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LXXXIX.

Otez la probabilité, on ne peut plus plaire monde : mettez la probabilité, on ne peut plus · lui déplaire.

XC.

L'ardeur des saints à rechercher et pratiquer le bien étoit inutile, si la probabilité est sûre.

XCI.

Pour faire d'un homme un saint, il faut que ce soit la grâce; et qui en doute ne sait ce que c'est qu'un saint et qu'un homme.

XCII.

On aime la sûreté. On aime que le pape soit infaillible en la foi, et que les docteurs graves le soient dans leurs moeurs, afin d'avoir son

assurance.

XCIII.

Il ne faut pas juger de ce qu'est le pape par quelques paroles des pères, comme disoient les Grecs dans un concile (règle importante!), mais par les actions de l'Église et des pères, et par les

canons.

XCIV.

Le pape est le premier. Quel autre est connu de tous? Quel autre est reconnu de tous ayant pouvoir d'influer par tout le corps, parce qu'il tient la maîtresse branche qui influe partout?

XCV.

Il y a hérésie à expliquer toujours omnes de tous, et hérésie à ne pas l'expliquer quelquefois de tous. Bibite ex hoc omnes: les huguenots, hérétiques, en l'expliquant de tous. In quo omnes peccaverunt : les huguenots, hérétiques, en exceptant les enfants des fidèles. Il faut donc suivre les pères et la tradition pour savoir quand, puisqu'il y a hérésie à craindre de part et d'autre.

XCVI.

Le moindre mouvement importe à toute la nature; la mer entière change pour une pierre. Ainsi, dans la grâce, la moindre action importe pour ses suites à tout. Donc tout est important.

XCVII.

Tous les hommes se haïssent naturellement. On s'est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public. Mais ce n'est que feinte, et une fausse image de la charité; réellement ce n'est que haine. Ce vilain fonds de l'homme, figmentum malum, n'est que couvert; il n'est pas ôté.

XCVIII.

Si l'on veut dire que l'homme est trop peu pour mériter la communication avec Dieu, il faut être bien grand pour en juger.

XCIX.

Il est indigne de Dieu de se joindre à l'homme

misérable; mais il n'est pas indigne de Dieu de le tirer de sa misère.

C.

Qui l'a jamais compris! Que d'absurdités!.... Des pécheurs purifiés sans pénitence, des justes sanctifiés sans la grâce de Jésus-Christ, Dieu sans pouvoir sur la volonté des hommes, une prédestination sans mystère, un Rédempteur sans certitude.

CI.

Unité, multitude. En considérant l'Église comme unité, le pape en est le chef, comme tout. En considérant comme multitude, le pape n'en est qu'une partie. La multitude qui ne se réduit pas à l'unité est confusion; l'unité qui n'est pas multitude est tyrannie.

CII.

Dieu ne fait point de miracles dans la conduite ordinaire de son Église. C'en seroit un étrange, si l'infaillibilité étoit dans un ; mais d'être dans la multitude, cela paroît si naturel, que la conduite de Dieu est cachée sous la nature, comme en tous ses ouvrages.

CIII.

De ce que la religion chrétienne n'est pas unique, ce n'est pas une raison de croire qu'elle n'est pas la véritable. Au contraire, c'est ce qui fait voir qu'elle l'est.

CIV.

Dans un état établi en république, comme Venise, ce seroit un très-grand mal de contribuer à y mettre un roi, et à opprimer la liberté des peuples à qui Dieu l'a donnée. Mais dans un état où la puissance royale est établie, on ne pourroit violer le respect qu'on lui doit sans une espèce de sacrilége; parce que la puissance que Dieu y a attachée étant non seulement une image, mais une participation de la puissance de Dieu, on ne pourroit s'y opposer sans résister manifestement à l'ordre de Dieu. De plus, la guerre civile, qui en est une suite, étant un des plus grands maux qu'on puisse commettre contre la charité du prochain, on ne peut assez exagérer la grandeur de cette faute. Les premiers chrétiens ne nous ont pas appris la révolte, mais la patience, quand les princes ne s'acquittent pas bien de leur devoir.

M. Pascal ajoutoit : J'ai un aussi grand éloignement de ce péché que pour assassiner le monde et voler sur les grands chemins il n'y a rien qui soit plus contraire à mon naturel, et sur quoi je sois moins tenté.

CV.

L'éloquence est un art de dire les choses de telle façon, 1°. que ceux à qui l'on parle puissent les entendre sans peine et avec plaisir; 2°. qu'ils s'y sentent intéressés, en sorte que l'amour

propre les porte plus volontiers à y faire réflexion. Elle consiste donc dans une correspondance qu'on tâche d'établir entre l'esprit et le cœur de ceux à qui l'on parle d'un côté, et de l'autre les pensées et les expressions dont on se sert; ce qui suppose qu'on aura bien étudié le cœur de l'homme pour en savoir tous les ressorts, et pour trouver ensuite les justes proportions du discours qu'on veut y assortir. Il faut se mettre à la place de ceux qui doivent nous entendre, et faire essai sur son propre coeur du tour qu'on donne à son discours, pour voir si l'un est fait pour l'autre, et si l'on peut s'assurer que l'auditeur sera comme forcé de se rendre. Il faut se renfermer, le plus qu'il est possible, dans le simple naturel; ne pas faire grand ce qui est petit, ni petit ce qui est grand. Ce n'est pas assez qu'une chose soit belle, il faut qu'elle soit propre au sujet, qu'il n'y ait rien de trop, ni rien de manque.

L'éloquence est une peinture de la pensée; et ainsi ceux qui, après avoir peint, ajoutent enfont un tableau au lieu d'un portrait.

core,

CVI.

L'Écriture sainte n'est pas une science de l'esprit, mais du cœur. Elle n'est intelligible que pour ceux qui ont le cœur droit. Le voile qui est sur l'Écriture pour les Juifs y est aussi pour les Chrétiens. La charité est non-seulement l'objet de l'Écriture sainte, mais elle en est aussi la porte.

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