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ment; il étoit d'une conversation agréable et facile. Ses poésies en général sont très-foibles, à quelques endroits près, qui sont re. marquables par un tour facile et original. Sa meilleure pièce se trouve dans ce recueil. PELLISSON-FONTANIER (Paul) né a Beziers en 1624 et mort à Versailles en 1693. Elevé dans la religion calviniste, Pellisson donna dès son enfance de telles preuves d'un talent supérieur qu'il fut bientôt l'espérance de son parti et de sa religion. 1'étudia successivement à Castres, à Montauban et à Toulouse. Les auteurs Latins, Grees, François, Espagnols, Italiens lui devinrent familiers. I parut bientôt avec éclat dans le barreau de Castres; mais lorsqu'il y brilloit le plus, il fut attaqué de la petite-vérole. Cette maladie le défigura au point que Melle. de Scudéri, son amie, disoit en plaisantant qu'il abusoit de la permission que les hommes ont d'être, laids. Plusieurs ouvrages qu'il composa à Paris l'y firent connoître avantageusement. L'académie se l'associa, quoiqu'il n'y eût pas alors de place vacante, et elle ordonna que la première qui vaqueroit seroit à lui, et que cependant il auroit droit d'assister aux assemblées et d'y opiner, comme académicien; distinction d'autant plus flatteuse qu'il n'y en a point d'autre exemple. Foucquet, instruit de son mérite, l'avoit choisi pour son premier commis: ce ministre ayant été disgrâcié, Pellisson fut enveloppé dans sa disgrâce et enfermé à la bastille, où il fut retenu pendant quatre ans. C'est là qu'il composa ces trois mémoires, pour l'infortuné Foucquet, qui sont trois chefs-d'œuvre. Si quelque chose approche de Cicéron, dit Voltaire, ce sont ces trois factums. Pellisson avoit conservé une foule d'amis dans ses malheurs, et ses amis obtinrent enfin sa liberté. On doit observer à la gloire des lettres que Foucquet ne conserva que deux amis après sa disgrâce, Pellisson et la Fontaine. Le roi le dédommagea de cette captivité par des pensions et des places, et lors qu'il eut embrassé la religion de l'état, par des bénéfices. Les seuls ouvrages qu'on lit actuellement de Pellisson sont ses trois mémoires en faveur de Foucquet, et son histoire de l'académie Françoise, qui, quoique trop pleine de minuties, et de négligences, renferme des faits assez curieux. Quant à ses poésies, elles ont du naturel, un tour heureux, et de l'agrément; mais elles manquent d'imagination.

PERRAULT (Charles) né à Paris en 1633 et mort dans la même ville en 1703. Per rault né dans le sein des lettres, les cultiva dès sa jeunesse. Des vers furent les premiè res productions de sa plume Aimé et considéré du grand Colbert, il employa son crédit auprès de lui, pour l'utilité des arts, et de ceux qui les cultivoient. Ce fut à lui que l'académie Françoise dut un logement

au Louvre, et l'académie de peinture, de sculpture et d'architecture, son institution. Après la mort de Colbert, il se dévoua entièrement aux lettres. Il chanta les merveilles du règne de Louis XIV. Son poëme intitulé, le siécle de Louis le grand étoit unë satire injuste des anciens. Racine, Despréaux et tous les partisans du goût s'élevé rent contre Perrault, qui pour soutenir ce qu'il avoit avancé init au jour son parallèle des anciens et des modernes. Il y mettoit au dessus d'Homère non-seulement Corneille, mais encore les Chapelain et les Scudéri. Perrault avoit eu même la maladresse ou le mauvais goût de n'y point parler de Racine et de Despréaux, ou de n'en dire que des choses propres à choquer leur amour-propre. La dispute s'échauffa, les esprits s'aigrirent, mais Perrault, en défendant une mauvaise cause, n'employa contre ses adversaires que la modération et la politesse. Despréaux et lui se lassèrent enfin d'être les jouets du public. Des amnis communs 'travaillèrent à la paix et elle fut conclue. rault s'occupa alors des éloges historiques des grands hommes qui avoient illustré le dix-septième siècle, ouvrage précieux par la beauté des portraits et par la modération que respirent les éloges. Le grand Arnauld et Pascal ne s'y trouvoient pas: Perrault étoit trop juste pour ne pas rendre hommage à ces génies, mais les jésuites avoient eu le crédit de les faire exclure par la cour. Le cri public fit réparer cette injustice. Il y a encore d'autres ouvrages de lui en vers et en prose; mais sa prose, ainsi que ses vers, manque d'imagination et de coloris: on y trouve de la facilité, mais en même temps trop de négligence.

Per

PESSELIER (Charles-Etienne) né à Paris en 1712 et mort dans la même ville en 1763. Cet auteur commença à travailler pour le théâtre, et donna quelques comédies estimées pour la légèreté du style et les agrémens de la versification. Il a aus i publié des fables dont quelques-unes renferment une excellente morale, mais l'esprit qui y domine, leur ôte ces grâces simples et ingé nues qui sont essentielles à ce genre. Il reste aussi de lui des ouvrages en prose, et entre autres des lettres sur l'éducation. Des vérités morales exprimées avec facilité, de la douceur, de l'exactitude, de l'harmonie, soit en prose, soit en vers; des sentimens rendus avec finesse; plus d'esprit que de talent, plus de réflexions que d'images, voilà ce qui caractérise cet écrivain, d'au tant plus estimable qu'il ne lui est jamais échappé rien qui pût blesser les mœurs ou la société,

PIRON (Alexis) né à Dijon en 1689 et mort à Paris en 1763. Piron passa à Dijon plus de 30 années dans la dissipation d'un jeune homme qui aimoit les plaisirs et la liberté. Une ode trop connue ayant fait une›

impression scandaleuse sur ses concitoyens, il quitta sa patrie pour s'échapper aux re proches qu'il y essuyoit. Il se rendit à Paris où il gagna sa vie en écrivant dans les bureaux d'un financier. Il travailla en même temps pour le spectacle de la foire: les petites pièces qu'il y fournit commencerent sa réputation que la métromanie, qu'il donna aux François, porta au plus haut point. Cette pièce semée de traits neufs, et pleine de génie, d'esprit et de gaieté, et Ja seule qui ne doive rien à Molière, introduisit Piron dans le grand monde, et lui procura tous les agrémens que peut se promettre un homme d'esprit, dont les saillies sont intarissables. Admirable dans la conversation où il n'eut point d'égal; plein du sel de Rabelais et de l'esprit de Swift, toujours neuf, toujours original, il n'est point d'homme qui ait fourni un si grand nombre de traits à recueillir. Mais sa malignité naturelle lui faisoit beaucoup d'ennemis; il sacrifioit tout à un bon mot. Ses éprigrammes l'avoient exclu de l'académie; il se vengea de cette exclusion par de nou relles plus mordantes que les premières. Il reste beaucoup d'ouvrages de Piron. Rigoley de Juvigny, en les rassemblant, auroit du faire un choix, et les réduire à la métromanie, à Gustave, aux courses de Tempé, à quelques odes, à une vingtaine d'épigrammes, à trois ou quatre contes et à tout autant d'épitres.

PITHOU (Pierre) né en 1539 à Troyes en Champagne et moit à Nogent-sur-Seine en 1596, à 57 ans. Apres avoir reçu une excellente éducation domestique, il puisa à Paris, sous Turnebe, le goût de l'antiquité; et à Bourges, sous le célèbre Cujas, toutes les connoissances nécessaires à un magistrat. Elevé dans le calvinisme, il échappa par hasard au massacre horrible de la saintBarthélemy. Devenu catholique, il occupoit la première place dans la chambre de justice de Gayenne, lorsque Grégoire XIII lança un bref froudoyant contre l'ordonnance de Henri III, rendue au sujet du concile de Trente. Pithou publia alors un mémoire, où, après avoir dévoilé les vues secrètes des auteurs du bref, il défendit, avec autant de force que de raison, la cause de la France et celle de son roi. Il continua sous ilenri IV à jouir jusqu'à sa mort de l'estime de son souverain et de celle de şes concitoyens. On a de lui un grand nombre d'ouvrages, dont un des meilleurs est son traité des libertés de l'église Gallicane....Sa vaste érudition lui mérita le nom de Varron François.

PLACE (Pierre-Antoine de la) né en 1709 et mort depuis quelques années. La Place savoit fort bien l'Angiois, et a publié beau coup de traductions de cette langue. Ha fait un recueil de pièces intéressantes et peu connues pour servir à l'histoire et à la litté rature. Cet ouvrage renferme quelques

anecdotes utiles parmi un grand nombre qui n'y ont été évidemment insérées que pour le grossir.

PLUCHE (Antoine) né à Reims en 1688 et mort à la Varenne St. Maur en 1761, à 73 ans. L'abbé Pluche professa d'abord les humanités et ensuite la rhétorique dans l'université de sa ville. Appelé à Laon, pour y être à la tête du collège de cette ville, il y rétablit l'ordre et les bonnes études. Les affaires du temps l'obligèrent à quitter cette place, et à la recommendation de Rollin, son ami, il obtint l'éducation du fils de l'intendant de Rouen. Après avoir rempli avec succès cette fonction importante, il se rendit à Paris, où il donna d'abord des leçons de géographie et d'histoire. Produit sur un grand théâtre par des auteurs distingués, son nom fut bientôt célèbre, et il soutint sa célébrité par ses ouvrages, dont les principaux sont le spectacle de la nature, qui eut un grand succès, et il le mérita par la clarté et par l'élégance avec laquelle il est écrit: mais cet ouvrage manque par la forme dialogique qui le rend traînant, et par le fonds des idées qui sont légères et superficielles; et l'histoire du ciel, divisée en deux traités, dont le premier est une mythologie complète fondée sur des idées neuves, mais simples et ingénieuses; et dont le second est l'histoire du ciel, ou du moins des philosophes: le fonds du système en est heureux, mais il n'est pas certain qu'il soit aussi vrai. Voltaire l'appeloit la fable du ciel.

POMPIGNAN (Jean-Jacques le Franc, marquis de) né a Montauban en 1709, et mort au château de Pompignan, montra de bonne heure des talens décidés pour la poésje: sa tragédie de Didon, composée à 25 ans, emporta tous les suffrages par de grandes beautés. Sa réputation augmenta jusqu'à l'époque de sa réception à l'académie Françoise: elle fut pour lui l'époque d'un dénigrement presque universel. On se trouvoit alors dans des circonstances malheureuses qui devoient toucher un homme aussi religieux que le marquis de Pompignan. Le philosophisme ne se cachoit plus dans l'ombre; chaque jour voyoit éclore des livres impies où l'état n'etoit pas plus respecté que la religion. Le matérialisme, et même l'athéisme étoient préconisés. Le gouvernement, au lieu de sévir contre ces novateurs, laissoit un libre cours à leurs fureurs. Le marquis de Pompignan crut devoir venger la religion si indignement outragée: il eut le courage de plaider sa cause dans son discours de réception. Ily prouva avec une grande éloquence que le sage vertueux et chrétien méritoit seul le nom de philosophe, et qu'en jugeant plus'eurs littérateurs modernes d'après cette définition, il ne falloit voir en eux qu'une fausse littérature et une vaine philosophie. Ce discours ne pouvoit que déplaire dans

tine compagnie qui comptoit plusieurs philosophes parmi ses membres. Aussi vit-on éclore aussitôt une foule d'écrits dans les quels cet estimable littérateur étoit impitoyablement déchiré. C'est la cause des sar casmes que Voltaire n'a cessé de lancer contre lui. Abandonné de la cour dont l'intérêt étoit de le soutenir, le marquis de Pom pignan se retira dans sa terre. C'est dans cette retraite qu'il composa la plupart de ses ouvrages. Ses odes sacrées et ses discours tirés des livres de Salomon sont des productions qui feront toujours honneur à ses talens pour la poésie. Il y règne une correction rare. Ses ouvrages en prose ne sont pas moins dignes de lui, et annoncent tous une érudition aussi étendue que bien digérée.

POULLE (Louis) né à Avignon en 17!! et mort dans la même ville en 1781. Né avec une heureuse imagination, l'abbé Poulle cultiva de bonne heure la poésie et Péloquence. Il remporta deux fois le prix dé poésie à l'académie des Jeux-Floraux: mais il abandonna cette carrière pour suívre celle de la chaire, qu'il parcourut avec succès. Une éloquence vive, noble et rapide, des images grandes et brillantes, quelquefois du sentiment, voilà les beautés de ses discours; quelques métaphores forcées, la recherche de l'esprit dans un petit nombre de morceaux, où il falloit de la simplicite ou du pathétique, en voilà les défauts.

PRINCE DE BEAUMONT (Mde. le) née à Rouen en 1711 et morte en 1780. Mde. le Prince de Beaumont se consacra à l'éduCation des jeunes' demoiselles: placée à Londres dans différentes maisons; elle y acquit Pestime et l'amitié de ses élèves aufant par les qualités de son cœur que par celles de son esprit. Elle composa pour elles différens ouvrages qui furent très-bien accueillis, parce qu'on ne connoissoit alors rien de meilleur. Mais ils sont tombés dans l'oubli depuis que l'expérience a appris que des niaiseries dialoguées ne peuvent former ni l'esprit ni le cœur. Au lieu d'étendre, elles resserrent la sphère des idées et du sentiment. Néanmoins en réduisant ces ouvrages de deux tiers, et en retouchant le style de la partie qu'on conserveroit, on pourroit les rendre très-utiles. Les lettres de Mde. du Montier font plus d'honneur à Mde. le Prince de Beaumont.

QUINAUT (Philippe) né en 1636 et mort à Paris en 1688. Elève de Tristan PHermite, Quinaut suivit, comme lui, la earrière du théâtre. A l'âge de vingt ans, il s'étoit déjà fait connoître par des comédies qui avoient eu assez de succès; et avant l'âge de trente ans il en avoit donnoit seize; mais de toutes ces pièces, il n'en est qu'une qu'on lise encore; c'est la mère coquette. Eten effet il y a des détails agréables T. Hl. p. 4.

et ingénieux, et de bonnes plaisanteries. Elle est d'ailleurs bien conduite, et les caractères et la versification sont d'une touche naturelle, quoiqu'un peu foible. Toutes les autres justifient le peu de cas que Boileau faisoit de Quinaut. Mais c'est d'après ses opéras qu'il faut juger ce poëte. Que d'invention, que de naturel, que de sentiment, que d'élévation même quelquefois, enfin que de beautés d'ensemble et de dé tail n'y découvre-t-on pas? Alceste, Thésée, Atys, Phaeton, Amadis, Isis, Roland et surtout Armide dureront autant que la langue Françoise.

RACAN (Honorat de Bueil, marquis de) né en Touraine à la Roche-Racan en 1589, et mort dans le même lieu en 1670, à 81 ans. A l'âge de 16 ans, le marquis de Racan eut occasion de voir souvent Malherbe et il se forma sous lui. Après avoir fait trois campagnes, il quitta le service. C'est alors qu'il consulta Malherbe sur le genre de vie qu'il devoit embrasser. Le poëte, pour toute réponse, se contenta de lui réciter la fable du Meunier, de son fils et de l'âne. Le marquis de Racan se décida pour le mariage. Il aimoit les lettres et les cultiva. On ne lit guères plus ses bergeries, on l'on trouve cependant des détails heureusement rendus. Ses autres poésies sont également oubliées: on ne connoit plus de lui que ses stances à Malherbe.

RACINE (Jean) né à la Ferté-Milon en 1639 et mort à Paris en 1699. Racine fit ses premières études à Port-Royal des champs: son goût pour la poésie s'y montra dès son enfance. Il ne pouvoit s'arracher à la lecture d'Euripide; il cherchoit dès lors à l'imiter. Sa mémoire étoit si heureuse qu'il sut par cœur à la troisième lecture les amours de Théagène et de Chariclée. Après avoir fait ses humanités à Port-Royal et sa philosophie au collège d'Harcourt, il débuta dans le monde par une ode sur le mariage du roi. Cette pièce lui valût une gratification de 100 louis et une pension de 600 livres. Ce succès le détermina à la poésie, et son amour pour Euripide, à celle du théâtre. Son coup d'essai fut la Thé baide, pièce foible à la vérité, mais qui annonçoit un grand talent. L'Alexandre 'qui suivit, et dans lequel il commença à se frayer une route nouvelle, fit concevoir de lui de plus grandes espérances qu'il réalisa dans Andromaque. On y admira l'art avec lequel cette tragédie est conduite, les effets de la terreur et de la pitié portés au plus haut point, et un style noble sans enflure et simple sans bassesse. Depuis cette époque, il ne produisit plus que des chefs-d'œuvre, si l'on excepte Bérénice, sujet qu'il ne traita que sur la demande de la célèbre Henriette d'Angleterre, mais dont néanmoins il tira tout le parti dont il étoit susceptible, et Esther, pièce qui n'étant point destinée

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pour le théâtre, mais seulement pour l'instruction des jeunes élèves de Saint-Cyr, pouvoit se passer d'un plan aussi régulier que celui de ses autres tragédies, pourvu qu'elle renfermat de grandes leçons. Depuis Andromaque, l'envie n'avoit pas cessé de s'acharner contre Racine, mais elle fut portée à un tel point après Phèdre, elle employa tant de manœuvres, que ce grand homme, dégoûté du théâtre, abandonna le champ à ses ennemis, et se retira. C'est alors qu'il se raccommoda avec M. M. de Port-Royal il se maria la même année et partagea désormais son temps entre la cour où il étoit gentilhomme du roi, et sa famille qu'il aimoit tendrement. Racine ne s'occupoit plus du théatre, lorsque Mde. de Maintenon lui demanda des pièces pour Saint-Cyr: il fit Esther, dont il est parlé plus haut, et Athalie, la plus belle piece qui existe sur aucun théâtre; pièce unique par la simplicité de l'intrigue, par la beauté de la poésie, par la noblesse des caractères, par la vérité des sentimens, par de grandes leçons données aux rois, aux ministres et aux courtisans, et par l'usage heureux des sublimes traits de l'écriture. Racine eut la douleur de voir tomber ce chef-d'œuvre, et ne vécut pas assez long-temps pour voir la justice tardive qu'on lui rendit. (Voyez l'article de Racine § 140, 141 et 142 du 2 livre de cette collection.) Outre ses tragédies, Racine a donné les Plaideurs, comédie pleine de traits véritablement comiques, d'un ridicule fin et saillant, et de plaisante ries d'un sel et d'un goût rares; des cantiques, pleins d'onction et de douceur; l'idylle sur la paix et des épigrammes. Comme prosateur, il est encore au premier rang. Ses deux lettres contre Port-Royal, ses discours à l'académie, son histoire même de Port-Royal quoique peu digne de ce grand homme pour les faits, montrent un écrivain supérieur.

RACINE (Louis) fils du précédent né à Paris en 1692 et mort dans la même ville en 1763, a 71 ans. Ayant perdu son père de bonne heure, il consulta Boileau qui lui conseilla de ne pas s'appliquer à la poésie; mais son penchant pour les muses l'entraîna. Il débuta par le poëme de la Gráce, ouvrage qui quoique médiocre, lui fit honneur. Les chagrins que son père avoit essuyés la cour, lui faisoit redouter ce séjour; le chancelier d'Aguessau l'engagea à paroître dans le monde; il s'y fit des protecteurs qui contribuèrent à sa fortune. Le cardinal de Fleury qui avoit connu son père lui procura une place dans les finances, et il coula dèslors des jours tranquilles et fortunés avec une épouse qui faisoit son bonheur. Il continua par gout à cultiver les belles-lettres, et plusieurs ouvrages furent les fruits de son loisir. Ceux qui lui feront toujours honneur sont ses odes tirées des livres saints, et son poëme sur la religion, où il n'y a point

de chant qui ne renferme des traits excellens, et de très-beaux vers. La justesse du dessein, l'heureuse disposition des parties, la noblesse des images, la vérité des couleurs le rendent aussi recommandable que le mérite de la difficulté vaincue, et le choix intéressant des plus belles pensées de Pascal et de Bossuet, mises en vers qui ne leur ótent rien de leur force ni de leur sublimité. Si cet ouvrage ne fut pas aussi bien accueilli qu'il le méritoit, c'est que le philosophisme commençoit à corrompre beaucoup d'esprits, et que l'épicurisme qui avoit régné depuis la régence en rendit un grand nombre d'autres indifférens sur les ouvrages qui avoient la religion pour objet.

RÉAUMUR (René-Antoine Ferchault, sieur de) né à la Rochelle en 1683 et mort à sa terre de la Bermondière dans le Maine en 1757. Réaumur s'appliqua de bonne heure aux mathématiques, à la physique et à l'histoire naturelle; et du moment qu'il fut membre de l'académie des sciences, il s'y livra tout entier. Toute sa vie ne fut qu'une suite continuelle de travaux, d'observations et de découvertes. La collection de l'académie est remplie de ses mémoires; et son histoire des insectes étonne celui qui la lit par l'étendue et la variété des connoissances qu'elle suppose.

REGNARD (Jean-François) né à Paris en 1647 et mort dans sa terre proche de Dourdan en 1710, à 54 ans. Sa passion pour les voyages se déclara presque dès son enfance. Après avoir parcouru l'Italie, été esclave à Alger, et visité la Fandre, la Hoilande, le Dannemarc, la Suède, la Pologne et une partie de l'Allemagne, il se fixa dans sa terre située à onze lieues de Paris; c'est là qu'il composa ses ouvrages. La meilleure de ses comédies fut le joueur, pièce qui annonça, non pas tout à fait un rival, mais du moins un digne successeur de Molière. Regnard eut cette gloire et la soutint. Après le Joueur, il faut placer le Légataire, qui est un chef-d'œuvre de la gaieté comique. Les Méncchmes sont après le Légataire, le fond le plus comique que le poëte ait traité: le sujet est de Plaute; mais le poëte Latin est bien au-dessous de son imitateur. Démocrite et le Distrait, ne sont pas de la force des trois comédies qu'on vient de nommer; mais elles ont de belles scènes, et un dialogue dans leur genre, d'un comique parfait. On ne doit pas oublier le retour imprévu, qui est ce que nous avons de mieux dans le genre des pièces fondées sur les mensonges des valets. Ses poésies diverses ont des passages heureux, mais en général la versification en est négligée. Quant à ses voyages on ne lit plus que celui de Laponie.

RETZ (Jean-François-Paul de Gondy, cardinal de) né à Montmirel en Brie, l'an 1614 et mort en 1679. Cet homme, dont la vie est si singulière, eut pour précepteur le célèbre Vincent de Paul. Forcé par son

père d'entrer dans l'état ecclésiastique, il fit ses études particulières avec succès et ses études publiques avec distinction, prit le bonnet de docteur de Sorbonne et fut nommé coadjuteur de l'archevêque de Paris. Il se gêna pendant quelque temps pour gagner le clergé et le peuple. Mais dès que le cardinal Mazarin eut été mis à la tête du ministère, il se montra tel qu'il étoit. Par l'ascendant de sa place, il précipita le parlement dans les cabales et le peuple dans les séditions; il marchoit toujours armé d'un poignard. Tour à tour ami et ennemi de la cour, il la servoit ou la combattoit selon les vues secrètes de son ambition. Forcé de quitter le royaume après s'être échappé du château de Nantes où il étoit prisonnier, il erra en Italie, en Hollande, en Angleterre, et rentra enfin en France où il fit sa paix avec la cour en se démettant de son archevêché. Dès ce moment cet homme audacieux et bouillant, devint doux, paisible, sans intrigue, et l'amour de tous les honnêtes gens de son temps; comme si toute son ambition d'autrefois n'avoit été qu'une débauche d'esprit, et des tours de jeunesse, dont on se corrige avec l'âge. Il a laissé des mémoires dont on verra le vrai caractère § 256 du second livre de cette collection.

RICHER (Henri) né en 1685, à Longueil dans le pays de Caux et mort à Paris en 1748. Ce poëte qui sacrifia à son goût pour la littérature les avantages qu'il pou voit se promettre du barreau, a laissé différens ouvrages qui ne sont pas sans mérite. celui qu'on a le mieux reçu est son recueil de fables. Quoique l'invention n'en soit pas heureuse, et que le style en soit froid et monotone, elles sont recommandables par la simplicité et la correction du langage, par la variété des peintures et par l'agrément des images. Ses vies de Virgile et de Mécène offrent des recherches et de l'érudition.

RIVAROL (—) né à Bagnols en Langue docl'an 174* et mort depuis peu à Berlin. On ne peut pas disconvenir que le chevalier de Rivarol n'ait été un homme de beaucoup d'esprit. Son discours sur l'universalité de la langue Françoise, offre des traits d'une grande beauté, un style noble et harmonieux, des parallèles d'une grande justesse; mais néanmoins un peu trop de recherche et de soins. Les mêmes beautés se trouvent dans la première partie de son discours préliminaire du dictionnaire qu'il projetoit; mais la manie de paroître neuf l'a fait trop souvent donner dans des abstractions métaphysiques si obscures que l'on peut douter qu'il se soit entendu lui-même. La recherche du style est en core plus marquée dans cet ouvrage que dans le précédent. En général le chevalier de Rivarol ne veut rien dire comme les autres, ce qui le fait tomber quelquefois

dans l'affectation et le précieux. Ses poésies offrent beaucoup d'idées, mais peu de naturel et de simplicité.

RIVIERE (Mathias Poncet de la) né à Paris en 1707, et mort à Saint-Marcel en 1780. Cet auteur montra de bonne heure beaucoup d'esprit et de talent; il se consacra à la chaire et réussit surtout dans l'oraison funêbre. Nommé à l'évêché de Troyes, il y mit le trouble par son zèle ardent contre les jansenistes; on fut forcé de l'exiler en Alsace, et il ne sortit de son exil qu'en se démettant de son évêché. Il mena depuis une vie tranquille. On a imprimé ses oraisons funèbres. Elles sont estimées, et le seroient davantage, si l'auteur avoit moins recherché les antithèses, les expres sions brillantes et les traits d'esprit.

Le

ROCHEFOUCAULD (Francois, duc de la) né en 1603 et mort à Paris en 1680. duc de la Rochefoucauld, né avec un esprit pénétrant, se fit de bonne heure une étude du cœur humain. Entraîné dans les troubles politiques de son temps par l'ascendant qu'avoit pris sur lui la fameuse duchesse de Longueville, il vit les hommes non dans leur état naturel, mais dans toute l'effervescence des passions, et n'en fut que plus à portée de les juger. Dès que les querelles de la Fronde furent finies, le duc de la Rochefoucauld ne songea plus qu'à jouir des doux plaisirs de l'amitié et de la littérature. Sa maison devint le rendez-vous de tout de ce que Paris et Versailles avoient d'ingénieux. Les Racine, les Boileau, les Sévigné et surtout Mde. de la Fayette, trouvoient dans sa conversation, des agrémens qu'ils cherchoient vainement ailleurs. Mide. de Maintenon disoit de lui, qu'elle n'avoit jamais connu d'ami plus solide, plus ouvert, ni de meilleur conseil. Ses réflexions et maximes lui donnèrent une grande célébrité. Elles portent toutes sur une seule vérité, c'est que l'amour-propre est le mobile de toutes nos actions. En partant de ce principe, le duc de la Rochefoucauld a très-souvent raison, mais aussi il lui arrive quelquefois de calomnier la nature humaine. Quelque jugement qu'on porte de cet ouvrage, on sera forcé de convenir qu'il est un des livrés originaux du siècle de Louis XIV, et le premier modèle de ce style précis qui fortifie la pensée en la resserrant.

ROLLIN (Charles) né à Paris en 1661 et mort dans le même ville en 1741, à 80 ans. Rollin fit ses humanités et sa philosophie au college du Plessis, et trois années de theologie en Sorbonne. Après avoir professé la seconde et la rhétorique dans ce collége et rempli avec éclat la chaire d'éloquence au collége-royal, il fut nommé recteur de l'université, place qu'on lui laissa pendant deux ans pour honorer son mérite. L'université prit une nouvelle face: Rollin y ra nima l'étude du Grec. Il s'étoit retiré

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