

ÉCLAIRCISSEMENS SUR LA NATURE DES IDÉES.

Des idées dans leur rapport aux images, aux souvenirs et aux jugemens.

Les conclusions auxquelles viennent de nous conduire les trois leçons précédentes, quoique appuyées sur des faits qu'on ne peut révoquer en doute, demandent à être appuyées encore. Je le sentais avant qu'on me l'eût témoigné par diverses questions, et par diverses objections qu'on m'a adressées. Je vais tâcher d'éclairer d'un nouveau jour les objets que j'ai mis sous vos yeux. D'une plus grande clarté résultera, Je l'espère, une conviction plus grande. Rappelons d'abord ce que nous avons voulu établir.

L'âme agit sur les sensations; elle a des idées sensibles: elle agit sur les sentimens qui lui viennent de l'exercice de ses facultés, et sur les sentimens de rapport; elle a des idées intellectuelles: elle agit sur les sentimens moraux; elle a des idées morales.

Abandonnée à elle-même, la sensibilité ne deviendra jamais l'intelligence. La moindre idée sensible excède les bornes d'une nature toute passive des facultés qu'on n'a pas, des rapports qu'on n'a jamais sentis, ne sauraient être connus; et les idées morales ne peuvent se trouver où manquent toute idée sensible et toute idée intellectuelle. (leç. 2 et 3.)

C'est donc l'activité qui fait éclore les germes que la nature a déposés dans le sentiment; c'est l'activité qui, s'appliquant tour à tour aux différentes manières de sentir, forme l'intelligence; elle la fait naître, elle la développe, elle lui donne toute sa perfection.

Telle est la doctrine aussi simple que sûre dont il ne nous sera pas permis de nous écarter. Nous l'avions déjà annoncée, lorsque dans un langage peu exact, il est vrai, nous n'avions pas craint de mettre en avant que, dans l'esprit humain, tout se réduit aux sensations, au travail sur les sensations, etc. (t. 1, p. 109.) Nous savons aujourd'hui que les sensations ne sont le seul principe de connaissance; que les sentimens éprouvés à la suite de l'impression des objets ne sont pas la source unique de nos idées. Nous nous sommes assurés qu'il est d'autres manières de sentir, d'autres sentimens qui

pas

;

sont principes de connaissance, sources d'idées. C'est donc le sentiment et non la sensation qu'il semble que nous aurions dû nommer alors mais, en nous exprimant avec plus de vérité nous nous serions exposés à n'être pas entendus; et, en commençant, nous étions obligés de parler moius bien, pour paraître plus clairs.

Comment se fait-il que des choses qui se présentent si naturellement aient échappé à tous les philosophes, et que depuis des siècles on dispute sans rien éclaircir, sans qu'il soit possible de prévoir un terme aux disputes? Un tel phénomène mérite qu'on l'explique.

On le concevra si, remontant à la source des malentendus et des divisions, on observe que la question de l'origine des idées fut d'abord mal posée par les anciens philosophes, et que depuis, on s'est toujours obstiné à vouloir en donner la solution sans songer à la poser autrement. On l'avait ramenée en effet, et on la ramène encore de nos jours à une disjonctive dont les deux membres sont également faux. Les uns disent: Toutes les idées viennent des sens; toutes ont une origine unique et commune, la sensation. Les autres disent: aucune idée ne vient des sens; plusieurs du

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