Page images
PDF
EPUB

de justesse et de précision, que d'élégance et d'urbanité. Partout il montre un esprit également sage, solide et brillant. Partout il réunit la force et la grâce, et va jusqu'au coeur par des charmes qui lui sont naturels, et auxquels il joint toutes les finesses et tous les agrémens de l'art. Ses discours contré Catilina, contre Verrès, gouverneur de Sicile, et contre Antoine le triumvir, sont remarquables par l'énergie des pensées, la rapidité du style, et la véhémence des sentimens. Sa harangue pour le consul Marcellus est un parfait modèle d'éloquence fleurie. On régarde, avec juste raison, comme un chef-d'œuvre, celle qu'il prononça pour Ligarius, proconsul d'Afrique, qui qui avait pris le parti de Pompée contre César, et à qui celui-ci avait accordé la vie, avec défense de rentrer dans Rome. Du Ryer, Gillet et l'abbé Maucroix, ont mis en notre langue plusieurs oraisons de Cicéron. Bourgoing de Villefore les a toutes traduites: mais sa traduction est bien au-dessous de l'original. Wailly a retouché celle des plus belles oraisons, et en a publié une nouvelle édition, sous le titre d'Oraisons choisies de Cicéron: elle mérite d'être lue. L'Abbé d'Olivet a fort bien traduit les Catilinaires, qu'il a réunies dans un même volume aux Philippiques de Démosthène, dont j'ai parlé

un peu plus haut. C'est celui qui a le mieux exprimé le caractère de l'éloquence de l'orateur romain.

L'abbé Auger nous à donné aussi une bonne traduction des oraisons de Cicéron, parmi lesquelles on trouve les quatorze Philippiques, ou discours contre Antoine. Enfin le public a vu avec plaisir, il y a quelques années, une traduction nouvelle des oeuvres complètes de Cicéron. Les trois premiers volumes deş Oraisons sont d'un anonyme; les trois suivans de Clément, et le dernier qui a paru, de Guéroult.

Il y eut à Rome une infinité de personnages consulaires, ou de citoyens distingués, qui coururent avec éclat la carrière de l'éloquence. Leurs ouvrages ne nous sont point parvenus. L'éloge qu'en fait Cicéron lui-même, doit nous les faire extrêmement regretter, surtout ceux d'Hortensius, son contemporain et son rival.

Notre barreau a été en proie à la barbarie jusque vers les dernières années du règne de Louis XIII. A cette époque, Le Maistre et Patru furent les premiers qui y introduisirent le bon goût et la pureté du langage. Ces deux avocats jouirent pendant leur vie d'une brillante réputation, ainsi que Gautier, leur contemporain. Il y a de très-beaux morceaux dans leurs plaidoyers, qui ont

[ocr errors]

été imprimés. Mais l'éloquence du barreau a fait, depuis, de grands progrès parmi nous. Erard, Gillet, Sacy et Terrasson ont été plus loin que ceux qui les avaient précédés. Leurs plaidoyers, qu'on a donnés au public, sont très-bien écrits, solides, et vraiment éloquens. La gloire de ces orateurs a été encore éclipsée par les célèbres Cochin et Normant. Celui-ci avait une grande élévation dans le génie, et un discernement si sûr, qu'on disait de lui qu'il devinait la loi, et qu'il devinait juste. Quand on lit les plaidoyers de Cochin, on juge aussitôt que, si cet avocat incomparable peut jamais être égalé, il ne sera point surpassé : il est parfait dans

son art.

L'immortel d'Aguesseau, qui, après avoir occupé les hautes places de la magistrature, devint chancelier de France, nous a laissé des discours qu'il prononça étant avocat ou procureur-général. Je ne craindrai pas de dire qu'ils ne sont point inférieurs aux plus beaux chefs-d'œu vre sortis des barreaux d'Athènes et de Rome. Cet illustre magistrat, un des plus étonnans que la France ait jamais eus, joignait une infinité de connaissances, ou, pour mieux dire, tous les genres de savoir, au génie le plus brillant et le plus élevé, à l'âme la plus sensible et la plus vertueuse.

Il y a un très-bon ouvrage qu'on peut regarder comme faisant partie de l'éloquence du barreau, parce qu'il est exactement dans le genre judiciaire. C'est la défense de Fouquet, surintendant des finances, sous Louis xiv, par Pellisson. Ces mémoires sont des chefs-d'œuvre en ee genre.

ARTICLE III.

Des Discours académiques.

Les sociétés littéraires ont été instituées pour porter les sciences et les arts au plus haut degré de perfection possible. Richelieu a été le premier en France qui ait conçu et exécuté le projet d'un établissement si utile et si glorieux. Les discours académiques, ainsi nommés parce qu'on les prononcé dans les académies, sont les mémoires sur les sciences, sur les arts, sur tous les genres d'érudition, et les discours de réception; les harangues, ou complimens à des puissances, et les éloges des acadé

miciens.

I. Des Mémoires et des Discours de réception.

Les mémoires contiennent ordinairement des observations ou des découvertes qu'on a faites dans une science

[ocr errors]

ou dans un art; des points d'histoire, de chronologie, de critique qu'on éclaircit, ou d'autres objets qui y ont rapport. Il est aisé de sentir que ces sortes de discours, ou plutôt ces dissertations académiques, ne sont susceptibles ni des richesses du style, ni des mouvemens de l'éloquence. L'écrivain, ne devant parler qu'à la raison pour instruire, s'attache principalement au fond des choses et à la manière de les présenter, c'est-àdire, à l'ordre et à la méthode. Les expériences relatives à son sujet, les autorités favorables à son opinion, voilà les lieux oratoires extérieurs où il puise une grande partie de ses preuves. Quant au style, il suffit qu'il soit clair, convenable, précis, élégant sans prétention.

Nous devons l'origine des discours de réception à Patru, qui, ayant été élu membre de l'académie française en 1640, prononça, le jour qu'il y prit séance, un discours pour en témoigner sa reconnaissance à cette compagnie. Son exemple a été suivi par tous les récipiendaires. L'Académie même en a fait une loi, et a imposé de plus à tout nouvel académicien, l'obligation de louer, dans son discours de remerciment, l'homme de lettres auquel il succède. L'usage veut aussi que le directeur de l'Académie réponde au récipiendaire, et qu'il en fasse

« PreviousContinue »