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Je le crois; mais ce n'est pas l'Espagne, c'est la France qu'ils veulent conquérir. A chaque bulletin de Martainville, à chaque victoire de messieurs les gardes du corps, on refera ici quel que pièce de l'ancien régime : et qu'importe aux jésuites que les armées périssent, pourvu qu'ils confessent le roi ?

A la chambre des pairs, hier quelqu'un disait : Figurezvous que nos gens en Espagne seront des saints. Ils ne feront point de sottises; on payera tout, et le soldat ne mangera pas une poule qui ne soit achetée au marché. Ordre, discipline admirable; on mènera jusqu'à des filles, afin d'épargner les infantes. La conquête de la Péninsule va se faire sans fâcher personne, et notre armée sera comblée de bénédictions. Là-dessus M. Catelan a pris la parole, et a dit: Je ne sais pas comment vous ferez lorsque vous serez en Espagne; mais en France votre conduite est assez mauvaise. Vous payerez là, dites-vous, et ici vous prenez. Voici une réquisition de quatre mille bœufs pour conduire de Toulouse à Pau votre artillerie, qui a ses chevaux; mais ils sont employés ailleurs. Ils mènent les équipages des ducs et des marquis et des gardes du corps. Le canon reste là. Vous y attelez nos bœufs au moment des labours. Vous serez sages en Espagne, à la bonne heure, je le veux croire, et vous agirez avec ordre; mais je ne vois que confusion dans vos préparatifs.

Guilleminot a fait un rapport, dont la substance est que l'armée a besoin de se recruter d'une ou de deux conscriptions, pour être en état, non de marcher, car il n'y a nulle apparence, mais de garder seulement la frontière; que l'état-major est bon, et fera ce qu'on voudra; mais que les officiers de fortune, et surtout les sous-officiers, semblent peu disposés à entrer en campagne, pensent que c'est contre eux que la guerre se fait. Guilleminot est rappelé pour avoir dit ces choses-là, et son aide de camp arrêté comme correspondant de Fabvier. Victor part pour l'armée.

A l'armée une cour (voir là-dessus Feuquières, Mémoires), c'est ce qui a perdu Bonaparte, tout Bonaparte qu'il était. La cour de son frère Joseph sauva Wellington plus d'une fois. Partant, où il y a une cour, on ne songe qu'à faire sa cour. Le duc d'Angoulême a carte blanche pour les récompenses, et l'on sait déjà ceux qui se distingueront. Hohenlohe sera maré

chal. C'est un Allemand qui a logé les princes dans l'émigration. Il commandera nos généraux, et pas un d'eux ne dira mot. La noblesse de tout temps obéit volontiers même à des bâtards étrangers, comme était le maréchal de Saxe. Les soldats, quant à eux, font peu de différence d'un Allemand à un émigré. Ils l'aimeront autant que Coigny ou Vioménil. Personne ne se plaindra. Jamais,, en Angleterre, on ne souffrirait cela. Nous aurons tout l'ancien régime; on ne nous fera pas grâce d'un abus.

PROCLAMATION.

Soldats, vous allez rétablir en Espagne l'ancien régime et défaire la révolution. Les Espagnols ont fait chez eux la révolution; ils ont détruit l'ancien régime, et à cause de cela on vous envoie contre eux; et quand vous aurez rétabli l'ancien régime en ce pays-là, on vous ramènera ici pour en faire autant. Or, l'ancien régime, savez-vous ce que c'est, mes amis ? C'est, pour le peuple, des impôts; pour les soldats, c'est du pain noir et des coups de bâton; des coups de bâton et du pain noir, voilà l'ancien régime pour vous. Voilà ce que vous allez rétablir, là d'abord, et ensuite chez vous.

Les soldats espagnols ont fait en Espagne la révolution. Ils étaient las de l'ancien régime, et ne voulaient plus ni pain noir, ni coups de bâton; ils voulaient autre chose, de l'avancement, des grades; ils en ont maintenant, et deviennent officiers à leur tour, selon la loi. Sous l'ancien régime, les soldats ne peuvent jamais être officiers; sous la révolution, au contraire, les soldats deviennent officiers. Vous entendez; c'est là ce que les Espagnols ont établi chez eux, et qu'on veut empêcher. On vous envoie exprès, de peur que la même chose ne s'établisse ici, et que vous ne soyez quelque jour officiers. Partez donc, battez-vous contre les Espagnols; allez, faites-vous estropier, afin de n'être pas officiers et d'avoir des coups de bâton.

Ce sont les étrangers qui vous y font aller; car le roi ne voudrait pas. Mais ses alliés le forcent à vous envoyer là. Ses alliés, le roi de Prusse, l'empereur de Russie et l'empereur d'Autriche suivent l'ancien régime. Ils donnent aux soldats beaucoup de coups de bâton avec peu de pain noir, et s'en trouvent très-bien,

eux souverains. Une chose pourtant les inquiète. Le soldat français, disent-ils, depuis trente ans ne reçoit point de coups de bâton, et voilà l'Espagnol qui les refuse aussi pour peu que cela gagne, adieu la schlague chez nous, personne n'en voudra. Il y faut remédier plus tôt que plus tard. Ils ont donc résolu de rétablir partout le régime du bâton, mais pour les soldats seulement; c'est vous qu'ils chargent de cela. Soldats, volez à la victoire; et quand la bataille sera gagnée, vous savez ce qui vous attend les nobles auront de l'avancement, vous aurez des coups de bâton. Entrez en Espagne, marchez tambour battant, mèche allumée, au nom des puissances étrangères : vive la schlague! vive le bâton! point d'avancement pour les soldats, point de grades que pour les nobles.

Au retour de l'expédition, vous recevrez tout l'arriéré des coups de bâton qui vous sont dus depuis 1789. Ensuite, on aura soin de vous tenir au courant.

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La police va découvrir une grande conspiration qui aura, dit-on, de grandes ramifications dans les provinces et dans l'armée. On nomme déjà des gens qui en seront certainement. Mais le travail n'est pas fait.

AVERTISSEMENT DU LIBRAIRE.

(1823.)

Nous possédons un manuscrit, et publierons, quand la censure sera rétablie, différentes brochures de Paul-Louis, toutes excessivement utiles et prodigieusement agréables, comme on le peut voir par ces titres :

1o La Lanterne de Rovigo, ou Considérations sur la nouvelle noblesse;

2o De l'indifférence en matière de B.... v....;

3o Vue sur la Septennalité, ou l'An climatérique de la Charte constitutionnelle;

4o Obligations d'un député ministériel, avec cette épigraphe

de l'ami Paul: LA VIANDE EST POUR LE VENTRE, LE VENTRE

EST POUR LA VIANDE;

5o De l'influence de la Russie sur le chien du garde-champêtre de la commune de Bagnolet;

6o Thèses contre les hérétiques, où l'on démontre à priori que le célibat des jeunes p...... et la c.............. des j............... f.............. sont principalement cause de la pureté des mœurs dans tous les États catholiques;

7° De la PORNOCRATIE en France, depuis Brennus jusqu'à nos jours, avec une dissertation sur le principe PORNOCRATIQUE dans les gouvernements de l'Europe;

8o RECEPI NUMMOs à gogo, ou Diachylon pour les plaies de la révolution, aux dépens de qui n'en peut mais.............. ;

9° Hommage des employés de Montmartre, offrant, par l'organe du préfet, la moitié de leur picotin pour l'acquisition de C........;

10o Pétition des mêmes, demandant double râtelier pour les services par eux rendus dans les dernières élections, en votant à billet ouvert;

11o EPISTOLA CRITICA DOCTISSIMO VIRO Champollion-Figeac, dans laquelle on lui prouve, par les hiéroglyphes, qu'il ne sait ce qu'il dit sur les dynasties égyptiennes, attendu que jamais il n'y eut en Égypte que deux races de souverains, dites les DEMOBORUS et les ALIBORUS, depuis ALIBORON Ier jusqu'à DÉMOBORON le Grand;

12° Autopsie du cadavre de la défunte Charte, avec cette épigraphe de Virgile CUNCTANTES INTER CECIDIT MORI

BUNDA SINISTROS.

PIÈCE DIPLOMATIQUE,

EXTRAITE DES JOURNAUX ANGLAIS 1.

(1823.)

A MON FRÈRE LE ROI D'ESPAGNE.

J'ai reçu la vôtre, mon frère ou mon cousin, puisque nous sommes issus de germains. Vous voilà bientôt, grâce au ciel, hors des mains de vos rebelles sujets, dont je me réjouis avec vous comme parent, voisin, ami, entièrement de votre avis d'ailleurs sur notre autorité légitime et sacrée. Nous régnons de par Dieu, qui nous donne les peuples, et nous ne devons compte de nos actes qu'à Dieu, ou aux prêtres, cela s'entend. J'y ajoute, comme conséquence également indubitable, qu'il ne nous faut jamais recevoir la loi des sujets, jamais composer avec eux, ou du moins nous croire engagés par de telles compositions, vaines et nulles de droit divin. C'est aux personnes de notre rang le dernier degré d'abaissement que promettre aux sujets et leur tenir parole, comme a très-bien dit Louis XIV notre aïeul, de glorieuse mémoire, qui savait son métier de roi. Sous lui, on ne vit point les Français murmurer, quelque faix qu'il leur imposât, en quelque misère qu'il les pût réduire; pas un d'eux ne souffla mot, lui vivant. Pour ses guerres, ses maîtresses, pour bâtir ses palais, il prit leur dernier sou: c'est régner que cela! Charles II d'Angleterre fit de même à peu près; comme nous, rétabli après vingt ans d'exil et la mort de son père, il déclara hautement qu'il aimait mieux se soumettre à un roi étranger, ennemi de sa nation, que de compter avec elle, ou de la consulter sur les affaires de l'État; sentiments élevés, et dignes de son sang, de son nom, de son rang. Moi, qui vous écris ceci, mon cousin, je serais le plus grand roi de l'Europe, si j'eusse

'On la dit envoyée de Cadix à M. CANNING par un de ses agents secrets. qui l'aurait eue d'un valet de chambre, qui l'aurait trouvée dans les poches de sa MAJESTÉ CATHOLIQUE.

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