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d'Aydat, prétextant que d'Aydat seul on a le lac à l'orient.

D'abord, il n'est pas exact de dire que d'Aydat seul on a le lac à l'orient: de tous les bords de la tête du lac à Sauteyras, on a le lac à l'orient ; et nous savons aussi que les expressions ab ortu, ab occasu sont trop élastiques pour servir de base à une argumentation serrée. Sidoine a entendu dire que la façade de son portique regardait à la fois le lac et l'orient, ce qui n'est nullement contestable au site de Sauteyras. Cette disposition du portique est même commandée par les conditions météorologiques de l'endroit pour éviter les coups de vent et les pluies de l'ouest, ainsi que les chaleurs brûlantes du midi et du soir.

Observatoire de Sidoine.« De l'appartement d'hiver on passe dans une petite salle à manger d'où l'on découvre presque tout le lac; on peut aussi du lac apercevoir la salle.» (Phr. 38.)

Nous n'avons pas la prétention de faire de chaque fraction du texte un argument catégorique. Quelques passages cependant, sans présenter une valeur topographique déterminante, doivent être appréciés, sinon pour en tirer des preuves, au moins pour montrer que le site de Sauteyras n'est rebelle à aucun, et peut les réaliser tous d'une façon simple et naturelle. C'est à ce point de vue qu'est présentée la phrase 38, ainsi que quelques autres.

De sa petite salle à manger, que nous appelons son observatoire, Sidoine découvre presque tout son lac.

D'Aydat, on peut apercevoir un peu plus de la moitié, mais moins des deux tiers de la superficie du lac.

De Sauteyras on le découvre en entier, sauf la corne d'émission et une partie de la tête, aujourd'hui en prairie. Ce dernier rapprochement nous paraît plus exact.

« On peut y jouir tout à la fois des plaisirs de la table, et d'une vue délicieuse. » (Phr. 40.)

Ces lignes sont-elles dictées d'Aydat ou de Sauteyras ? A la rigueur, il n'y a contradiction ni contre l'un ni contre

l'autre. Mais combien elles paraissent plus naturelles à la seconde station!

De là, la vue, un peu plongeante, peut embrasser presque tout le lac, en sonder les recoins, en apprécier l'encadrement; elle s'étend au loin sur les hauteurs, et surtout à l'est dans la grande coupure du bassin, barrée par le gigantesque piedestal du château de Montredon.

De tous les environs du lac, Aydat est le point le plus défavorable à perspective. De là, l'œil ne peut apprécier ni distinguer les sinuosités du rivage, et la vue ne saurait être dite délicieuse; elle est trop basse, trop rasante, trop encaissée pour embrasser les caractères du paysage, en sentir les harmonies et les contrastes.

Cette petite salle à manger, que Sidoine décrit avec plaisir, était pour lui un observatoire couvert, où il venait rever sur la belle nature, observer la marche et les effets des vents et des tourbillons de l'auster. C'est de là, sans doute, qu'il décrit les panoramas de son lac et les occupations des pêcheurs.

Les quatre aspects du lac. « Vers le sud-ouest, les arbres dont le feuillage s'étend jusque sur l'eau, en font paraître la surface entièrement verte. » (Phr. 57.)

« Du côté de l'orient, une autre couronne d'arbres colore aussi les flots d'une teinte verdåtre. » (Phr. 58.) « Au nord, les eaux conservent leur aspect naturel. » (Phr. 58.)

« Vers l'ouest, les bords sont remplis d'arbrisseaux de toute espèce courbés souvent par le passage des barques. Tout auprès fléchissent des touffes de joncs, et sur les flots nagent les plantes grasses du marais. » (Phr. 58.)

Ces descriptions, dont trois ont pour objet le reflet du cadre par l'eau du lac, peuvent-elles s'accorder avec le site d'Aydat?

Cet accord parait au moins contestable:

1o D'Aydat la vue ne peut découvrir le rivage du nord

caché par Sauteyras, ni même Sauteyras masqué par le cap qui fait vis-à-vis à la croix de Sidoine.

2o L'oeil s'y trouve bien bas pour percevoir, même confusément, la réverbération de la couronne de l'est, qui est à 1,400 mètres de distance.

3o Il est placé trop de côté pour apprécier le reflet des arbres du sud-ouest.

4° L'auteur parlerait-il de l'ouest et du sud-ouest du lac s'il se trouvait lui-même à l'ouest de ces positions?

5o Quel pourrait être l'intérêt de ces divers tableaux observés dans des conditions si désavantageuses? (Voir planche 2.)

De Sauteyras, la perspective est différente:

1° De là, le spectateur découvre la rive septentrionale qui se présente à lui dans l'état naturel de l'eau, c'est-àdire sans teinte verte, non pas qu'il ne puisse y avoir des arbres, mais parce que la vue s'y trouve dans l'alignement du littoral.

20 Sauteyras est au centre des tableaux décrits, sur un sol plus élevé qu'Aydat; le spectateur n'est plus qu'à 500 mètres de la couronne orientale et peut en apprécier le reflet.

3o Il est vis-à-vis la berge boisée du sud-ouest dont il peut apercevoir l'image dans l'eau sombre du lac.

4° L'auteur étant au centre de son paysage, l'ouest et le sud-ouest du lac sont les siens, et l'emploi de ces termes n'entraîne aucune confusion.

5o Dans ces conditions, on comprend tout l'intérêt des tableaux décrits par le spectateur, parce qu'ils composent à son lac un encadrement qui contribue aux charmes du point de vue.

Nous n'avons pas encore parlé de la quatrième description, celle du côté de l'ouest. Par le mot ouest, Sidoine entend-il les bords du lac de Sauteyras au cap, ou du cap à la tête du lac, ou tous les deux ? Nous ne savons. Ici il ne s'agit pas d'images réfléchies par l'eau, mais de la végé

tation des bords et qu'il pouvait relater de mémoire sans l'avoir sous les yeux.

Conclamatissimo fontium, ou fontaine la plus célèbre. - «Si l'on t'apporte de l'eau de cette fontaine renommée pour sa fraîcheur, tu verras soudain quand elle sera versée dans les vases se former des taches de neige et des parcelles nébuleuses; une gelée subite obscurcira les verres comme ferait de la graisse.» (Phr. 41.)

Quelle pouvait donc être cette fontaine si remarquable par sa fraîcheur? A Sauteyras la réponse est facile, il y a une belle source; elle émergeait autrefois dans un petit communal au bas du carrefour de viabilité. Aujourd'hui elle est divisée en deux branches, dont une a été amenée à l'ouest du hameau et l'autre conduite dans une propriété particulière. Ce partage et ce déplacement ne lui ont pas été favorables. Le 1er juin 1848 elle marquait +9o 5, suivant M. Lecoq (L'eau sur le Plateau central, page 16). Le 29 juin 1895, la branche publique marquait + 13o.

Nous ferons remarquer que les traducteurs n'ont pas rendu en français le mot decocta qui signifie de l'eau bouillie, puis refroidie dans la neige ou sous le jet d'une source très froide.

A Aydat, où il n'y a pas de source proprement dite, on est embarrassé pour trouver le conclamatissimo fontium; c'est pourquoi on s'est rabattu sur la source Lourneix qui est à 160 mètres du village; expédient qui ne tient guère contre la saine interprétation de la phrase 50.

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Situation du Balneum. — A la question du relief des berges, peut se rattacher celle de la situation des bains.

« Du côté du sud-ouest est un bain appuyé contre le pied d'un rocher couvert de bois; lorsque l'on abat les arbres qui l'ombragent, ils roulent comme d'eux-mêmes jusqu'à la bouche de la fournaise où l'on fait chauffer l'eau. » (Phr. 12.)

Ce texte, invoqué au profit d'Aydat, où les rochers ne

manquent pas, en effet, peut être revendiqué par Sauteyras avec plus de raison.

La grande berge, qui longe au nord la prairie et le lac s'arrête à Sauteyras. Là, la partie supérieure, avant de s'atténuer, fait comme une seconde berge en retraite sur l'inférieure ; c'est dans cette retraite (1) en terrasse, exposée au sud-est que les bains de Sidoine furent installés en adossement aux rochers.

Ils sont aujourd'hui remplacés par de modestes constructions rurales, au-dessus desquelles se voient encore des simulacres de compartiments dessinés en quadrilatères par des vestiges de murs.

Ce site correspond bien naturellement aux indications du texte, et Sidoine pouvait dire avec raison: «< Dans l'appartement des bains, le jour est parfait, et cette brillante clarté augmente encore la pudeur de ceux qui s'y baignent.» (Phr. 14.)

La croupe qui le surmonte est aujourd'hui cultivée. Au temps de Sidoine, il n'y avait probablement pas de cultures à Avitacum (phr. 61) mais des prairies et des pâturages dans les vallons, des bois sur les pentes et les faites des collines.

La natatoire ou baptistère. «Huic basilicæ appendix piscina forinsecus... » (Phr. 27.) « A l'extérieur et à l'orient du château, se rattache une piscine, ou si tu aimes mieux l'expression grecque, un baptistère, qui contient environ 20,000 muids. » (Phr. 27.)

En rendant le mot basilica par celui de château, les traducteurs font entendre que la natatoire aurait été à l'orient de la villa, et aurait ainsi exigé de longs couloirs souterrains sous cette villa; cette interprétation n'est pas admissible. Par le mot basilica, Sidoine désigne l'édifice somptueux de ses bains, qu'il compare tantôt à des bains publics (phr. 15), tantôt à ceux de Baïes (Carmen 18).

1) Cette retraite est peut-être due au travail de l'homme.

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