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Or de l'un à l'autre de ces deux points il y a environ dixsept cents mètres. Il ne s'agit plus que de savoir si cette longueur peut s'accorder avec un stade nautique.

La métrologie ancienne nous en enseigne quatre principaux :

Le stade égyptien de 500 au degré, et valant 222 mètres ; Le stade nautique de Perse de 666 au degré, et valant 167 mètres;

Le stade de Cléomène de 833 au degré, et valant 133 mètres;

Le stade macédonien de 1,111 au degré et valant 100 mètres.

Par une coïncidence qui peut paraître singulière, ce dernier stade égale notre hectomètre. Or ce stade étant compris dix-sept fois dans la longueur du lac, réalise exactement la mesure indiquée par Sidoine.

Nous n'avons pas à nous occuper ici des essais de mensuration tentés précédemment sur le lac d'Aydat; par cela seul qu'ils étaient rapportés au stade olympique, ils étaient d'avance frappés d'insuccès.

M. l'abbé Crégut a rapporté ses résultats au stade nautique de Perse de 167 mètres (1). Il admet que Sidoine a évalué l'étendue de son lac à la façon des anciens navigateurs, qui ne voulant pas perdre de vue les côtes des oceans, estimaient les espaces parcourus par le développement des sinuosités du rivage. D'où il pose en principe que si l'on veut se reconnaître dans l'évaluation des mesures. romaines, c'est la ligne esquissée par le contour des côtes qui doit servir de base au calcul. La conséquence rigoureuse de cette formule, appliquée au lac d'Aydat, commande d'en prendre le circuit pour la longueur, ainsi que l'a fait pour Chambon M. Michel Bertrand. Mais M. Crégut, qui doit avoir ses raisons, veut bien se contenter de la moitié.

(1) Avitacum, page 15.

« D'après le cadastre, dit-il (1), le lac a 5,520 mètres de pourtour. Rabattons les 520 pour la bonne mesure, et retenons le chiffre rond de 5,000, dont la moitié 2,500 concorde avec les dix-sept stades nautiques. » Pas tout à fait, puisque 2,500 mètres font à peine quinze stades de 167 mètres.

M. Crégut, pour retrouver les dix-sept stades en question, émet (2) une seconde théorie, laquelle consiste à prendre pour longueur du lac l'un des côtés du vaste triangle figuré par le lac, celui du midi de préférence.

Mais si, à son compte, le demi-contour ne peut fournir que quinze stades de 167 mètres, comment le côté sud seul en fournirait-il 17? La vérité est que le côté sud, même prolongé jusqu'à l'église d'Aydat, mesure à peine 1,500 mètres, c'est-à-dire neuf stades de 167 mètres.

Rien ne nous paraît justifier ici ces systèmes d'évaluations basés sur les sinuosités du contour ou du demicontour. En naviguant sur son lac, Sidoine ne risquait pas d'en perdre les rivages de vue, il n'avait donc aucun motif de le considérer comme un océan. C'est pourquoi il emploie le terme procedit qui signifie, non pas circumnaviguer, mais avancer, aller de l'arrière à l'avant.

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Sur quel point du rivage du lac était Avitacum? Si le lac d'Aydat est celui de Sidoine, il ne s'ensuit pas que Aydat soit Avitacum. Ce nom d'Aydat a pu être le ver luisant qui au début a frappé le regard des chercheurs, et les a conduits jusqu'au lac, à travers les ténèbres des premières investigations. C'est tout ce qu'il pouvait fournir d'utile. N'étant lui-même qu'un émigré, il devait, réduit à lui seul, devenir une cause d'égarement : c'est pourquoi nous n'avons reconnu d'autres guides que les indications textuaires.

Le mons ab occasu, ses foyers, ses collines.- Pour inté

(1) Avitacum, p. 15. (2) Avitacum, p. 83.

resser son ami Domitius, piquer sa curiosité, et le décider å venir sur les bords du lac braver la canicule, Sidoine lui fait cette brève description: « Mons ab occasu, quanquam terrenus, arduus tamen...... » (suite phr. 10). « Du côté du couchant, une montagne quoique de terre, escarpée néanmoins, projette, comme d'un double foyer, des collines moins élevées qu'elle, séparées les unes des autres par une étendue d'environ quatre jugères (1). »

Dans le groupe des puys situés vers l'ouest du lac en est-il quelqu'un qui remplisse les clauses de ce texte? Oui, il en est un, un seul, le puy de Charmont, le plus élevé, le plus escarpé, le plus régulièrement conique du groupe, exclusivement formé de terre sans mélange de roches, et le seul qui ait émis, de deux points de sa base, des collines ou coulées dirigées à l'est.

L'appareil volcanique de ce puy, constituant la clé de la fixation d'Avitacum, nous nous y arrêterons un peu pour en exposer le relief.

Avant les éruptions de Charmont, une vallée coupait le sol de l'ouest à l'est, entre Fontclairant et Verneuge.

La première coulée de Charmont, sortie du flanc sudest de sa base, offre l'aspect d'une gigantesque chaussée presque droite, aride sur sa croupe, cultivée sur ses flancs. Après une course d'environ 700 mètres dans la direction du sud-est, elle s'est jetée dans la vallée mentionnée ci-dessus, qui l'a déviée et conduite à l'est; elle se termine presque au nord de Sauteyras, après un parcours total d'environ 1,200 mètres. A 400 mètres environ de son foyer d'émission, elle a projeté sur sa gauche, une branche de moindre importance, presque partout couverte de cultures, qui touche Verneuge, longe constamment la berge granitique en s'y adossant, et va se perdre sous le grand courant de Randanne.

(1) Le mot jugerum ne saurait se traduire par l'arpent dont il ne représente que les 3/5 environ.

La seconde coulée de Charmont est partie du cratère. Sollicités par les pentes du sol, les flots de lave se sont épanchés au sud et jetés dans la même vallée que la première coulée, mais en amont, d'où accumulation de matière au point de jonction entre Verneuge et Fontclairant, jusqu'à comblement du vide, puis échappement au sud de l'excédent de lave, et formation d'une troisième coulée, longeant la première sur sa droite. Cette troisième, après un parcours d'environ 400 mètres s'atténue en pointe, et semble se terminer vers le haut du vallon qui descend à Sauteyras. Mais en réalité elle est continuée par la volumineuse colline qui borde le nord du lac.

Au-dessous du massif de jonction les trois coulées dont nous venons de parler forment un ensemble remarquable, l'intermédiaire toujours plus élevée et plus large que ses deux collatérales; elles cheminent régulièrement côte à côte, séparées par d'étroits vallons parallèles, qui réalisent assez bien les quatre jugères dont parle Sidoine.

Il faut bien admettre toutefois que ce relief a dû subir des modifications. Par les travaux de culture, les terres descendent, les croupes s'abaissent, les pentes s'adoucissent, les vallons s'exhaussent et s'élargissent. Quoi qu'il en soit, ces vallons ont de 4 à 500 mètres de longueur, sur des largeurs variables entre 15 et 40 mètres, soit en moyenne 450 mètres sur 27, ou 12,150 mètres carrés de superficie chacun.

Le jugère étant un rectangle de 240 sur 120 pieds romains, et le pied romain de 02971, les quatre jugères font 10,176 mètres carrés. Le peu de différence entre ces estimations à vue d'œil, doit les faire considérer comme se rapportant aux mêmes vallons.

Une objection nous a été faite sur la situation du puy de Charmont. Cette montagne, nous dit-on, n'est à l'occident ni du lac, ni de Sauteyras; comment pourrait-elle être le mons ab occasu? L'objection serait fondée si l'expression ab occasu devait se traduire par à l'occident. Comme

point de l'horizon, ce mot occasus signifie proprement le point où le soleil se couche. L'occasus d'été est le point de l'horizon où le soleil semble se coucher en été, c'est-àdire vers le solstice d'été (1). Or Sidoine écrivait sa lettre au solstice d'été, « Jam ver decedit æstati.... » (phr. 2). Son occasus était à 23 degrés 1/2 au nord de notre occident.

En second lieu la préposition latine a ou ab, régissant le nom d'un point de l'horizon, signifie vers ou du côté de. C'est une seconde extension qui peut s'ajouter à la première, et justifier complètement la position de Charmont par rapport à Sauteyras. Ce puy, qui est à l'O. 34° N. de Sauteyras réalise donc exactement le texte de la phr. 10.

Une vallée qui mène à la villa. — La phrase 11, qui décrit les conditions de cette vallée, n'est que la continuation de la phrase précédente, la conjonction sed en est une preuve. Si la première est la description des coulées de Charmont, la phrase 11 est celle du relief qui les rattache à la villa. Mais où, quand et comment s'opère ce rattachement? A quel point du premier trajet faut-il s'arrêter pour découvrir le deuxième? Cette phrase 11 devrait le dire, elle n'en fait rien. C'est pourquoi nous faisons à son sujet quelques remarques avant d'en tirer des conclu

sions.

Elle est composée de trois propositions, dont deux sont claires, explicites et à l'abri de reproches. Il n'en est pas de même de l'incidente: « Donec domicilio competens vestibuli campus aperitur, » dont les traducteurs ne parviennent pas à tirer un sens rationnel, et cela à cause de la conjonction donec, qui s'y présente comme un bâton dans les roues : traduite par jusqu'à ce que, par tant que ou un équivalent, les résultats en sont illogiques. Pour s'en convaincre, il suffit, en rétablissant l'ordre direct, de

(1) Abbé Danet, dict. des Antiq. rom. et grecq.

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