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C'est ce que font les jésuites. Ils relèvent les miracles ils combattent ceux qui les convainquent. Juges injustes, ne faites pas des lois sur l'heure; jugez par celles qui sont établies par vous-mêmes: Vos qui conditis leges iniquas.

La manière dont l'Église a subsisté, est que la vérité a été sans contestation; ou si elle a été contestée, il y a eu le pape, et sinon il y a eu l'Église.

Le miracle est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu'on y emploie, et le nonmiracle est un effet qui n'excède pas la force qu'on y emploie. Ainsi ceux qui guérissent par l'invocation du diable ne font pas un miracle; car cela n'excède pas la force naturelle du diable.

Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs par celui qu'il exerce sur les corps.

Il importe aux rois, aux princes, d'être en estime de piété; et pour cela, il faut qu'ils se confessent à vous. (Des jésuites.)

Les jansénistes ressemblent aux hérétiques par la réformation des mœurs; mais vous leur ressemblez en mal.

ARTICLE XVII.

PENSÉES DIVERSES SUR LA RELIGION.

I.

Le pyrrhonisme a servi à la religion; car, après tout, les hommes, avant Jésus-Christ, ne savoient où ils en étoient, ni s'ils étoient grands ou petits. Et ceux qui ont dit l'un ou l'autre n'en savoient rien, et devinoient sans raison et par hasard et même ils croyoient toujours, en excluant l'un ou l'autre (*).

II.

Qui blâmera les Chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur croyance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison? Ils déclarent au contraire, en l'exposant aux Gentils, que c'est une sottise, stultitiam, etc. ; et puis vous vous plaignez de ce qu'ils ne la prouvent pas? S'ils la prouvoient, ils ne tiendroient pas

(*) En lisant les premières pensées de cet article, on y trouve de l'obscurité, et on s'aperçoit que l'auteur ne leur a pas donné le développement dont elles étoient susceptibles. On y découvre aussi une teinte de la doctrine de Jansenius, dont les solitaires de Port-Royal faisoient publiquement profession. (Note de l'Éditeur.)

parole: c'est en manquant de preuves qu'ils ne manquent pas de sens. Oui. Mais encore que cela excuse ceux qui l'offrent telle, et que cela les ôte du blâme de la produire sans raison, cela n'excuse pas ceux qui, sur l'exposition qu'ils en font, refusent de la croire.

III.

Croyez-vous qu'il soit impossible que Dieu soit infini sans parties? Oui. Je veux donc vous faire voir une chose infinie et indivisible: c'est un point se mouvant partout d'une vitesse infinie.

Que cet effet de nature, qui vous sembloit impossible auparavant, vous fasse connoître qu'il peut y en avoir d'autres que vous ne connoissez pas encore. Ne tirez pas cette conséquence de votre apprentissage, qu'il ne vous reste rien à savoir; mais qu'il vous reste infiniment à savoir.

IV.

La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l'esprit par les raisons, et dans le cœur par sa grâce. Mais de vouloir la mettre dans le cœur et dans l'esprit par la force et par les menaces, ce n'est pas y mettre la religion, mais la terreur. Commencez par plaindre les incrédules; ils sont assez malheureux. Il ne faudroit les injurier qu'au cas que cela servît; mais cela leur nuit (106).

Toute la foi consiste en Jésus-Christ et en

Adam; et toute la morale, en la concupiscence et en la grâce (*).

V.

Le cœur a ses raisons, que la raison ne connoît pas: on le sent en mille manières. Il aime l'être universel naturellement, et soi-même naturellement, selon qu'il s'y adonne; et il se durcit contre l'un et l'autre, à son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre : est-ce par raison?

VI.

Le monde subsiste pour exercer miséricorde et jugement: non pas comme si les hommes y étoient sortant des mains de Dieu, mais comme des ennemis de Dieu, auxquels il donne, par sa grâce, assez de lumière pour revenir, s'ils veulent le chercher et le suivre; mais pour les punir, s'ils refusent de le chercher et de le suivre.

VII.

On a beau dire, il faut avouer que la religion chrétienne a quelque chose d'étonnant! C'est parce que vous y êtes né, dira-t-on ; tant s'en faut; je me roidis contre par cette raison-là même,

(*) L'auteur veut dire que toute la foi consiste à connoître quels maux nous a causés le péché d'Adam, et quels biens nous a préparés Jésus-Christ; toute la morale, à éviter les maux que nous avons à craindre de la concupiscence, et à chercher les biens que nous ne pouvons attendre que de la grâce. (Note de l'Éditeur.)

de peur que cette prévention ne me suborne. Mais quoique j'y sois né, je ne laisse pas de le trouver ainsi.

sert pas

VIII.

Il y a deux manières de persuader les vérités de notre religion; l'une par la force de la raison, l'autre par l'autorité de celui qui parle. On ne se de la dernière, mais de la première. On ne dit pas : Il faut croire cela; car l'Écriture, qui le dit, est divine; mais on dit : Qu'il faut le croire par telle et telle raison, qui sont de foibles arguments, la raison étant flexible à tout.

Ceux qui semblent les plus opposés à la gloire de la religion n'y seront pas inutiles pour les autres. Nous en ferons le premier argument, qu'il y a quelque chose de surnaturel; car un aveuglement de cette sorte n'est pas une chose naturelle; et si leur folie les rend si contraires à leur propre bien, elle servira à en garantir les autres par l'horreur d'un exemple si déplorable et d'une folie si digne de compassion.

IX.

Sans Jésus-Christ, le monde ne subsisteroit pas; car il faudroit, ou qu'il fût détruit, ou qu'il fût comme un enfer.

Le seul qui connoît la nature ne la connoîtrat-il que pour être misérable? le seul qui la connoît sera-t-il le seul malheureux ?

Il ne faut pas que l'homme ne voie rien du tout; il ne faut pas aussi qu'il en voie assez pour

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