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Dieu leur sont confiés, mais comme un livre scellé.

Tandis que les prophètes ont été pour maintenir la loi, le peuple a été négligent. Mais depuis qu'il n'y a plus eu de prophète, le zèle a succédé; ce qui est une providence admirable.

XVII.

La création du monde commençant à s'éloigner, Dieu a pourvu d'un historien contemporain (101), et a commis tout un peuple pour la garde de ce livre, afin que cette histoire fût la plus authentique du monde, et que tous les hommes pussent apprendre une chose si nécessaire à savoir, et qu'on ne peut savoir que par là.

XVIII.

Moïse étoit habile homme cela est clair. Donc, s'il eût eu dessein de tromper, il eût fait en sorte qu'on n'eût pu le convaincre de tromperie. Il a fait tout le contraire; car, s'il eût débité des fables, il n'y eût point eu de Juif qui n'en eût pu reconnoître l'imposture (102).

Pourquoi, par exemple, a-t-il fait la vie des premiers hommes si longue, et si peu de générations? Il eût pu se cacher dans une multitude de générations, mais il ne le pouvoit en si peu; car ce n'est pas le nombre des années, mais la multitude des générations, qui rend les choses obscures.

La vérité ne s'altère que par le changement

des hommes. Et cependant il met deux choses les plus mémorables qui se soient jamais imaginées, savoir, la création et le déluge, si proches, qu'on y touche par le peu qu'il fait de générations. De sorte qu'au temps où il écrivoit ces choses, la mémoire devoit encore en être toute récente dans l'esprit de tous les Juifs (103).

Sem, qui a vu Lamech, qui a vu Adam, a vu au moins Abraham; et Abraham a vu Jacob, qui a vu ceux qui ont vu Moïse. Donc le déluge et la création sont vrais. Cela conclut entre de certaines gens qui l'entendent bien.

La longueur de la vie des patriarches, au lieu de faire que les histoires passées se perdissent, servoit, au contraire, à les conserver. Car ce qui fait que l'on n'est pas quelquefois assez instruit dans l'histoire de ses ancêtres, c'est qu'on n'a jamais guère vécu avec eux, et qu'ils sont morts souvent avant que l'on eût atteint l'âge de raison. Mais lorsque les hommes vivoient si long-temps, les enfants vivoient long-temps avec leurs pères, et ainsi ils les entretenoient long-temps. Or, de quoi les eussent-ils entretenus, sinon de l'histoire de leurs ancêtres, puisque toute l'histoire étoit réduite à celle-là, et qu'ils n'avoient ni les sciences ni les arts qui occupent une grande partie des discours de la vie? Aussi l'on voit qu'en ce temps-là les peuples avoient un soin particulier de conserver leurs généalogies.

XIX.

Plus j'examine les Juifs, plus j'y trouve de vérités; et cette marque qu'ils sont sans prophètes, ni roi; et qu'étant nos ennemis, ils sont d'admirables témoins de la vérité de ces prophéties, où leur vie et leur aveuglement même est prédit. Je trouve en cette enchâssure cette religion toute divine dans son autorité, dans sa durée, dans sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans ses effets. Et ainsi je tends les bras à mon libérateur, qui, ayant été prédit durant quatre mille ans, est venu souffrir et mourir pour moi sur la terre dans les temps et dans toutes les circonstances qui en ont été prédites, et, par sa grâce, j'attends la mort en paix, dans l'espérance de lui être éternellement uni; et je vis cependant avec joie, soit dans les biens qu'il lui plaît de me donner, soit dans les maux qu'il m'envoie pour mon bien, et qu'il m'a appris à souffrir par son exemple.

Dès là je réfute toutes les autres religions: par là je trouve réponse à toutes les objections. Il est juste qu'un Dieu si pur ne se découvre qu'à ceux dont le cœur est purifié.

Je trouve d'effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple. Il est annoncé constamment aux hommes qu'ils sont dans une corruption universelle, mais qu'il viendra un réparateur : ce n'est pas un seul

homme qui le dit, mais une infinité, et un peuple entier prophétisant durant quatre mille

ans.

ARTICLE IX.

DES FIGURES; QUE L'ANCIENNE LOI ÉTOIT

FIGURATIVE.

I.

Il y a des figures claires et démonstratives; mais il y en a d'autres qui semblent moins naturelles, et qui ne prouvent qu'à ceux qui sont persuadés d'ailleurs. Ces figures-là seroient semblables à celles de ceux qui fondent des prophéties sur l'Apocalypse, qu'ils expliquent à leur fantaisie. Mais la différence qu'il y a, c'est qu'ils n'en ont point d'indubitables qui les appuient. Tellement qu'il n'y a rien de si injuste que quand ils prétendent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques-unes des nôtres; car ils n'en ont pas de démonstratives comme nous en avons. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses, parce qu'elles semblent être semblables par un bout, étant si différentes par l'autre.

II.

Une des principales raisons pour lesquelles les prophètes ont voilé les biens spirituels qu'ils

promettoient sous les figures des biens temporels, c'est qu'ils avoient affaire à un peuple charnel, qu'il falloit rendre dépositaire du testament spirituel.

Jésus-Christ, figuré par Joseph, bien-aimé de son père, envoyé du père pour voir ses frères, est (*) l'innocent vendu par ses frères vingt deniers, et par là devenu leur seigneur, leur sauveur, et le sauveur des étrangers, et le sauveur du monde ; ce qui n'eût point été sans le dessein de le perdre, sans la vente et la réprobation qu'ils en firent.

Dans la prison, Joseph innocent entre deux criminels: Jésus en la croix entre deux larrons. Joseph prédit le salut à l'un, et la mort à l'autre, sur les mêmes apparences: Jésus-Christ sauve l'un, et laisse l'autre, après les mêmes crimes. Joseph ne fait que prédire : Jésus-Christ fait. Joseph demande à celui qui sera sauvé qu'il

(*) Le mot est n'a-t-il point été transposé ici par erreur de copiste? Ne faudroit-il pas lire : Jésus-Christ est figuré par Joseph, bien-aimé de son père, envoyé du père pour voir ses frères, l'innocent vendu par ses frères vingt deniers, et le reste? Car cette circonstance des vingt deniers regarde Joseph, et non Jésus-Christ, qui fut vendu trente deniers. Tout ce qui suit regarde également Joseph; le nom même de Sauveur du monde est celui qui fut donné à Joseph, selon la Vulgate : Salvatorem mundi. (Gen. 41, 45.) Tout cela regarde Joseph; et en tout cela Jésus-Christ est figuré par Joseph. Voilà bien ce que l'auteur a voulu dire. (Note de l'édit. de 1787.)

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