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la sienne, portons-nous à haïr une vie contraire à celle que Jésus-Christ a aimée, et à n'appréhender que la mort que Jésus-Christ a appréhendée, qui arrive à un corps agréable à Dieu; mais non pas à craindre une mort qui, punissant un corps coupable, et purgeant un corps vicieux, doit nous donner des sentiments tout contraires, si nous avons un peu de foi, d'espérance et de charité.

C'est un des grands principes du christianisme, que tout ce qui est arrivé à Jésus-Christ doit se passer et dans l'âme et dans le corps de chaque chrétien que comme Jésus-Christ a souffert durant sa vie mortelle, est mort à cette vie mortelle, est ressuscité d'une nouvelle vie, et est monté au ciel, où il est assis à la droite de Dieu son père, ainsi le corps et l'âme doivent souffrir, mourir, ressusciter et monter au ciel.

Toutes ces choses s'accomplissent dans l'âme durant cette vie, mais non dans le corps.

L'âme souffre et meurt au péché dans la pénitence et dans le baptême; l'âme ressuscite à une nouvelle vie dans ces sacrements; et enfin l'âme quitte la terre et monte au ciel en menant une vie céleste; ce qui fait dire à saint Paul : Nostra conversatio in cœlis est. (Philipp. 3, 20.)

Aucune de ces choses n'arrive dans le corps durant cette vie; mais les mêmes choses s'y passent ensuite. Car à la mort, le corps meurt à sa vie mortelle : au jugement, il ressuscitera à une nouvelle vie : après le jugement, il mon

tera au ciel, et y demeurera éternellement. Ainsi les mêmes choses arrivent au corps et à l'âme, mais en différents temps; et les changements du corps n'arrivent que quand ceux de l'âme sont accomplis, c'est-à-dire, après la mort: de sorte que la mort est le couronnement de la béatitude de l'âme, et le commencement de la béatitude du corps.

Voilà les admirables conduites de la sagesse de Dieu sur le salut des âmes; et saint Augustin nous apprend sur ce sujet, que Dieu en a disposé de la sorte, de peur que, si le corps de l'homme fût mort et ressuscité pour jamais dans le baptême, on ne fût entré dans l'obéissance de l'Évangile que par l'amour de la vie; au lieu que la grandeur de la foi éclate bien davantage lorsque l'on tend à l'immortalité par les ombres de la mort.

IV.

Il n'est pas juste que nous soyons sans ressentiment et sans douleur dans les afflictions et les accidents fâcheux qui nous arrivent, comme des anges qui n'ont aucun sentiment de la nature : il n'est pas juste aussi que nous soyons sans consolation, comme des païens qui n'ont aucun sentiment de la grâce: mais il est juste que nous soyons affligés et consolés comme chrétiens, et que la consolation de la grâce l'emporte par-dessus les sentiments de la nature, afin que la grâce soit non-seulement en nous, mais victorieuse en nous; qu'ainsi en sanctifiant

le nom de notre père, sa volonté devienne la nôtre; que sa grâce règne et domine sur la nature, et que nos afflictions soient comme la matière d'un sacrifice que sa grâce consomme et anéantisse pour la gloire de Dieu; et que ces sacrifices particuliers honorent et préviennent le sacrifice universel où la nature entière doit être consommée par la puissance de Jésus-Christ.

Ainsi nous tirerons avantage de nos propres imperfections, puisqu'elles serviront de matière à cet holocauste : car c'est le but des vrais chrétiens de profiter de leurs propres imperfections, parce que tout coopère en bien pour les

élus.

Et si nous y prenons garde de près, nous trouverons de grands avantages pour notre édification, en considérant la chose dans la vérité; car puisqu'il est véritable que la mort du corps n'est que l'image de celle de l'âme, et que nous bâtissons sur ce principe, que nous avons sujet d'espérer du salut de ceux dont nous pleurons la mort, il est certain que, si nous ne pouvons arrêter le cours de notre tristesse et de notre déplaisir, nous devons en tirer ce profit, que, puisque la mort du corps est si terrible, qu'elle nous cause de tels mouvements, celle de l'âme devroit nous en causer de plus inconsolables. Dieu a envoyé la première à ceux que nous regrettons; mais nous espérons qu'il a détourné la seconde. Considérons donc la grandeur de nos biens dans la grandeur de nos maux, et que

l'excès de notre douleur soit la mesure de celle de notre joie.

Il n'y a rien qui puisse la modérer, sinon la crainte que leurs âmes ne languissent pour quelque temps dans les peines qui sont destinées à purger le reste des péchés de cette vie : et c'est pour fléchir la colère de Dieu sur eux, que nous devons soigneusement nous employer.

La prière et les sacrifices sont un souverain remède à leurs peines. Mais une des plus solides et des plus utiles charités envers les morts, est de faire les choses qu'ils nous ordonneroient, s'ils étoient encore au monde, et de nous mettre pour eux en l'état auquel ils nous souhaitent à présent.

Par cette pratique, nous les faisons revivre en nous en quelque sorte, puisque ce sont leurs conseils qui sont encore vivants et agissants en nous; et comme les hérésiarques sont punis en l'autre vie des péchés auxquels ils ont engagé leurs sectateurs, dans lesquels leur venin vit encore; ainsi les morts sont récompensés, outre leur propre mérite, pour ceux auxquels ils ont donné suite par leurs conseils et leur exemple.

V.

L'homme est assurément trop infirme pour pouvoir juger sainement de la suite des choses futures. Espérons donc en Dieu, et ne nous fatiguons pas par des prévoyances indiscrètes et téméraires. Remettons-nous à Dieu pour la

conduite de nos vies, et que le déplaisir ne soit pas dominant en nous.

Saint Augustin nous apprend qu'il y a dans chaque homme un serpent, une Ève et un Adam. Le serpent, sont les sens et notre nature; l'Ève est l'appétit concupiscible, et l'Adam est la raison.

La nature nous tente continuellement; l'appétit concupiscible désire souvent; mais le péché n'est pas achevé, si la raison ne consent.

Laissons donc agir ce serpent et cette Ève, si nous ne pouvons l'empêcher: mais prions Dieu que sa grâce fortifie tellement notre Adam, qu'il demeure victorieux; que Jésus-Christ en soit vainqueur, et qu'il règne éternellement en nous.

ARTICLE XIX.

PRIÈRE POUR DEMANDER A DIEU LE BON USAGE DES MALADIES.

I.

SEIGNEUR, dont l'esprit est si bon et si doux en toutes choses, et qui êtes tellement miséricordieux, que non-seulement les prospérités, mais les disgrâces mêmes qui arrivent à vos élus sont des effets de votre miséricorde faites-moi la grâce de ne pas agir en païen dans l'état où votre justice m'a réduit; que, comme un vrai chrétien,

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