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EPITRE VIII.

GRA

AU ROI.

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RAND ROI, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire. Tu fais bien que mon ftile eft né pour la Satire, Mais mon Efprit, contraint de la défavouer,

Sous Ton Regne étonnant ne veut plus que louer.

s Tantôt dans les ardeurs de ce zèle incommode,
Je fonge à mesurer les fyllabes d'une Ode:
Tantôt d'une Eneïde Auteur ambitieux,
Je m'en forme déja le plan audacieux.
Ainfi toûjours flaté d'une douce manie,
to Je fens de jour en jour dépérir mon génie:
Et mes Vers, en ce ftile ennuïeux, fans appas,
Deshonorent ma plume; & ne T'honorent pas.

Quoi que l'Epitre quatrième, fur la Campagne de Hollande, eût été faite peu de tems après que le Roi eut gratifié l'Auteur d'une Penfion, & qu'il l'eût compofée pour marquer fa reconnoiffance envers Sa Majefté; il ne laissa pas de lui adreffer cette Epître VIII. pour le remercier plus particulièrement de fes bienfaits: c'eft pourquoi l'Auteur appelloit cette Epître, fon Remerciment. Il la récita au Roi. Elle fut compofée en 1675. mais il ne la fit paroître que l'année fuivante, pour les raisons qu'on va

raporter.

VERS I. Grand Roi, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire.) En 1675. la fin de la Campagne ne fut

En

pas heureufe pour la France. Mr. de Turenne fut tué d'un coup de Canon, le 27. de Juillet; après quoi nos Troupes furent obligées de repaffer le Rhin, & de revenir en Alface. Le Maréchal de Créqui perdit enfuite la bataille de Saverne; & s'étant fauvé dans la Ville de Tréves qui étoit affiègée, la ville fut rendue malgré lui par capitulation, & il fut fait prisonnier de guerre. Tous ces revers obligèrent notre Auteur à ne point faire paroître alors fon Epître, de peur que fes Ennemis ne fiffent paffer ce premier vers pour une raillerie. II l'avoit bien changé ainfi: Grand Roi, fois moins louable, ou je ceffe d'écrire. Mais ce dernier vers n'avoit pas la beauté du premier; &

l'Au

Encor fi Ta valeur, à tout vaincre obstinée, Nous laiffoit, pour le moins, refpirer une année, 15 Peut-être mon Efprit, prompt à reffusciter,

Du tems qu'il a perdu fauroit fe r'acquiter.

Sur ces nombreux défauts, merveilleux à décrire,
Le Siècle m'offre encor plus d'un bon inot à dire.
Mais à peine Dinan & Limbourg font forcés,
so Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffés.
Ton courage affamé de péril & de gloire,
Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire,
Souvent ce qu'un feul jour Te voit exécuter,
Nous laiffe pour un an d'actions à conter.

25

Que fi quelquefois las de forcer des murailles,
Le foin de tes Sujets Te rappelle à Versailles,
Tu viens m'embarraffer de mille autres Vertus;
Te voyant de plus près, je T'admire encor plus.

l'Auteur aima nieux attendre
l'heureux fuccès de la Campagne
fuivante, que de fupprimer un des
plus beaux vers qu'il eût faits.

CHANG. Vers 17. Sur ces nom-
breux défauts &c.) Au lieu de ce
vers & du fuivant, il y avoit ceux-
ci dans toutes les éditions qui ont
paru avant celle de 1713.

Le Parnaffe François non exemt
de tous crimes

Offre encore à mes vers des fujets
des rimes.

CHANG. Vers 19. Mais à peine
Dinan & Limbourg font forcés ;)
Dans la première compofition il y
avoit :

Dans

Mais à peine Salins, & Dole font forcés,

Qu'il faut chanter Dinan, & Lim

bourg terraffés.

Salins & Dole, avoient été conquis en 1674. avec le refte de la FrancheComté. Dinan & Limbourg furent pris l'année fuivante, au commencement de la Campagne. Ces quatre villes étant les dernières con quêtes du Roi en 1675. l'Auteur les avoit nommées dans fon Epitve; mais quand il la publia en 1676. il ôta les deux premières, & leur fubftitua Bouchain & Condé, qui avoient été pris en Avril & en Mai, de la mêine année.

P

Dans les nobles douceurs d'un féjour plein de charmes, 30 Tu n'es pas moins Heros qu'au milieu des alarmes. De ton Thrône agrandi portant feul tout le faix, Tu cultives les Arts: Tu répans les bienfaits; Tu fais récompenfer jusqu'aux Mufes critiques. Ah! croi-moi, c'en eft trop. Nous autres Satiriques, 35 Propres à relever les fottifes du tems,

Nous fomines un peu nés pour être mécontens.
Notre Mufe fouvent pareffeufe & ftérile,

A befoin, pour marcher, de colère & de bile.
Notre ftile languit dans un remerciment:

40 Mais, GRAND Roi, nous favons nous plaindre élégamment. O! que fi je vivois fous les règnes finiftres

De ces Rois nés valets de leurs propres Miniftres, Et qui jamais en main ne prenant le timon, Aux exploits de leurs tems ne prêtoient que prêtoient que leur nom: 45 Que; fans les fatiguer d'une louange vaine,

Aifément les bons mots couleroient de ma veine:
Mais toujours fous Ton Regne il faut fe récrier,
Toûjours, les yeux au Ciel, il faut remercier.
Sans ceffe à T'admirer ma Critique forcée
50 N'a plus, en écrivant, de maligne penfée;
Et mes chagrins fans fiel, & presque évanouïs,

VERS 42. De ces Rois nés valets de leurs propres Miniftres.) Les derniers Rois de la première race laiffoient toute l'adminiftration des affaires aux Maires du Palais. Henri III. fut auffi dévoué entierement à

Font

fes Mignons : c'eft pourquoi Mezerai a dit, qu'on pourroit appeller fon règne le règne des Favoris. VERS 53.

La Pharfale approuvée.) La Pharfale de BR E

BOEUF.

Font grace à tout le fiècle en faveur de Louis. En tous lieux cependant la Pharfale approuvée, Sans crainte de mes Vers, va la tête levée. ss La Licence par tout règne dans les Ecrits. Déja le mauvais Sens reprenant fes efprits, Songe à nous redonner des Poëmes Epiques, S'empare des Difcours, mêmes Académiques. Perrin a de fes Vers obtenu le pardon; 60 Et la Scène Françoise eft en proie à Pradon. Et moi, fur ce fujet, loin d'exercer ma plume, J'amaffe de Tes Faits le pénible volume: Et ma Mufe occupée à cet unique emploi, Ne regarde, n'entend, ne connoît plus que Toi. Tu le fais bien pourtant, cette ardeur empreffée N'eft point en moi l'effet d'une ame intéreffée. Avant que Tes bienfaits courussent me chercher, Mon zèle impatient ne fe pouvoit cacher. Je n'admirois que Toi. Le plaifir de le dire 70 Vint m'apprendre à louer au fein de la Satire. Et depuis que Tes dons font venus m'accabler; Loin de fentir mes Vers avec eux redoubler, Quelquefois, le dirai-je, un remords légitime, Au fort de mon ardeur, vient refroidir ma riine.

#65

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