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Nécessité

d'être

clair dans

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deux là. Je vais les faire connaître, et je dirai ensuite un mot des défauts qui leur sont opposés.

sans que

ARTICLE I.

De la clarté du Style.

nous y

La lumière du soleil frappe nos yeux, fassions attention: telle son style. doit être, suivant la pensée de Quintilien (1), la lumière qui brille dans un ouvrage d'esprit. Un écrivain ne pense ne parle que pour les autres. Son premier devoir est donc de parler d'une manière à se faire entendre, d'une manière même à ne pouvoir n'être pas entendu. Une pensée a besoin d'être présentée dans tout son jour, pour être bien saisie du lecteur. Pourquoi affecteriez-vous de l'envelopper et de ne la présenter qu'à demi? Croiriez-vous par là montrer de la finesse, de la profondeur, de l'esprit ? Quelle erreur! L'esprit n'a consisté ni ne consistera jamais dans une manière de s'exprimer entortillée, mystérieuse et presque énigmatique :

Ce que j'appelle esprit, c'est la vive peinture
Des naïves beautés qu'étale la nature,

Qui fait que d'un coup-d'oeil le lecteur aperçoit
Un objet tout entier et tel qu'il le conçoit. (2)

(1) De Inst., 1.8, c. 2.

1

(2) Pope. Essai sur la Critique, trad. par l'abbé du Resnel.

Voilà le bon esprit, l'esprit vrai, l'esprit seul agréable, qui fait le mérite d'un ouvrage, la gloire d'un écrivain, et le charme du lecteur. Oui, il faut qu'à la première lecture, avec une médiocre attention, sans gêne et sans étude, on trouve un sens net et développé. Si l'on est obligé de le chercher, le style manque de clarté, et par-là même est vicieux.

Il est donc du devoir de l'écrivain, de donner à ses pensées toute l'explication et toute la clarté qu'il faut, pour que ses lecteurs les comprennent parfaitement. S'il doit, suivant le précepte d'Horace, tâcher d'être court, c'est sans rien omettre de ce qui est essentiel et nécessaire. Mais, en fuyant toute briè veté obscure, il prendra bien garde, en même temps, de ne pas tomber dans l'excès contraire, la prolixité. On évite ce défaut, en passant sous silence tout ce qui est superflu, c'est-à-dire, tout ce qui peut être aisément entendu sans être exprimé.

style.

Pour être clair dans votre style, ne Moyens dites ni plus ni moins qu'il ne faut; et d'être clair pour parvenir à ce point, plus difficile dans son et plus délicat qu'on ne pense, concevez bien votre idée, saisissez-la toute entière, embrassez-la dans toute son étendue: il est impossible que vous ne la rendiez de même, sans rester au-dessous, sans aller

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au-delà. Quand l'image que nous nous formons d'un objet est claire et lumineuse dans notre esprit, elle doit nécessairement se montrer telle aux yeux du lecteur. Réfléchir long-temps sur son sujet, le posséder pleinement; arranger toutes ses pensées avec ordre, et les enchaîner si bien qu'elles paraissent naître sans effort les unes des autres; voilà le vrai moyen de mettre tout à -la- fois de l'ensemble et de la clarté dans son style.

Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure
L'expression la suit ou moins nette ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément. (1)

Observez aussi à la lettre ce précepte si sage que donne la Bruyère. Tout écrivain, dit-il, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs, examiner son propre ouvrage comme quelque chose qui lui est nouveau, qu'il lit pour la première fois, où il n'a nulle part, et que l'auteur aurait soumis à sa critique; et se persuader ensuite qu'on n'est pas entendu seulement à cause que l'on s'entend soi-même, mais parce qu'on est en effet intelligible.

Un moyen encore infaillible d'écrire avec clarté, c'est de placer les

Boileau, Art poét., ch. 1.

mots

dans

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dans le discours, suivant les règles dé la syntaxe. Rien de plus juste que de s'assujétir aux lois de la langue qu'on parle ; lois fondées sur une dialectique très-fine et très-solide, sur cette logique naturelle, avec laquelle naissent tous les hommes bien organisés; lois qui accoutument l'esprit à une marche toujours droite et toujours ferme, dans les diverses routes qu'il peut se frayer. Un écrivain, correct dans son style, est ordinairement exact dans les choses, et s'exprime toujours d'une manière si claire et si intelligible, que rien de ce qu'il veut dire, n'échappe à la vue des esprits les moins pénétrans. La plupart des fautes de langage, dit Voltaire, sont au fond des défauts de justesse.

Qu'on ne dise point que la grammaire nuit aux élans du génie, aux grâces de Timagination, à la chaleur du sentiment. Il est constant qu'un habile écrivain peut, sans cesser d'être correct, embellir le discours de tous les ornemens dont il est sus. ceptible. Les idées les plus profondes, les plus brillantes, les plus sublimes se montrent sous sa plume, avec toute leur force, tout leur éclat, toute leur grandeur, sans que les règles de la langue soient violées. Si cette vérité pouvait être contestée, il serait, assurément, bien facile de citer en preuves une infinité d'exemples tirés de nos meilleurs écrivains. Tout homme qui les a lus avec quelque alten

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tion, a dû voir, non-seulement que leurs plus beaux morceaux sont précisément ceux où les lois grammaticales sont observées avec la plus grande exactitude mais encore qu'il y en a bien d'autres auxquels il ne manque, pour être vraiment beaux que l'arrangement des mots et des phrases, selon ces mêmes lois. Ne reprochons donc pointtrop de sévérité à Boileau, lorsqu'il dit:

Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoiqu'il fasse, uu méchant écrivain(1).

Convenons cependant avec les grammairiens, même les plus rigides, qu'il est des circonstances où le génie, l'imagination, et le sentiment ne doivent point s'attacher en esclaves serviles à certaines lois de la grammaire. Bien plus, elle autorise clle-même la violation de ces règles, comme on le verra dans l'article du gallicisme et des figures de construction; et dès lors ces fautes cessent d'être des fautes. S'il est quelquefois permis d'en faire de réelles, elles ne doivent uire, en aucune manière, à la clarté du discours; elles doivent être légères, et de plus, rachetées par des beautés saillantes. En voici un exemple qui s'offre à ma mémoire ce

(1) Art. Poét. ch. 1.

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