Page images
PDF
EPUB

Gènes, comme dans les autres villes d'Italie, le CHAP. V. titre de consuls. Pendant les premières années du douzième siècle, ils étoient alternativement au nombre de quatre ou de six, et demeuroient en place trois ou quatre ans. L'an 1122, l'on réduisit à une seule année la durée du consulat ; et l'an 1130, l'on divisa les attributions de ces magistrats pour en faire deux offices distincts. On appela dès-lors consuls de la commune, les quatre ou six chefs de la république, qui, nommés annuellement par le peuple, étoient chargés du pouvoir exécutif, et spécialement du maintien de la police, de l'exécution des ordonnances criminelles, de la correspondance avec les puissances étrangères, du commandement des forces de terre ou de mer, et même des expéditions lointaines. Ces consuls, à leur sortie de charge, rendoient compte au peuple, dans une assemblée générale, de l'emploi des deniers de l'état. (1)

D'autres magistrats, en nombre tantôt égal, tantôt fort supérieur, furent créés la même année, sous le titre de consuls des plaidoyers pour être les juges suprêmes de la république. La division du peuple en sept compagnies, et celle de la ville en sept quartiers, servoient tout

(1) Caffaro Annales Genuenses Script. Rer. Ital. T. VI, p. 284.

CHAP. V. à la fois à classer les électeurs et à limiter la juridiction des juges; car chaque consul étoit élu par la compagnie qu'il devoit juger (1). Dans la suite on forma deux tribunaux, l'un pour la ville et l'autre pour le bourg; et il fut statué en 1179, que le défendeur pourroit ramener le demandeur à celui des deux tribunaux qu'il préféreroit (2). Ces consuls des plaidoyers, de même que ceux de la communauté, étoient annuels.

Dans de certaines occasions, et sur la demande du peuple, la république nommoit des correcteurs des lois. Ces commissaires, au nombre de douze ou quinze, étoient dépositaires du pouvoir législatif (3). Les Italiens, loin de faire de ce pouvoir un attribut du peuple, avoient considéré le talent de la législation, comme une conséquence de la jurisprudence : ils en avoient absolument abandonné l'exercice aux jurisconsultes, et ils s'étoient soumis aveuglément aux décisions fondées sur les maximes de l'école, et sur l'autorité de Justinien. L'étude du droit en général, étoit séparée des fonctions administratives, en sorte que les légistes n'avoient pas un intérêt de corps à abuser de la confiance du peuple, ou à l'asservir; mais la législation ro

(1) Caffaro Ann. p. 258.

(2) Ottobonus Scriba Annal. Genuens. L. III, p. 355.
(3) Ibid.

maine et impériale leur avoit donné un caractère servile: aussi dans tout le cours des disputes entre les républiques et l'Empire, se montrèrent-ils fauteurs du despotisme et ennemis de la liberté.

:

Il existoit dans la république un conseil ou sénat qui devoit assister les consuls mais ce corps n'avoit sans doute que des pouvoirs bien limités; car à peine est-il fait mention de lui deux ou trois fois dans l'histoire (1). Le peuple, de son côté, assemblé en parlement, et sur la place publique, prenoit part à l'administration de l'état, soit en recevant les comptes des magistrats, soit en délibérant sur les intérêts communs, dans les occasions importantes. (2)

Cette constitution étoit simple, mais suffisante pour assurer la liberté du peuple, pour l'intéresser vivement aux affaires publiques, et pour lui faire chérir sa patrie, en raison de la part qu'elle lui donnoit à son gouvernement. L'élection des magistrats, le compte qu'ils rendoient de leur gestion, les délibérations de la place publique, rappeloient, chaque jour à tous les citoyens, que les affaires de l'état étoient aussi leurs affaires; que leur intérêt privé étoit l'intérêt de la communauté. Cependant l'ordre public avoit

--

(1) Caffaro ad init. Hist. Obertus cancellarius. L. II, Ann. Gen. p. 342.

(2) Caffaro. L. I, p. 294.-Ottobon. Scriba. L. II, p. 364.

CHAP. V.

CHAP. V. dans les mœurs et l'habitude, plutôt que dans les lois, une sauvegarde contre l'anarchie et la turbulence démocratique, c'étoit le rang des magistrats. Les consuls étoient tous ou presque tous gentilshommes. Comme cet ordre s'étoit déclaré le protecteur du peuple contre les empereurs et les grands, le peuple reconnoissant lui avoit confié tous ses droits; aussi les listes du consulat présentent-elles des noms illustres dès cette époque, des Spinola, des Doria, des Ruffo, des Fornaro, des Négri, des Serra, des Picamiglio, etc. Heureuse la république lorsque le peuple jouissant d'un droit illimité d'élection, les nobles méritent cependant de fixer le plus souvent ses suffrages!

L'histoire de Gènes ne doit point être séparée de celle de Pise: ces deux républiques, dont les mœurs, la puissance et le gouvernement étoient presque semblables, commencèrent de bonne heure à se montrer rivales, et ne cessèrent leurs combats que lorsque Pise eut succombé, après une lutte de plusieurs siècles. Mais aux yeux de la postérité, Pise, laissée dans l'obscurité par l'histoire, ne soutient point cette lutte avec autant d'avantage que ses guerriers le firent les armes à la main. Durant la période dont nous parlons, les seuls monumens de cette ville qui nous aient été conservés, sont une déclamation sur ses triomphes, un poème à moitié barbare

sur la guerre de Majorque, et deux chroniques sèches et tronquées (1); c'est donc de ses ennemis mêmes qu'il faut emprunter le récit de ses victoires ou de ses défaites. Les historiens de Venise sont plus pauvres encore; le plus ancien de ceux qui nous ont été conservés, est le doge André Dandolo, qui écrivoit au milieu du quatorzième siècle, et auquel on ne peut prêter qu'une foi douteuse pour les faits fort antérieurs à l'époque où il vécut. (2)

Les trois républiques prirent une part également active aux expéditions des chrétiens dans la Terre-Sainte. Tandis que pour les autres nations la guerre sacrée n'étoit qu'une épisode au milieu de leur histoire, pour les républiques maritimes elle devint la première et la plus importante de leurs affaires. Venise donna l'exemple du zèle; et elle y étoit appelée par sa position. Les Turcs avoient envahi, en Asie, les contrées et les cités où la république exerçoit le commerce le plus lucratif : cette nation barbare menaçoit de pousser plus loin ses conquêtes, et d'asservir les

Sandi, l'au

(1) Chronica varia Pisana. T. VI, Rer. It. (2) Chronic. Danduli. T. XII, Rer. Ital. teur de l'histoire civile de Venise, a eu entre les mains plusieurs chroniques manuscrites; mais il leur accorde lui-même peu de confiance. Les archives de la chancellerie, où il a consulté une foule d'anciens monumens, méritent une foi plus entière.

CHAP. V.

« PreviousContinue »