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» voyance; mais au reste si vigilant et » si prêt à tout, qu'il n'a jamais manqué » les occasions qu'elle lui a présentées : » enfin un de ces esprits remuans et au» dacieux, qui semblent être nés pour » changer le monde. »>

Les poètes font très-souvent usage de cette figure, en donnant eux-mèmes un caractère à leurs personnages, ou en embellissant celui que l'histoire leur donne. Parmi tous les portraits de cette espèce, je n'en connais pas de mieux frappé que celui de Rhadamisthe, dans la tragédie de ce nom, par Crébillon. C'est Rhadamisthe lui-même qui parle :

Et que sais-je, Hiéron? furieux, incertain,
Criminel sans penchant, vertueux sans dessein,
Jouet infortuné de ma douleur extrême,

Dans l'état où je suis, me connais-je moi-même ?
Mon cœur, de soins divers sans cesse combattu,
Ennemi du forfait sans aimer la vertu,

D'un amour malheureux déplorable victime,
S'abandonne au remords sans renoncer au crime.
Je cède au repentir, mais sans en profiter;
Et je ne me connais que pour me détester.
Dans ce cruel séjour sais-je ce qui m'entraîne?
Si c'est le désespoir, ou l'amour, ou la haine ?
J'ai perdu Zénobie: après ce coup affreux
Penx-tu me demander encor ce que je veux ?
Désespéré, proscrit, abhorrant la lumière,
Je voudrais me venger de la nature entière.
Je ne sais quel poison se répand dans mon cœur ;
Mais jusqu'à mes remords, tout y devient fureur.

La Posographie peint l'extérieur des Posogra objets. On en trouve un bien beau mo-phic,

dèle dans ce portrait du prélat du Lutrin par Boileau:

La jeunesse, en sa fleur, brille sur son visage : Son menton sur son sein descend à triple étage, Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur, Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur.

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Tout brûle des feux de l'été :
Le froid serpent, caché sous l'herbe,
S'éveille, et dresse avec fierté
La crête de son front superbe :
Son corps, en replis ondoyans,
Roule, circule, entrelace;

Ses yeux, pleins d'ardeur et d'audace ;
S'arment de regards foudroyans:
Bientôt, levant sa tête altière
Vers l'astre qui l'a ranimé,
Il s'élance de la poussière,
Et fait briller à la lumière
Son aiguillon envenimé.

Un autre poète, dont le nom m'est échappé, offre aussi un bel exemple de Posographie dans ces vers, où il peint l'attitude d'une personne qui va écouter à une porte;

Cependant il hésite, il approche en tremblant, Posant sur l'escalier une jambe en avant, Etendant une main, portant l'autre en arrière, Le cou tendu, l'oeil fixe, et le cœur palpitant, D'une oreille attentive avec peine écoutant.

L'éthopée et la posographie se trouvent souvent jointes ensemble, et n'en sont l'une et l'autre que plus piquantes et plus agréables; ce portrait d'un jeune

fat dans la Bruyère, en est un très-bel exemple. fatuite d'unes pos » J'entends Théodecte de l'anticham» bre. Il ́ grossit sa voix à mesure qu'il p » s'approche; le voilà entré il rit, il » crie, il éclate; on bouche ses oreilles ; >> c'est un tonnerre: il n'est pas moins redoutable par les choses qu'il dit, que » par le ton dont il parle il ne s'apaise, » et il ne revient de ce grand fracas » que pour bredouiller des vanités et des » sottises. Il a si peu d'égard au temps, » aux personnes, aux bienséances, que >> chacun a son fait, sans qu'il ait eu in» tention de le lui donner: il n'est pas >> encore assis, qu'il a, à son insu, déso» bligé toute l'assemblée. A-t-on servi? il » se met le premier à table, et dans la » première place il n'a nul discerne» ment des personnes, ni du maître, ni » des conviés : il abuse de la folle défé»rence qu'on a pour lui.... Si l'on joue, » il gagne au jeu ; il veut railler celui qui perd; et, s'il l'offense, les rieurs sont » pour lui: il n'y a sorte de fatuité qu'on » ne lui passe. »

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La Topographie décrit les lieux. Telle Topogra est, dans Télémaque, la description de phie. celui où était située la grotte de Calypso :

« Les doux zéphirs conservaient en » ce lieu, malgré les ardeurs du soleil » une délicieuse fraîcheur. Des fontaines,

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» coulant avec un doux murmure sur >> des prés semés d'amarantes et de vio» lettes, formaient en divers lieux des » bains aussi purs et aussi clairs que le >> cristal. Mille fleurs naissantes émail>>laient les tapis verds dont la grotte était » environnée. Là, on trouvait un bois de » ces arbres touffus qui portent des pom>>mes d'or; et dont la fleur qui se re»> nouvelle dans toutes les saisons, répand le plus doux de tous les parfums. » Ce bois semblait couronner ces belles >> prairies et formait une nuit que les >> rayons du soleil ne pouvaient percer. » Là, on n'entendait jamais que le chapt » des oiseaux ou le bruit d'un ruisseau » qui, se précipitant du haut d'un ro» cher, tombait à gros bouillons pleins » d'écume, et s'enfuyait au travers de la » prairie. La grotte de la déesse était sur » le penchant d'une colline: de là on dé» couvrait la mer, quelquefois claire et » unie comme une glace, quelquefois fol»lement irritée contre les rochers où elle » se brisait en mugissant, et élevant ses >> vagues comme des montagnes. D'un » autre côté, on voyait une rivière, 'où » se formaient des îles bordées de tilleuls » flcuris et de hauts peupliers, qui por>> taient leurs têtes superbes jusque dans » les nues. Les divers canaux qui for» maient ces les, semblaient se jouer » dans la campagne : les ans roulaient

>> leurs eaux claires avec rapidité ; d'au>> tres avaient une eau paisible et dor>> mante; d'autres par de longs détours » revenaient sur leurs pas, comme pour >> remonter vers leur source et sem>> blaient ne pouvoir quitter ces bords >> enchantés. On apercevait de loin des >> collines et des montagnes qui se per» daient dans les nues, et dont la figure » bisarre formait un horizon à souhait » pour le plaisir des yeux. Les mon>> tagnes voisines étaient couvertes de » pampre verd qui pendait en feston : le >> raisin plus éclatant que la pourpre ne » pouvait se cacher sous les feuilles, et » la vigne était accablée sous son fruit. » Le figuier, l'olivier, le grenadier, et >> tous les autres arbres couvraient la

>> campagne, et en faisaient un grand » jardin. »>

La Chartreuse, de Gresset, est pres qu'en entier un modèle de topographie. En voici quelques vers :

Si ma chambre est ronde ou carrée,
C'est ce que je ne dirai pas.

Tout ce que j'en sais sans compas,
C'est que, depuis l'oblique entrée
Dans cette cage resserrée,

On peut former jusqu'à six pas.
Une lucarne mal vitrée,
Près d'une gouttièrs livrée
A d'interminables sabats,
Où l'université des chats,
A minuit, en robe fourrée,
Vient tenir ses bruyans états;
Une table mi-démembrée,

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