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se souvienne de lui quand il sera venu en sa gloire; et celui que Jésus-Christ sauve lui demande qu'il se souvienne de lui quand il sera en son royaume.

pas

III.

La grâce est la figure de la gloire; car elle n'est la dernière fin. Elle a été figurée par la loi, et elle figure elle-même la gloire; mais de telle manière, qu'elle est en même temps un moyen pour y arriver.

IV.

La synagogue ne périssoit point, parce qu'elle étoit la figure de l'Église; mais parce qu'elle n'étoit que la figure, elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu'à la vérité, afin que l'Église fût toujours visible, ou dans la peinture qui la promettoit, ou dans l'effet.

ments,

V.

Pour prouver tout d'un coup les deux Testail ne faut que voir si les prophéties de l'un sont accomplies en l'autre. Pour examiner les prophéties, il faut les entendre; car si l'on croit qu'elles n'ont qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera point venu; mais si elles ont deux il est sûr qu'il sera venu en Jésus-Christ. Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens, si elles sont figures, ou réalités; c'est-à-dire, s'il faut y chercher quelque autre chose que ce qui paroît d'abord, ou s'il faut

sens,

s'arrêter uniquement à ce premier sens qu'elles présentent.

Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'ils plaisent à Dieu, et qu'ils ne lui déplaisent point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent, et déplaisent.

Or, dans toute l'Écriture ils plaisent, et déplaisent. Donc ils sont figures.

VI.

Pour voir clairement que l'ancien Testament n'est que figuratif, et que par les biens temporels les prophètes entendoient d'autres biens, il ne faut que prendre garde, premièrement, qu'il seroit indigne de Dieu de n'appeler les hommes qu'à la jouissance des félicités temporelles. Secondement, que les discours des prophètes expriment clairement la promesse des biens temporels; et qu'ils disent néanmoins que leurs discours sont obscurs, et que leur sens n'est pas celui qu'ils expriment à découvert: qu'on ne l'entendra qu'à la fin des temps. (Jérém. 23, 22, et 30, 24.) Donc ils n'entendoient parler d'autres sacrifices, d'un autre libérateur, etc.

Enfin il faut remarquer que leurs discours sont contraires et se détruisent, si l'on pense qu'ils n'aient entendu par les mots de loi et de sacrifice autre chose que la loi de Moïse et ses sacrifices; et il y auroit contradiction manifeste et grossière dans leurs livres, et quelquefois dans

un même chapitre. D'où il s'ensuit qu'il faut qu'ils aient entendu autre chose.

VII.

Il est dit que la loi sera changée; que le sacrifice sera changé ; qu'ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices; qu'il sera fait une nouvelle alliance; que la loi sera renouvelée ; que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons; que leurs sacrifices sont abominables; que Dieu n'en a point demandé.

Il est dit, au contraire, que la loi durera éternellement; que cette alliance sera éternelle; que le sacrifice sera éternel; que le sceptre ne sortira jamais d'avec eux, puisqu'il ne doit point en sortir que le roi éternel n'arrive. Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité? Non. Marquent-ils aussi que ce soit figure? Non mais que c'est réalité, ou figure. Mais les premiers, excluant la réalité, marquent que ce n'est que figure.

Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité : tous peuvent être dits de la figure. Donc ils ne sont pas dits de la réalité, mais de la figure.

VIII.

Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité, ou figure, il faut voir si les prophètes, en parlant de ces choses, y arrêtoient leur vue et leur pensée, en sorte qu'ils ne vissent que cette ancienne alliance, ou s'ils y voyoient quelque

autre chose dont elles fussent la peinture; car dans un portrait on voit la chose figurée. Il ne faut pour cela qu'examiner ce qu'ils disent.

Quand ils disent qu'elle sera éternelle, entendent-ils parler de l'alliance de laquelle ils disent qu'elle sera changée? Et de même des sacrifices, etc.

IX.

Les prophètes ont dit clairement qu'Israël seroit toujours aimé de Dieu, et que la loi seroit éternelle; et ils ont dit que l'on n'entendroit point leur sens, et qu'il étoit voilé.

Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l'on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens est voilé et obscurci; qu'il est caché en sorte qu'on verra cette lettre sans la voir, et qu'on l'entendrà sans l'entendre; que doit-on penser, sinon que c'est un chiffre à double sens, et d'autant plus, qu'on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral? Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre, et nous apprennent à connoître le sens caché; et principalement quand les principes qu'ils en prennent sont tout-à-fait naturels et clairs? C'est ce qu'ont fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau, ils ont rompu le voile, et découvert l'esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l'homme sont ses passions; que le Rédempteur seroit spirituel; qu'il y auroit deux avénements, l'un de misère, pour abaisser

l'homme superbe ; l'autre de gloire, pour élever l'homme humilié; que Jésus-Christ sera Dieu et homme.

X.

Jésus-Christ n'a fait autre chose qu'apprendre aux hommes qu'ils s'aimoient eux-mêmes, et qu'ils étoient esclaves, aveugles, malades, malheureux et pécheurs; qu'il falloit qu'il les délivrât, éclairât, guérît et béatifiât; que cela se feroit en se haïssant soi-même, et en le suivant par la misère et la mort de la croix.

que

La lettre tue : tout arrivoit en figure: il falloit le Christ souffrît: un Dieu humilié : circoncision du cœur : vrai jeûne: vrai sacrifice : vrai temple double loi double table de la loi : double temple: double captivité : voilà le chiffre qu'il nous a donné.

:

Il nous a appris enfin que toutes ces choses n'étoient que des figures; et ce que c'est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.

XI.

Dans ces promesses-là, chacun trouve ce qu'il a dans le fond de son cœur ; les biens temporels, ou les biens spirituels; Dieu, ou les créatures: mais avec cette différence, que ceux qui y cherchent les créatures, les y trouvent, mais avec plusieurs contradictions, avec la défense de les aimer, avec ordre de n'adorer que Dieu, et de n'aimer que lui; au lieu que ceux qui y cher

PENSÉES.

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