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» mière souiller le lit de son époux!...... » Oui, je déteste celles qui, plus chastes » en paroles qu'en effets, couvrent d'un >> voile de vertu leurs égaremens cachés. » De quel front osent-elles lever les yeux » sur leurs époux? Ne craignent-elles » point que les ténèbres mêmes, com» plices de leurs horreurs, ne les expo» sent au grand jour; que les voûtes et » les murs ne prennent la parole pour » les accuser? Voilà chères amies, voilà >> ce qui me détermine à mourir, etc. » Cette même Phèdre s'exprime ainsi dans Racine: .

Je sais mes perfidies, OEnone, et ne suis point de ces femmes hardies Qui, goûtant dans le crime une tranquille paix, Ont su se faire un front qui ne rougit jamais. Je connais mes fureurs, je les rappelle toutes. Ilme semble déjà que ces murs, que ces voûtes Vont prendre la parole, et prêts à m'accuser Attendent mon époux pour le désabuser. Mourons. De tant d'horreurs qu'un trépas me délivre.

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La Fontaine nous offre aussi dans ses OEuvres posthumes, une imitation trèsbien faite de la description du palais du Sommeil, qu'on lit dans les Métamorphoses d'Ovide. Je ne fais que l'indiquer, parce que je pense que les précédens exemples doivent suffire pour faire voir la manière dont l'homme de goût imite son modèle.

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II. Des Mours.

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Les moeurs sont en général les divers caractères les habitudes bonnes ou mauvaises les vertus les vices des hommes, et même les usages et le commerce ordinaire de la vie. On peut considérer les mœurs, relativement au discours oratoire, sous deux rapports; dans la personne de l'Orateur et dans la personne des Auditeurs.

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Il n'est pas douteux que l'orateur ne Mœurs dans doive faire paraître des mœurs bonnes, l'orateur. c'est-à-dire, des inclinations droites et pures, qui lui rendent l'auditeur favorable. On exige, avec raison, que tout son discours annonce un homme de bien, dont les vertus égalent les lumières. C'est par-là qu'il gagnera l'estime et la confiance, et qu'il réussira plus aisément à porter la conviction et la persuasion dans les âmes. Un des plus efficaces moyens de faire aimer la vertu, c'est de persuader qu'on l'aime soi-même. Un des plus efficaces moyens de faire goûter une vérité, c'est de persuader qu'on la connaît et qu'on en est soi-même convaincu.

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Les Païens mêmes voulaient que l'orateur fût réellement vertueux et le dé finissaient un honnête homme versé dans l'art de bien dire. On a cependant trouvé

cette définition peu exacte, en ce qu'elle embrasse trop; parce qu'il est très-possible, a-t-on dit, qu'un malhonnête homme soit un excellent orateur. Mais ce malhonnête homme a dû nécessairement, d'après ce que nous avons dit aillenrs être un homme de bien au moment où il a écrit.

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D'ailleurs, si cette définition n'est pas tout-à-fait juste et vraie relativement à l'éloquence considérée en elle-même elle l'est, du moins, relativement à l'éloquence considérée dans les effets sénsibles, universels et durables qu'elle peut produire. Un grand orateur, par exem¬ ple, trace dans un beau discours des règles de conduite, auxquelles on sait qu'il ne conformé pas ses actions : il entraîne, il subjugue ses auditeurs par lá chaleur et la force de son éloquence. Mais au moment même où ceux-ci sont persuadés, ils se rappellent malheureusement que celui qui leur donne des préceptes si sages, est bien loin de les mettre en pratique ; et de là ils croient pouvoir conclure qu'il regarde lui-même ces préceptes comme vains et frivoles. Or, ce ressouvenir et cette idée ne doivent

ils pas, si non effacer, du moins affaiblir

la vive impression qu'ils éprouvent ?

Un autre orateur, qui joint au talent de l'éloquence la pratique constante de la vertu, veut nous persuader de l'im

portance et de la nécessité d'être vertueux. En même temps que nous entendons un des plus fidèles organes de la loi, nous en voyons un des plus rigides observateurs. Aussi ses paroles sont des traits de feu qui éclairent et pénètrent notre âme. Elles s'y gravent en carac tères ineffaçables; et si elles ne produisent pas tout le fruit qu'on avait lieu d'en attendre, c'est à notre malice ou à notre faiblesse que nous devons l'attribuer.

un

Les représentans d'un peuple sont assemblés pour discuter les grandes af'faires nationales: un orateur va parler. Aucun citoyen n'ignore qu'on admire en lui des connaissances étendues, esprit profond, un discernement juste un cœur droit et pur, dévoré de l'amour du bien général. Pleins d'estime, pénétrés d'une vénération affectueuse pour ce grand homme, tous prêtent à son discours une oreille attentive. Bientôt leurs cœurs sont embrâsés de la même flamme qui échauffe l'orateur : les voilà prêts à tout sacrifier à la gloire et aux intérêts de la patrie.

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Deux armées rangées en bataille sont au moment d'en venir aux mains. Un général connu par sa bravoure, et couvert d'honorables blessures , harangue ses troupes. Voyez le visage enflammé yeux étincelans des soldats, Ne dou

les

Moeurs dans

tez pas que le courage et l'intrépidité de leur chef n'aient passé dans leur âme. Vous allez les voir, au milieu des plus grands dangers, fermes dans leur poste, et y mourir plutôt que de survivre à leur défaite. Tels sont les heureux effets de l'éloquence, lorsque l'orateur est reconnu pour un homme non moins vertueux qu'éclairé.

Quant aux moeurs considérées dans les auditeurs. la personne des auditeurs, chaque âge, chaque condition en a de particulières. Un des devoirs les plus essentiels de l'orateur est de les connaître, ainsi que les usages et le commerce ordinaire de la vie c'est ce qu'on appelle connaître le cœur humain et le monde. Il est sans doute à propos que je donne ici une notion, au moins générale, de ces mœurs. Je ne saurais mieux y réussir qu'en prenant pour guide Aristote, qui en a fait une admirable peinture dans sa Rhétorique, le modèle de tous les ouvrages en ce genre; peinture qui sera vraie dans tous les temps et chez tous les peuples: car il s'agit ici, non de ces caractères, de ces mœurs qui varient dans chaque siècle, dans chaque nation, dans chaque individu, mais de ces caractères généfondés sur la nature, et qui sont comme l'apanage de l'humanité. C'est cette nature, qui est toujours et partout la même qu'Aristote a parfaitement

raux,

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