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plusieurs empereurs romains,

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blés en un recueil intitulé: Panegyrici veteres. Le meilleur de tous est à la tête de cette collection : c'est celui de Trajan par Pline le jeune, qui le composa par ordre du sénat, au nom de tout l'empire, et le prononça en présence de l'empereur même. Le style en est riche et fleuri, les pensées belles et lumineuses , les descriptions vives et frappantes. Mais l'art y paraît trop à découvert : tout ce que l'éloquence a de plus brillant y est étalé avec trop de pompe. Pline se laissa entraîner par le mauvais goût de son siècle, qui n'admirait dans les productions de l'esprit que ce qui était éclatant et re-cherché. Il faut cependant convenir que ce discours est celui de ses ouvrages où il s'en est le plus garanti. Sacy en a donné une traduction aussi élégante que fidèle.

III. De l'Oraison funèbre.

Dans l'Oraison funèbre, l'orateur loue les morts qui ont été illustres par leur naissance, leur rang, leurs vertus et leurs actions. Ce genre de discours demande beaucoup d'élévation dans le génie, une grandeur majestueuse qui tient un peu à la poésie. Tout doit y être plein de force et de dignité : il ne souffre rien de commun, rien de mé

diocre. L'éloquence doit y déployer toute sa magnificence, toute sa pompe et toutes ses richesses. Mais il faut bien prendre garde de ne point étaler ces ornemens avec profusion et sans choix; de ne point négliger le plan et la conduite du discours, l'ordre et la liaison des idées la convenance et la clarté du style. Si l'on exige que l'imagination de l'orateur soit vive brillante et fleurie, on exige aussi qu'elle soit sage, bien réglée, et toujours dirigée par le goût.

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Le texte d'une oraison funèbre doit être comme un éloge raccourci du héros, et mettre d'abord sous les yeux toute sa vie et son caractère. L'orateur peut, dans l'exorde, pour tenir les esprits en suspens, se livrer à un certain désordre, qui est un effet de l'art; éclater en plaintes et en gémissemens sur la courte durée et la fragilité des grandeurs humaines. Il peut même commencer par quelque réflexion frappante, exprimée avec force et avec noblesse, comme l'a fait Bossuet dans ce début si majestueux et si imposant de son Oraison funèbre de Henriette-Marie de France, reine d'Angleterre :

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«< Celui qui règne dans les cieux, et » de qui relèvent tous les empires; » qui seul appartient la gloire, la ma»jesté et l'indépendance est aussi le » seul qui se glorifie de faire la loi aux

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>> rois, et de leur donner, quand il » lui plaît, de grandes et de terribles >> leçons. Soit qu'il élève les trônes, » soit qu'il les abaisse, soit qu'il com

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munique sa puissance aux princes, » soit qu'il la retire à lui-même, et ne >> leur laisse que leur propre faiblesse, » il leur apprend leurs devoirs d'une » manière souveraine et digne de lui; » car, en leur donnant sa puissance, il >> leur commande d'en user comme il » fait lui-même pour le bien du monde ; » et il leur fait voir, en la retirant, que » toute leur majesté est empruntée, et » que, pour être assis sur le trône, ils n'en » sont pas moins sous sa main et sous » són autorité suprême. C'est ainsi qu'il >> instruit les princes non - seulement » par des discours et par des paroles, » mais encore par des effets et par des » exemples. »

>>

L'orateur développera ensuite son dessein d'une manière délicate, qui laisse à peine apercevoir qu'il prépare sa division. Cette partie est une des plus belles, mais des plus difficiles de l'oraison funèbre. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit toute renfermée dans le texte; mais elle doit toujours en être tirée. Les expressions de l'écriture, bien employées, donnent un grand éclat et une grande noblesse au discours. C'est au discernement de l'orateur, d'y faire entrer à

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propos ce qu'elles ont de majestueux et de sublime.

Qu'on ne s'imagine pas que les preuves soient bannies de l'oraison funèbre. Elles servent, au contraire, quand elles sont employées à propos, à relever la gloire du héros que loue l'orateur. On va s'en convaincre à la lecture de ce beau morceau, tiré de l'Oraison funèbre du grand Condé, par le P. Bourdaloue.

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J'appelle le principe de tant d'hé» roïques actions, ce génie transcendant » et du premier ordre, que Dieu lui » avait donné pour toutes les parties de » l'art militaire, et qui, dans les siècles » où l'admiration, se tournant en idolâ>> trie, produisait des divinités, l'aurait >> fait passer pour le Dieu de la guerre, » tant il avait d'avantage au-dessus de » ceux qui s'y distinguaient; j'appelle le » principe de ces grands exploits, cette » ardeur martiale, qui, sans témérité » ni emportement, lui faisait tout oser >> et tout entreprendre ; ce feu qui, dans » l'exécution, lui rendait tout possible » et tout facile ; cette fermeté d'âme qué jamais nul obstacle n'arrêta, que jamais »nul péril n'épouvanta, que jamais nulle >> résistance ne lassa ni ne rebuta; cetté >> vigilance que rien ne surprenait; cetté » prévoyance à laquelle rien n'échap>> pait; cette étendue de pénétration,

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» avec laquelle dans les plus hasardeuses » occasions, il envisageait d'abord tout >> ce qui pouvait ou troubler, ou favori» ser l'événement des choses; semblable » à un aigle, dont la vue perçante fait en » un moment la découverte de tout un » vaste pays, cette promptitude à pren»dre son parti, qu'on n'accusa jamais » en lui de précipitation, et qui, sans » avoir les inconvéniens de la lenteur >> des autres en avait toute la maturité ; >> cette science qu'il pratiquait si bien » et qui le rendait habile à profiter des >> conjonctures, à profiter des desseins >> des ennemis presqu'avant qu'ils fus>> sent conçus, et à ne pas perdre en >> vaines délibérations ces momens heu» reux qui décident du sort des armes; » cette activité, que rien ne pouvait éga» ler, et qui, dans un jour de bataille » le partageant, pour ainsi dire, et le >> multipliant, faisait qu'il se trouvait >> partout, qu'il suppléait à tout, qu'il » ralliait tout, qu'il maintenait tout, » soldat et général tout à-la-fois; et par » sa présence inspirant à tout un corps » d'armée, et jusqu'aux plus vils membres qui le composaient, son courage et sa >> valeur; ce sang-froid qu'il savait si » bien conserver dans la chaleur du com>> bat; cette tranquillité dont il n'était

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jamais plus sûr que quand on en ve» nait aux mains et dans l'horreur de la

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