Page images
PDF
EPUB

prince de Conti, et surtout dans celle de Louis XIV.

De cinq oraisons funèbres que Mascaron a faites, celle de Turenne est la seule qui lui ait donné un rang distingué parmi les orateurs. Les autres sont faibles, et pèchent contre le goût.

Le P. de la Rue, toujours simple, noble, énergique et touchant, inspire l'amour des vertus qu'il a si bien louées dans ses héros. On admire son oraison funèbre du duc et de la duchesse de Bourgogne ; et l'on regarde celle du maréchal de Luxembourg comme une des plus belles que nous ayons.

Une éloquence vive, brillante et soutenue, caractérise les Oraisons funèbres du cardinal de Fleuri et du maréchal de Belisle par le Père de Neuville. La première surtout ne sera jamais déplacée parmi les chefs-d'oeuvre en ce genre.

Les anciens, comme je l'ai déjà dit louaient les grands hommes vivans : ils louaient aussi les morts. On croit communément que les Grecs commencérent à le faire après la bataille de Marathon, donnée l'an 490 avant Jésus-Christ. Ce qu'on peut assurer, au rapport de Thucydide, qui a écrit l'histoire de la guerre du Péloponnèse, jusqu'à la vingtième année, c'est qu'on fit dans Athènes des obsèques publiques aux citoyens qui

avaient été tués à la guerre de Samos, l'an 441 avant Jésus-Christ, et que Pé riclès, l'homme le plus illustre et le plus éloquent de la république, prononça leur éloge.

[ocr errors]

Les Romains suivant Polybe, ouvrirent cette carrière à l'éloquence, la même année qu'ils abolirent la royauté, pour établir le gouvernement républicain, c'est-à-dire, l'an 709 avant JésusChrist. Ce fut aux funérailles de Lucius Junius Brutus, consul, tué dans une bataille contre les Etrusques qui voulaient rétablir les Tarquins sur le trône de Rome son corps fut exposé dans la place publique par ordre de Valerius Publicola, son collègue, qui, étant monté à la tribune aux harangues, fit un récit touchant des belles actions de sa vie. Le peuple romain comprit combien il serait utile à la république de louer les grands hommes après leur mort, et ordonna aussitôt que cet usage serait perpétuellement observé. Il le fut en effet, nonseulement jusqu'à la ruine entière de la république, mais même sous les empereurs, puisque Néron, parvenu à l'empire prononça l'éloge de Claude, son prédé

cesseur.

Dans Athènes, on ne louait que la valeur militaire, et à Rome, toutes sortes de vertus. Aucune de ces oraisons funèbres ne nous est parvenue.

ARTICLE

ARTICLE IL

Des discours du Barreau.

1

Défendre, par le talent de la parole, les biens, l'honneur, la vie même des citoyens, contre les détours frauduleux de la mauvaise foi, les artifices de l'imposture, et les attentats de la calomnie, soustraire l'homme faible, indigent et vertueux, à l'oppression, et souvent à la rapacité de l'homme injuste, riche et puissant, telle est la noble fonction de l'orateur du barreau. Pour la remplir avec la dignité et l'utilité convenables, il doit joindre à la sagacité, à la justesse et à l'élévation du génie, une connaissance étendue et profonde des loix, des différentes coutumes de la jurisprudence ancienne et de la moderne, des arrêts, des ordonnances, etc. Voilà proprement la science qui lui est indispensable, et qu'il doit regarder comme le fondement nécessaire de l'édifice. C'est ce qu'on appelle, en terme de l'art, lieux oratoires extérieurs. Il y en a plusieurs autres, suivant la nature du sujet qui divise les parties contendantes. Tels sont par exemple, les conventions qu'elles ont stipulées entre elles par écrit ou verbalement; les aveux qu'elles font ou qu'elles ont faits; le serment qu'elles ont

prêté, ou qu'elles offrent de prêter; les dépositions des témoins qui ont été entendus, etc.

Une étude encore importante, à laquelle l'orateur du barreau doit s'appliquer, est celle des grands orateurs, soit anciens, soit modernes. Il n'est pas douteux non plus qu'il n'ait besoin d'une certaine teinture des belles-lettres, pour orner des sujets, qui souvent ne présentent en eux-mêmes aucun agrément, et pour faire naître des fleurs dans un terrain qui, au premier aspect, paraît aride, ou propre seulement à produire des épines.

Toutes les affaires litigieuses qui doivent être discutées et décidées devant les tribunaux de la justice, peuvent servir de matière aux différentes espèces de discours du barreau, qu'on réduit ordinairement aux plaidoyers et aux consultations, aux mémoires et aux rapports de procès.

I. Des plaidoyers et des Consul-
tations.

Dans les plaidoyers, on demande ou l'on défend. L'avocat qui demande établit d'abord la question, ou constate le fait selon la nature de la cause. Il expose ensuite ses moyens ou preuves, les développe, et finit par prendre des con

clusions, dans lesquelles il spécifie l'objet de sa demande. L'avocat qui défend, suit la même méthode, mais dans un sens contraire. Il commence par contester le droit, ou par nier le fait, soit en tout, soit en partie. Il réfute ensuite les moyens de son adversaire, fait valoir les siens, et conclut enfin contradictoirement aux prétentions de la partie adverse.

L'exorde est inutile dans les plaidoyers, à moins qu'il ne s'agisse d'une grande cause, d'une affaire bien importante. La précision et la briéveté doivent alors en faire le principal mérite. Il faut surtout prendre garde de n'y rien dire qui ne soit entièrement tiré du fond du sujet.

La narration sera également courte, mais vive et agréable. L'orateur peut employer les ressources de l'art pour l'embellir. D doit même, en bien des occasions, y répandre les figures les plus brillantes et les plus animées, pour donner un tour piquant à des faits dont le détail, quoique essentiel à la cause, pourrait, sans ces ornemens, porter dans l'âme le dégoût et l'ennui.

Dans la confirmation, l'orateur du barreau doit déployer toute la force de la raison, revêtue des grâces du style. C'est là qu'il fera valoir ses preuves, en les disposant, en les développant de

« PreviousContinue »