Déployez toutes vos rages, Princes, vents, peuples, frimas; Ramassez tous vos nuages, Rassemblez tous vos soldats :
Malgré vous, Namur en poudre
S'en va tomber sous la foudre Qui dompta Lille, Courtrai, Gand la superbe Espagnole, Saint-Omer, Besançon, Dôle, Ypres, Maestricht et Cambrai.
Mes présages s'accomplissent : Il commence à chancler ; Sous les coups qui retentissent Ses murs s'en vont s'écrouler. Mars en feu, qui les domine, Souffle à grand bruit leur ruine; Et les bombes, dans les airs Allant chercher le tonnerre, Semblent, tombant sur la terre, Vouloir s'ouvrir les enfers.
Accourez, Nassau, Bavière', De ces murs l'unique espoir : A couvert d'une rivière, Venez, vous pouvez tout voir. Considérez ces approches : Voyez grimper sur ces roches Ces athlètes belliqueux;
Et dans les eaux, dans la flamme, Louis, à tout donnant l'âme, Marcher, courir avec eux.
Contemplez dans la tempête Qui sort de ces boulevards, La plume 2, qui sur sa tête Attire tous les regards. A cet astre 3 redoutable Toujours un sort favorable S'attache dans les combats; Et toujours avec la gloire Mars amenant la victoire Vole, et le suit à grands pas.
Grands défenseurs de l'Espagne, Montrez-vous, il en est temps. Courage, vers la Méhagne 4, Voilà vos drapeaux flottants. Jamais ses ondes craintives
1 Maximilien II, duc de Bavière.
2 Le roi porte toujours à l'armée une plume blanche. (BOIL.)
3 HOMÈRE, Iliad. XIX, v. 299, où il dit que l'aigrette d'A
chille étincelait comme un astre. (BOIL.)
4 Rivière près de Namur. (BOIL.)
N'ont vu sur leurs faibles rives Tant de guerriers s'amasser. Courez donc; qui vous retarde? Tout l'univers vous regarde : N'osez-vous la traverser?
Loin de fermer le passage A vos nombreux bataillons, Luxembourg a du rivage Reculé ses pavillons.
Quoi! leur seul aspect vous glace! Où sont ces chefs pleins d'audace, Jadis si prompts à marcher, Qui devaient, de la Tamise Et de la Drave1 soumise, Jusqu'à Paris nous chercher ?
Cependant l'effroi redouble Sur les remparts de Namur : Son gouverneur, qui se trouble, S'enfuit sous son dernier mur. Déjà jusques à ses portes Je vois monter nos cohortes, La flamme et le fer en main; Et sur les monceaux de piques, De corps morts, de rocs, de briques, S'ouvrir un large chemin.
C'en est fait : je viens d'entendre
Sur ces rochers éperdus Battre un signal pour se rendre. Le feu cesse : ils sont rendus. Dépouillez votre arrogance, Fiers ennemis de la France; Et désormais gracieux, Allez à Liége, à Bruxelles, Porter les humbles nouvelles De Namur pris à vos yeux.
Pour moi, que Phébus anime De ses transports les plus doux, Rempli de ce dieu sublime, Je vais, plus hardi que vous, Montrer que, sur le Parnasse, Des bois fréquentés d'Horace Ma muse dans son déclin Sait encor les avenues,
Et des sources inconnues
A l'auteur du Saint-Paulin 2.
SUR UN BRUIT QUI COURUT, EN 1656,
QUE CROMWELL ET LES ANGLAIS ALLAIENT FAIRE LA GUERRE A LA FRANCE'.
Quoi! ce peuple aveugle en son crime, Qui, prenant son roi pour victime, Fit du trône un théâtre affreux, Pense-t-il que le ciel, complice D'un si funeste sacrifice, N'a pour lui ni foudres ni feux ?
Déjà sa flotte à pleines voiles, Malgré les vents et les étoiles, Veut maîtriser tout l'univers, Et croit que l'Europe étonnée A son audace forcenée
Va céder l'empire des mers.
'Je n'avais que dix-huit ans quand je fis cette ode; mais je l'ai raccommodée. (BoшL.)
Arme-toi, France; prends la foudre. C'est à toi de réduire en poudre
Ces sanglants ennemis des lois. Suis la victoire qui t'appelle, Et va sur ce peuple rebelle Venger la querelle des rois.
Jadis on vit ces parricides, Aidés de nos soldats perfides, Chez nous, au comble de l'orgueil', Briser tes plus fortes murailles;
Et par le gain de vingt batailles, Mettre tous tes peuples en deuil.
Mais bientôt le ciel en colère, Par la inain d'une humble bergère 2, Renversant tous leurs bataillons, Borna leurs succès et nos peines : Et leurs corps pourris, dans nos plaines, N'ont fait qu'engraisser nos sillons.
' Pendant le règne de l'infortuné Charles VI. 2 Jeanne d'Arc.
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