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Après avoir dégagé les principaux caractères topographiques et géologiques de la région d'Aydat, nous passons à l'exposition de notre thèse, sur l'emplacement d'Avitacum.

RECHERCHE D'AVITACUM.

Etat de la question. -Le titre de notre mémoire pose le problème de l'emplacement d'Avitacum, et prévoit la conclusion de notre thèse, qui se divise en deux parties : 1o Détermination du lac de Sidoine;

2o Détermination du point où fut Avitacum.

Avant de passer à la discussion, il est utile, dans l'intérêt de la clarté, d'établir l'état actuel de la question.

Nous sommes à Avitacum, dit Sidoine, mais il ne dit pas où est cet Avitacum; il décrit seulement une partie de la résidence, le lac qui l'avoisine, et la campagne qui l'entoure. C'est donc dans cette description que sont les données du problème, lequel se trouve compliqué par la disparition complète de la villa, et par les transformations qu'ont pu subir le lac et le sol, depuis le siècle où écrivait Sidoine.

Naturellement la question a dormi longtemps. Du vo au xve siècle, les vieux manuscrits reposaient dans la poussière des cloitres, quand ils avaient pu échapper aux multiples causes de destruction. Ce ne fut qu'après l'invention de l'imprimerie, la reproduction et la diffusion des anciens auteurs que se fit la Renaissance des Lettres. Dès la fin du xve siècle, les œuvres de Sidoine eurent plusieurs éditions; mais il faut attendre la fin du xvie et même le commencement du XVII", c'est-à-dire les éditions de Savaron et de Sirmond, pour voir la question du site d'Avitacum prendre de l'importance et occuper les savants.

Successivement indiqué près des lacs de Genève, de Sarliève, de Chambon, d'Aydat et même ailleurs, ce site est encore à trouver. Cependant, après maintes contro

verses, il s'est produit une sorte d'accord tacite en faveur de celui d'Aydat, non pas qu'on lui ait reconnu une concordance exacte avec la description de Sidoine, mais simplement parce que, à plusieurs points de vue, il a paru moins discordant que les autres, et surtout à cause de son nom qui vient bien apparemment d'Avitacum. La grande difficulté consiste dans la longueur, où l'on n'a jamais pu retrouver les dix-sept stades attestés par Sidoine.

Quant au site propre de la villa, il n'y a pas même d'accord tacite. Il a été l'objet de nombreuses hypothèses qui toutes se ressemblent par leur impuissance à justifier les textes. M. J.-B. Bouillet, un des savants qui se sont le plus occupés d'Avitacum, résumait ainsi la question en 1845 «De longtemps encore nous ne connaîtrons la position précise du lieu qu'Avitacum occupait (1). »

Depuis cette époque, le sujet a été touché ou traité par plusieurs savants sans que leurs opinions aient mis fin à l'estimation de M. Bouillet.

Les démonstrations devant se faire par la confrontation des textes et des lieux, il est important pour le lecteur qu'il puisse contrôler les citations. C'est dans ce but que nous reproduisons tout d'abord la source de nos arguments, c'est-à-dire la lettre de Sidoine à son ami Domitius (2) en l'accompagnant d'une traduction (3). Nous avons sectionné la lettre en 64 passages ou phrases numérotées. Au moyen de cette numérotation identique dans les deux textes, le contrôle et la consultation pourront se faire sans fatigue, ni perte de temps. Cela pourra aussi nous épargner les trop longues citations, au moins de l'un des textes, sans préjudice pour la vérification.

Cette traduction résume assez bien, mais d'une manière générale seulement, les idées du texte latin. Elle supprime quelques locutions, quelques courts passages; elle n'est pas

(1) Tablettes historiques de l'Auvergne, vol. VI, p. 251.

(2) Texte latin de J. Sirmond.

(3) Texte français de Grégoire et Collombet.

toujours d'une interprétation rigoureuse, ce qui n'a rien d'étonnant dans la version d'une topographie dont le traducteur ne connait pas le modèle. Il y a donc lieu de se reporter parfois au texte latin, qui n'est peut-être pas non plus rigoureusement le texte sidonien, celui-ci ayant bien pu subir quelques altérations de la part des copistes des premiers siècles.

LETTRE DEUXIÈME DU LIVRE SECOND (1).

Sidonius Domitio suo salutem.

1. Ruri me esse causaris, cum mihi potius queri suppetat te nunc urbe retineri.

2. Jam ver decedit æstati, et per lineas sol altatus extremas, in axem scythicum, radio peregrinante, porrigitur.

3. Hic quid de regionis nostræ climate loquar, cujus spatia sic divinum tetendit opificium, ut magis vaporibus orbis occidui subjiceremur?

4. Quid plura ? mundus incanduit, glacies alpina deletur, et hiulcis arentium rimarum flexibus terra perscribitur; squalet glarea in vadis, limus in ripis, pulvis in campis, aqua ipsa quacumque perpetuo labens tractu cunciante languescit.

5. Jam non solum calet unda, sed coquitur, et nunc dum in carbaso sudat unus, alter in bombyce, tu endromidatus exterius, interius fasciatus, insuper et concava, municipii Camerini sede compressus, discipulis non astu minus quam timore pallentibus exponere oscitabundus ordiris: Samia mihi mater fuit.

Sidonius à son cher Domitius, salut.

1. Tu me querelles de ce que je suis à la campagne, quand je pourrais plutôt me plaindre de te voir aujourd'hui retenu à la ville.

2. Déjà le printemps fait place à l'été, et le soleil remontant vers le tropique du Cancer s'avance à grands pas vers le pôle septentrional.

3. Pourquoi te parler ici de notre climat? Le Créateur l'a placé de manière à ce que nous fussions exposés aux chaleurs de l'occident.

4. Que dire de plus ? Le monde est en feu, la glace fond au sommet des Alpes, et la sécheresse entr'ouvre partout le sein de la terre; les gués n'ont plus d'eau, le limon se durcit sur le rivage, les champs ne présentent que poussière, les ruisseaux languissants ne se trainent plus qu'avec peine, et la chaleur fait bouilfonner les ondes.

5. Chacun sue maintenant ou sous la toile, ou sous la soie; mais toi, enveloppé d'un manteau qui recouvre d'autres habits," cloué de plus au fond d'une chaire dans le municipe de Camerino, tu expliques en baillant à tes disciples, aussi pales de chaleur que de crainte: «Ma mère était de Samos. »

(1) Texte latin de Sidoine Apollinaire, édition Sirmond. (1) Texte français, par Grégoire et Collombet.

1

6. Quin tu mage, si quid sa- 6. Hâte-toi donc, si tu tiens à lubre tibi cordi, raptim subdiceris la santé, de te soustraire aux rues anhelantibus angustiis civitatis, étroites de ta ville où l'on ne et contubernio nostro aventer peut respirer, et de venir au miincertus, fallis clementissimo lieu de nous braver, dans une recessu inclementiam canicu- aimable retraite, les ardeurs de la larem ? canicule.

7. Sane si placet quis sit agri in quem vocaris situs, accipe.

8. Avitaci sumus, nomen hoc præcedio; quod quia uxorium patrio mihi dulcius.

9. Hæc mihi, cum meis, præsule Deo, nisi quid tu fascinum, verere, concordia.

10. Mons ab occasu quanquam terrenus, arduns tamen, inferiores sibi colles, tanquam gemino fomite effundit, quatuor a se circiter jugerum latitudine abductos.

11. Sed donec domicilio competens vestibuli campus aperitur, mediam vallem rectis tractibus prosequuntur latero clivorum usque in marginem villæ, quæ in Boream Austrumque conversis frontibus tenditur.

12. Balneum, ab africo radicibus nemorosa rupis adhærescit, et si cædua per jugum silva truncetur, in ora fornacis lapsu velut spontaneo, deciduis struibus impingitur.

13. Hinc aquarum surgit cella coctilium; quae consequenti unguentaria spatii parililate conquadrat, excepto solii capacis hemicyclio, ubi et vis ferventis undæ per parietem foraminatum flexilis plumbi meatibus implicita singultat.

14. Intra conclave succensum solidus dies, et hæc abundantia lucis inclusæ, ut verecundos quosque compellat aliquid se plus putare quam nudos.

7. Veux-tu connaître la position de la campagne où je t'appelle?

8. Nous sommes à Avitacum, c'est le nom de ma terre, qui me vient de ma femme, et qui par là m'est bien plus précieuse que celle que mon père m'a laissée.

9. Nous y vivons les miens et moi dans une douce concorde sous la protection divine, à moins que tu n'attribues notre bonheur à quelque enchantement.

10. Au couchant s'élève une. montagne de terre, escarpée toutefois, qui produit, comme dun double foyer, des collines plus basses, éloignées l'une de l'autre d'environ quatre arpents.

11. Jusqu'à ce que l'on découvre le champ qui sert de vestibule à notre domicile, les flancs des collines suivent en ligne droite une vallée placée au milieu, et se terminent au bord de notre villa, dont les deux faces regardent, l'une au midi, l'autre au septentrion.

12. Du côté du sud-ouest est un bain appuyé contre le pied d'un rocher couvert de bois; lorsque l'on abat les arbres qui l'ombragent, ils roulent comme d'euxmêmes jusqu'à la bouche de la fournaise où l'on fait chauffer l'eau.

13. Cette pièce est de la même grandeur que la salle des parfums qui l'avoisine, si toutefois l'on excepte le demi-cercle d'une cuve assez grande, dans laquelle l'eau bouillante vient se rendre par des tuyaux de plomb qui traversent les murs.

14. Dans l'appartement des bains, le jour est parfait; et cette brillante clarté augmente encore la pudeur de ceux qui s'y baignent.

15. Hinc frigidaria dilatatur quæ piscinas publicis operibus exstructas, non impudenter æmularetur.

16. Primum tecti apice in conum cacuminato, cum ab angulis quadrifariam concurrentia dorsa cristarum tegulis interjacentibus imbricarentur, ipsa vero convenientibus mensuris exactissima spatiositate quadratur, ita ut ministeriorum sese non impediente famulatu, tot possit recipere sellas, quot solii sigma personas.

17. Fenestras e regione conditor binas confinio camera pendentis admovit, ut suspicientum visui fabrefactum lacunar aperiret.

18. Interior parietum facies solo lævigati cementi candore

contenta est.

19. Non hic per nudam pictorum corporum pulchritudinem turpis prostat historia, quæ sicut ornat artem sic devenustat artificem.

20. Absunt ridiculi vestitu et vultibus histriones pigmentis multicoloribus Philistionis supellectilem mentientes.

21. Absunt lubrici tortuosique pugillatu et nexibus palestrita, quarum etiam viventum luctas, si involvantur obscenius, casta confestim gymnasiarchorum ga dissolvit.

15. Près de là se trouve la pièce où l'on se rafraichit; elle est vaste, et pourrait bien aisément le disputer aux piscines publiques.

16. Le toit qui la couvre se termine en cône dont les quatre côtés sont revêtus de tuiles creuses; cette salle est carrée, d'une étendue convenable, et d'une exacte proportion; les domestiques ne s'embarrassent point dans leur service, elle peut contenir autant de sièges que le bord demi-circulaire de la cuve reçoit de personnes.

17. L'architecte a percé deux fenêtres à l'endroit où commence la voûte, afin qu'on pût voir le goût avec lequel le plafond est construit.

18. La face intérieure des murs ne présente qu'un enduit d'une extrême blancheur.

19. Là aucune peinture obscène, point de honteuse nudité, qui tout en faisant admirer l'art, vienne déshonorer l'artiste.

20. On n'y voit point d'histrions dans un costume et sous un masque ridicules imiter Philistio par leur fard et la bigarrure de leurs couleurs.

21. On n'y aperçoit aucun lutteur, tàchant, par diverses attitudes, de vaincre son adversaire ou d'éluder ses coups; aujourvir-d'hui même, si les luttes offrent des postures indécentes, la chaste baguette des gymnasiarques les détruit sur-le-champ.

pa

22. Quid plura? nihil illis ginis impressum reperietur, quod

non vidisse sit sanctius.

23. Pauci tamen versiculi lectorem adventitium remorabuntur minime improbo temperamento quia eos nec relegisse desiderio est, nec perlegisse fastidio.

22. On n'y trouve rien, en un mot, qui puisse alarmer la pu

deur.

23. Quelques vers néanmoins peuvent arrêter un instant les personnes qui entrent; ils sont de telle nature qu'on n'est point tenté de les relire, qu'on ne regrette point de les avoir lus.

24. Jam si marmora inquiras, 24. En fait de marbres on ne non illic quidem Paros, Carystos, trouve point chez moi, ni ceux de Proconissos, Phryges, Numidæ, Paros, ni ceux de Carystos, ni Spartiatæ rupium variatarum ceux de Proconissos, ni ceux de posuere crustas; neque per sco- Phrygie, de Numidie ou de pulos æthiopicos, et abrupta pur-Sparte, avec leurs variétés; des

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