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la manière la plus convenable à son sujet. On ne peut, à cet égard, établir aucune règle particulière, quoiqu'on ait remarqué que notre célèbre Cochin réduisait toutes ses preuves à une seule, qu'il présentait sous des faces différentes, et toujours avec le même succès.

Il n'y a point de meilleures preuves que celles qui sont appuyées de l'autorité des loix. Toute l'habileté d'un avocat consiste à se servir de ces loix à son avantage. Si donc la loi est pour lui, il représentera avec force qu'étant sacrée, ce serait un crime d'y rien changer, et que le jugement doit y être conforme. Si elle ne lui est pas tout-à-fait favorable, il fera voir que la justice des loix dépend d'une infinité de circonstances, qui toutes n'ont pu être prévues par le législateur; et qu'il est permis aux juges d'expliquer, d'éclaircir la loi, de s'en écarter même dans leurs jugemens, en suivant néanmoins les principes de la raison et de l'équité.

Dans la péroraison, l'orateur pourra faire connaître les bonnes mœurs de son client. Il récapitulera ensuite les preuves les plus convaincantes et les plus décisives qu'il aura développées, et mettra en usage, pour intéresser les juges et se les rendre favorables, tout ce que l'éloquence a de plus fort de plus agréable et de plus touchant. C'est ce que n'a

jamais manqué de faire Cicéron, le vrai modèle des orateurs du barreau.

Quant au style, il doit être proportionné à la nature de la cause. Les petites affaires ne peuvent être traitées que d'un style simple; les grandes, d'un style élevé, et celles qui tiennent le milieu, d'un style tempéré. Il y a des causes qui ne veulent que de l'ordre et de la netteté; d'autres qui exigent de la véhémence et de grands mouvemens; d'autres enfin qui sont susceptibles en même temps de simplicité, d'ornemens et de passions. Mais quelle que soit la nature de la cause, l'orateur doit toujours s'attacher plus aux choses qu'aux paroles, plus au choix et à la solidité des preuves qu'à ce frivole assemblage de figures éblouissantes, qui ne parlent ni au cœur, ni à la raison. Il ne se permettra jamais la plaisanterie, et encore moins la satire, pas même dans la réplique, quoiqu'il puisse quelquefois s'y montrer moins grave que dans le plaidoyer.

Après qu'une cause a été discutée devant les juges par l'orateur qui demande, et par l'orateur qui défend, le procureur du roi, ou l'un des avocats-généraux donne ses conclusions. Ces sortes de discours peuvent être mis au nombre des plaidoyers. On doit y recueillir les raisons de l'une et de l'autre partie, les

comparer, les balancer, et se déterminer en faveur des meilleures. Mais la plus exacte impartialité doit y être scrupuleusement gardée. Point de détours, point de finesse, point d'art pour incliner les juges par des motifs étrangers à la cause; point d'ornemens non plus qui ne tendent qu'à plaire. Une simplicité noble, une marche bien suivie, une méthode lumineuse est tout ce qui convient à ces sortes de discours.

L'avis qu'un avocat donne par écrit, touchant une affaire sur laquelle il a été consulté, est ce qu'on appelle consulta tion. Il y expose en raccourci les principaux moyens qui doivent être développés dans le plaidoyer. On sent par conséquent qu'il ne saurait y mettre trop d'exactitude, de précision et de clarté. Rien ne doit y être en aucune manière susceptible de diverses interprétations.

II. Des Mémoires, et des rapports de Procès,

Dans les affaires d'une bien grande importance, les avocats ont coutuure de faire imprimer des mémoires, qu'ils distribuent aux juges. Les moyens y sont ordinairement exposés avec un peu moins d'étendue que dans les plaidoyers. Mais d'un autre côté, ces sortes de dis

cours

devant être lus dans le silence du cabinet, exigent plus d'art et de soin que les discours prononcés de vive voix. L'oeil du lecteur est bien plus perçant que celui de l'auditeur, quelque attentif qu'on suppose celui-ci. Le premier, ayant tout le temps de réfléchir sur un ouvrage, en saisit jusqu'aux plus légers défauts jusqu'aux plus petites négli gences. Il faut donc que l'avocat travaille un mémoire, et le perfectionne autant qu'il lui sera possible. Tout doit y être exact et mesuré, soit dans le style, soit dans les choses. Aucun moyen ne doit être négligé pour instruire, plaire et toucher de la manière la plus conve nable.

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Le Rapport d'un procès est un discours fait par un des juges, pour instruire ses confrères d'une affaire qu'il a été chargé d'examiner. C'est là que doivent être exposés, dans le plus grand jour, l'origine, le fond, les circonstan cas, les incidens, les suites de la cause, et les moyens qu'on fait valoir pour et contre. Il ne faut que de la netteté, de la méthode, de la justesse et de la précision pour ces sortes de discours. Les ornemens doivent en être bannis, à moins qu'ils ne naissent de la matière même 2. ou qu'ils ne soient nécessaires pour réveiller et piquer l'attention des auditeurs. Le rapporteur doit surtout ne pas

Orateursdu barreau.

oublier qu'il parle, non comme avocat, mais comme juge, que par conséquent il doit être sans passion, et qu'il ne lui est nullement permis d'exciter celle des

autres.

Il y a quelques autres espèces de discours qui font partie de l'éloquence du barreau. Ce sont ceux que prononce le procureur du roi, ou l'un des avocatsgénéraux, à la rentrée des parlemens, et qui doivent rouler sur l'administration de la justice, ou sur des objets qui y ont quelque rapport; les Mercuriales, discours dans lesquels le premier président, ou l'un des gens du roi s'élève contre les abus et les désordres qui ont été remarqués dans l'administration de la justice; enfin les Réquisitoires, discours dans lesquels le procureur du roi demande aux magistrats quelque chose d'intéressant pour la société civile, et qui doivent respirer en tout l'amour du bien public. Les trois genres d'éloquence entrent dans ces différentes espèces de discours. L'orateur doit y être tour-à tour simple, fleuri, sublime et pathétique.

degré d'élévation Grecs et chez les

L'éloquence du barreau n'a pas été portée parmi nous au où on l'a vue chez les Romains. Cela n'est

pas surprenant.

Dans notre barreau, elle est restreinte à la discussion des causes. entre les

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