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Briser tes plus fortes murailles,
Et, par le gain de vingt batailles,
Mettre tous tes peuples en deuil.

Mais bientôt le ciel en colere,
Par la main d'une humble bergere
Renversant tous leurs bataillons,
Borna leurs succès et nos peines :
Et leurs corps, pourris dans nos plaines,
N'ont fait qu'engraisser nos sillons.

I. A un médecin.

Oui, j'ai dit dans mes vers qu'un célebre assassin,

Laissant de Galien la science infertile,
D'ignorant médecin devint maçon habile :
Mais de parler de vous je n'eus jamais dessein,
Perrault; ma muse est trop correcte,

Vous êtes, je l'avoue, ignorant médecin,
Mais non pas habile architecte.

II. A M. Racine.

RAGINE, plains ma destinée.
C'est demain la triste journée
Où le prophete Desmarets,
Armé de cette même foudre
Qui mit le Port-Royal en poudre,
Va me percer de mille traits.

C'en est fait, mon heure est venue.

Non que ma muse, soutenue

De tes judicieux avis,

N'ait assez de quoi le confondre:

Mais, cher ami, pour lui répondre,

Hélas! il faut lire Clovis (1)!

(1) Poëme de Desmarets, ennuyeux à la mort.

III. Contre Saint-Sorlin.

DANS le palais, hier Bilain
Vouloit gager contre Ménage
Qu'il étoit faux que Saint-Sorlin
Contre Arnauld eût fait un ouvrage.
Il en a fait, j'en sais le temps,
Dit un des plus fameux libraires.
Attendez.... C'est depuis vingt ans.
On en tira cent exemplaires.
C'est beaucoup ! dis-je en m'approchant,
La piece n'est pas si publique.

Il faut compter, dit le marchand,
Fout est encor dans ma boutique.

IV. A MM. Pradon et Bonnecorse, qui firent en même temps paroître contre moi chacun un volume d'injures.

VENEZ, Pradon et Bonnecorse,
Grands écrivains de même force,
De vos vers recevoir le prix :
Venez prendre dans mes écrits
La place que vos noms demandent.
Liniere et Perrin vous attendent.

V. Sur une satire très mauvaise que l'abbé Cotin avoit faite, et qu'il faisoit courir sous mon

nom.

EN vain par mille et mille outrages

Mes ennemis, dans leurs ouvrages,

Ont cru me rendre affreux aux yeux de l'univers.
Cotin, pour décrier mon style,
A pris un chemin plus facile:
C'est de m'attribuer ses vers.

VI. Contre le même.

A quoi bon tant d'efforts, de larmes et de cris,
Cotin, pour faire ôter ton nom de mes ouvrages?
Si tu veux du public éviter les outrages,

Fais effacer ton nom de tes propres écrits.

VII. Contre un athée.

ALINOR, assis (1) dans sa chaise,
Médisant du ciel à son aise,
Peut bien médire aussi de moi.
Je ris de ses discours frivoles :
On sait fort bien que ses paroles
Ne sont pas articles de foi.

VIII. Vers en style de Chapelain, pour mettre à la fin de son poëme de la Pucelle.

MAUDIT soit l'auteur dur, dont l'âpre et rude verve,
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve;
Et, de son lourd marteau martelant le bon sens
A fait de méchants vers douze fois douze cents (2)!
I X.

De six amants contents et non jaloux,
Qui tour-à-tour servoient madame Claude,
Le moins volage étoit Jean, son époux :

Un jour pourtant, d'humeur un peu trop chaude,
Serroit de près sa servante aux yeux doux,
Lorsqu'un des six lui dit : Que faites-vous?
Le jeu n'est sûr avec cette ribaude.

Ah! voulez-vous, Jean-Jean, nous gâter tous?

(1) Il étoit tellement goutteux qu'il ne pouvoit marcher. (2) La Pucelle a douze livres, chacun de douze cents

X. A Climene.

TOUT me fait peine,
Et depuis un jour
Je crois, Climene,
Que j'ai de l'amour.
Cette nouvelle

Vous met en courroux.
Tout beau, cruelle ;
Ce n'est pas pour vous.

XI. Epitaphe.

Ci gît, justement regretté,
Un savant homme sans science,
Un gentilhomme sans naissance,
Un très bon homme sans bonté.

XII. Imitation de Martial.

PAUL, ce grand médecin, l'effroi de son quartier,
Qui causa plus de maux que la peste et la guerre,
Est curé maintenant, et met les gens en terre.
Il n'a point changé de métier.

XIII. Sur une harangue d'un magistrat, dans laquelle les procureurs étoient fort maltraités.

LORSQUE, dans ce sénat à qui tout rend hommage,
Vous haranguez en vieux langage,
Paul, j'aime à vous voir, en fureur,
Gronder maint et maint procureur;
Car leurs chicanes sans pareilles
Méritent bien ce traitement.
Mais que vous ont fait nos oreilles,
Pour les traiter si durement?

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