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ses obligations professionnelles, lisait continuellement ou, passant de la théorie à la pratique, se livrait sur place à d'incessantes investigations. Il n'est guère de localité des environs de Pontgibaud ou des cantons voisins qu'il n'ait explorée.

On lui doit les fouilles de la station préhistorique de Pranal dont il a publié les résultats dans la Revue d'Auvergne (1891, no 1).

Les roches à bassins avaient attiré son attention; il en a signalé plusieurs dans la région qu'il habitait, particulièrement entre le Sucquet de la Chabanne et celui de Chanselle, sur le chemin de Beauregard, au milieu d'un champ dans deux gros morceaux de scories agglutinées; et au Sucquet des Cheirettes, entre Pontgibaud et SaintOurs. Dans cette dernière commune il avait reconnu l'existence des ruines d'une verrerie abandonnée à Bourdube, sous le village du Bouchet, près de la station du Vauriat. Il avait pratiqué des recherches dans un ancien cimetière, dit du Pied-du-Loup, d'où il avait remonté dix à douze cercueils. De l'un d'eux il avait retiré, avec de nombreux grains de colliers, en verre, une agrafe mérovingienne. Ces découvertes se lient à celles dont M. Maire a parlé dans la Revue d'Auvergne (1885).

A Las Faissos, M. Brihat avait sondé un dolmen sous tumulus composé de cinq gros blocs de pierre recouverts de terre, d'où, malgré des recherches incomplètes, il avait extrait des poteries brunes et un vase, en forme d'écuelle, creusée dans une scorie. Dans les carrières de Pontgibaud, il avait trouvé, sous une sorte de cachette, un vase qui semble appartenir à l'époque néolithique. Il avait constaté la présence d'un dolmen, près de Gelles, et recueilli, près de La Goutelle, de la fibrolite en place. C'est aussi lui qui, le premier, a indiqué des filons de cette substance, dans les pegmatites situées à la limite des terrains de micaschiste et de gneiss, entre La Chaise-Dieu et Paulhaguet (Haute-Loire).

Sa santé, profondément altérée par la fin tragique d'un de ses enfants, l'a arrêté au cours de ses recherches intelligentes, et la mort l'a empêché de nous faire part lui-même et en détail de celles qu'il avait pratiquées.

A. VERNIÈRE.

Pour le Comité de publication :

Le Secrétaire,

Dr PAUL GIROD.

Clermont-Ferrand, typographie et lithographie G. MONT-LOUIS, rue Barbançon.

SAUTEYRAS

OU

LA VRAIE SITUATION D'AVITACUM

D'APRÈS LES TÉMOIGNAGES DE SIDOINE APOLLINAIRE

(Suile et fin.)

De la détermination ci-dessus, nous pouvons tirer les conséquences suivantes qui nous renseigneront sur l'état des lieux à l'époque gallo-romaine.

1o La longueur du marais entre le lac et le delta était d'environ 150 mètres, et se réduisait considérablement aux époques d'inondation.

2o Le voisinage du marais, la proximité du lac ne permettent pas d'admettre que le delta fût alors habitable.

3o L'état de la fondrière ou tête du lac, son peu de profondeur d'eau autorisent à penser que cette fondrière, jusqu'à 100 mètres et plus à l'est, était toute couverte de plantes palustres.

4o Le retrait du lac, qui est aujourd'hui à 420 mètres du delta et à 265 mètres de la source de Lourneix, suppose un dénivellement de un mètre et demi à deux mètres.

5o Cet abaissement de niveau en implique un pareil du côté de la chaussée, et par conséquent une entaille de près de deux mètres à l'extrémité orientale de la corne d'émission, sauf déduction de l'épaisseur des atterrissements.

6o Cette brèche à la cuvette du lac, nous laisse entrevoir

l'intervention de l'homme avec le but, en éloignant le lac, d'utiliser comme prairie ou pacage le sol conquis, de supprimer le marais, et de rendre habitable une partie du delta.

Parlons maintenant de l'extrémité inférieure du lac.

«Soit que le ruisseau traverse le lac, soit qu'il le fasse, » à coup sûr, il en sort; forcé de couler à travers des ori>>fices souterrains, il perd dans ce passage, non ses eaux, >> mais ses poissons, lesquels repoussés dans un gouffre (gurgitem) à eau plus tranquille, y étendent leurs chairs >> rouges et leurs ventres blancs. Ainsi ceux-ci, ne pouvant »> ni sortir, ni remonter le courant, se trouvent empri>> sonnés par leur corpulence même (phr. 55). »

Si nous conférons cette description avec l'état des lieux à la terminaison du lac d'Aydat, il est certain que nous ne les trouverons pas d'accord.

Où est-il ce barrage perméable qui retient les poissons, laisse passer l'eau par des couloirs souterrains, et derrière lequel la rivière se reforme? car c'est bien là le sens de l'expression appauvri non de ses flots, mais de ses pois

sons.

Au lieu de barrage, nous voyons un chenal exposé au grand jour, d'où l'eau s'échappe librement et non par des couloirs souterrains; où les poissons passent à volonté pour aller se faire prendre dans les prairies en aval du Lau (1).

Peut-on dire que Sidoine n'a eu en vue que de constater la perte du ruisseau telle qu'elle se pratique actuellement entre le Lau et le Ponteix? Cette manière de voir n'est pas possible, elle serait en contradiction avec l'expression : La rivière ne perd pas ses flots, et avec cette autre : Les poissons, repoussés dans un gouffre à eau plus tranquille, y étendent leurs chairs rouges.... (2).

(1) Le nom de ce hameau n'est sans doute qu'une prononciation locale du mot lac, prononciation qui se retrouve en Dauphiné, où une gorge de l'Oisans porte le nom de Sept-Laus à cause de ses sept lacs.

(2) Carnes rubras signifie plutôt ici taches rouges. Ce qui est caché ne peut être dit étalé.

L'infiltration graduelle des eaux du ruisseau entre le Lau et le Ponteix n'est pas, ne peut pas être celle décrite par Sidoine et qui se trouvait à l'extrémité inférieure de son lac. S'ensuit-il que le lac d'Aydat ne soit pas celui d'Avitacum? Evidemment non. Il en résulte seulement que la décharge des eaux du lac a subi une transformation postérieurement à Sidoine. La saine interprétation des textes exige que l'on admette deux infiltrations successives la première ou supérieure, décrite par Sidoine, située au-dessus du hameau du Lau, et constituée par une partie perméable de la cuvette du lac; la deuxième ou inférieure, dont Sidoine ne parle pas, qui fonctionnait au ve siècle comme aujourd'hui, et qui consiste dans l'absorption graduelle et occulte des eaux du ruisseau par les graviers volcaniques, entre le Lau et le Ponteix.

En s'inspirant des termes de Sidoine on est conduit à en conclure que la décharge de son lac présentait deux obstacles séparés par une assez grande cavité pleine d'eau : celui d'amont imperméable, å pente coupée du côté de la cavité, faisant refluer le niveau de l'eau jusqu'à Lourneix, laissant cependant passer sur lui eaux et poissons. L'autre, en aval de la cavité, laissait filtrer l'eau, et gardait les poissons qui ne pouvant ni avancer ni revenir en arrière, restaient prisonniers dans le gouffre interposé.

Nous avons déjà vu, à propos de la tête du lac, que les eaux avaient éprouvé un abaissement de niveau de près de deux mètres, abaissement qui suppose, ou plutôt comporte, une brèche d'égale hauteur à la cuvette. Or cette brèche peut bien coïncider avec l'ablation des barrières du gouffre, et c'est ce qui paraît le plus admissible. Sur quel point de l'émissaire cette entaille a-t-elle été pratiquée? Naturellement au point le plus vulnérable, à l'endroit déjà miné par l'infiltration des eaux, à la limite des terrains granitique et volcanique. Ici nous n'avons pas de source pour nous servir de point de repère; mais nous avons l'extrémité de la corne d'émission, ou terminus du lac où

se trouve établi le petit pont dit pont de l'Arche (1). C'est le point qui a subi le plus de mutilations, où convergent différents chemins, dont quelques-uns très anciens ont laissé des traces sur les bords des berges de la corne méridionale. C'est donc près du pont de l'Arche que se trouvait l'extrémité inférieure du lac, ou un peu en aval de ce pont, à la prise d'eau du premier bief, et c'est sur ce point que nous planterons le jalon inférieur de la longueur du lac.

Dans les exposés ci-dessus, il n'a pas été parlé des élévations possibles du sol de la prairie par les dépôts alluvionnaires. S'il ne faut pas abuser des atterrissements, il faut cependant en tenir compte dans une mesure convenable. Quelle part pourraient-ils avoir dans l'exhaussement de la prairie et par conséquent dans le déplacement de la tête du lac? Selon toute vraisemblance, elle doit être faible. Elle est le produit de deux facteurs : le temps et les apports du

ruisseau.

Le bassin hydrographique du Lavadeau ne comprend au-dessus d'Aydat que la commune de Saulzet-le-Froid, c'est-à-dire des prairies de montagne dont le gazon ne se laisse guère entamer par les eaux sauvages: de ce fait le ruisseau charrie peu. Le temps est représenté par quatorze siècles, sur lesquels il y a à déduire les neuf derniers, parce que depuis l'existence de l'abbaye d'Aydat, le ruisseau a dû être canalisé, et la sédimentation s'opérer presque en entier dans le lac. Il reste donc environ cinq siècles du ve au xo. Quelle a pu être la valeur des alluvions pendant ces cinq siècles? L'appréciation en est difficile; il se peut qu'elle ait contribué à l'éloignement du lac; mais ce ne peut être que dans une faible proportion, et cette valeur ne peut modifier en rien les bases de notre mesure du lac.

Nous avons établi ci-dessus, comme points extrêmes de la longueur du lac d'Aydat au ve siècle, la source de Lourneix et la prise d'eau du bief en aval du pont de l'Arche.

(1) Voir la carte.

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