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ne négligea rien pour le succès de son entre prise; mais malgré son activité et ses soins, elle échoua. Quoique la Condamine s'oc-, cupât principalement des sciences, il n'étoit pas étranger aux belles-lettres. Il aimoit la poésie, et de temps en temps il échappoit à sa verve des vers de société d'une tournure piquante: c'étoient les délassemens d'un philosophe. La Condamine étoit très-aimable; il faisoit les délices des sociétés où il se trouvoit, par son caractère vif, actif et enjoué: sa conversation étoit piquante par les anecdotes curieuses et les observations singulières dont il la semoit. Il étoit de l'académie Françoise, et de celle des sciences de Paris; des académies royales de Londres, de Berlin, de Pétersbourg, &c.

CONDILLAC (Etienne Bonnot de) né au commencement du 18e. siècle à Grenoble et mort en 1780 dans sa terre de Flux près Beaujanci. Les principaux ouvrages de l'abbé de Condillac ont la métaphysique pour objet, et sous ce rapport étoient peu propres à cette collection. Ils annoncent dans leur auteur un grand sens, un jugement sûr, et beaucoup de netteté et de profondeur dans l'esprit; mais on y trouve en général trop de subtilité, trop de minuties, même dans ses analyses. Son cours d'études fait pour l'éducation de S. A. Royale, l'infant Dom Ferdinand, duc de Parme offre des vues profondes et des développemens heureux et pleins de sagacité dans la partie relative aux sciences, mais on y trouve dans la partie littéraire des jugemens faux et des opinions hasardées. Les objets de goût ne sont pas faits pour être trop analysés: ils veulent être sentis. La vérité poétique n'est point la vérité morale. Les critiques de Condillac sur Boileau et sur Fénélon ne prouvent autre chose sinon qu'il n'étoit né ni poëte ni orateur, et que la nature qui lui avoit donné un esprit propre aux sciences abstraites, lui avoit refusé cette sensibilité qui seule fait bien juger des arts qui tiennent à Pimagination. L'abbé de Condillac étoit de l'académie Françoise et de celle de Berlin.

CORNEILLE (Pierre) né à Rouen en 1606 et mort à Paris doyen de l'académie Françoise en 1684. Corneille, à qui son siècle donna le nom de grand, a été un des plus beaux génies que la France ait produits. Né dans un temps, où une fermentation générale dans les esprits annonçoit une révolution dans les idées, où les chefs-d'œuvre de l'antiquité commençoient à être plus connus et mieux appréciés, où Richelieu, qui vouloit donner à la France tous les genres de gloire, protégeoit les lettres qu'il cultivoit lui-même, ce grand homme, s'élevant au-dessus de ses contemporains, créa l'art du théâtre, et porta la

scène Françoise à un degré de perfection,
dont les anciens n'avoient point eu l'idée,
et qu'aucune nation moderne n'a jamais
égalée. Il eut la gloire de donner la pre-
miere bonne tragédie, et la première comé-
die de caractère. Honoré de la jalousie
de Richelieu, et d'une critique faite par
P'académie en corps, il sentit qu'il n'avoit
d'autre moyen de faire cesser l'une et l'autre
que de leur imposer silence par des succès
plus grands, et c'est ce qu'il fit dans les chefs-
d'œuvre qui suivirent le Cid.
Je ne dirai
plus rien sur ce grand homme: on trouvera
son éloge et le caractère de ses ouvrages,
dans les § 140, 141 et 142 du second
livre, et dans le § 60 du troisième livre de
cette collection.

COTIN (Charles) né à Paris et mort dans la même ville en 1682: Cotin n'est guères actuellement connu que par le ridicule dont Boileau et Molière l'ont couvert, Néanmoins il ne faut pas croire que ce fût un homme absolument sans mérite littéraire. Ses sermons étoient suivis, ce qui doit faire supposer qu'ils n'étoient pas aussi mauvais qu'on pourroit le croire d'après les satires de Boileau; et ses poésies, quoique en général foibles et prosaïques, ne ressembloient pas toutes au sonnet de la princesse Uranie, qui le fit immoler par Molière à la risée du public. Cotin et Ménage s'étoient dit chez Mademoiselle à peu près les mêmes injures que Molière met dans la bouche de Trissotin et de Vadius.

COULANGES (Philippe-Emmanuel de) né à Paris en 1631 et mort dans la même ville en 1716. On a de lui un recueil de chansons, remarquables par le ton naturel et aisé qui y règne. En les lisant, on voit qu'elles naissoient sous la plume de l'auteur et qu'elles n'étoient qu'un élan de gaieté ou qu'une inspiration du sentiment. Les lettres qu'on trouve de lui parmi celles de son illustre cousine, Mde, de Sévigné, ont le même mérite d'aisance et de gaieté. Coulanges a été un des hommes les plus aimables de son temps; on le recherchoit dans toutes les sociétés par l'agrément qu'il y répandoit.

CRÉBILLON (Prosper Jolyot de) né a Dijon en 1674 et mort a Paris en 1762, 88 ans. Ce n'est que depuis la mort de Crébillon qu'on lui a assigné le degré de gloire littéraire qui lui convient. Le désir, de rabaisser Voltaire l'avoit fait placer après Corneille et Racine: mais quelle distance de ces grands hommes à lui. Quelle comparaison pouvoit-on faire entre des tragiques du premier ordre dont les conceptions neuves et hardies `étoient des traits de génie, et un tragique du second ordre dont en général les plans défectueux offrent des incohérences choquantes. Mais quand même ses pièces seroient aussi fortement intriguées qu'on l'a supposé, l'engoue

ment de ses admirateurs n'en seroit pas plus fondé. Son style dur, hérissé et barbare écarteroit toute comparaison. Ce n'est pas que Crebillon n'eut du génie et du frai génie tragique; il l'a prouvé dans Radamiste et Zenoble qui est son chef-d'œuvre, quoique le premier acte soit mauvais et mal écrit; dans Atrée et Thyeste, dont une noitié est excellente, ct dans le cinquième acte d'Electre. Pre-que tout le reste est médiocre ou mauvais. Si l'on s'obstine donc encore, pour déprimer Voltaire, a mettre Crébillon au premier rang, "c'est, “dit la Harpe, par une sorte d'entêtement "puéril à soutenir ce que personne ne croit "plus; c'est l'imperceptible reste d'un vieil "esprit de parti qui a long-temps fait du "bruit et même du mal, et dont aujour"d'hui on ne s'aperçoit que pour en rire. Crébillon a été de l'académie Françoise.

DESBARREAUX (Jacques Vallée) né à Paris en 1602, et mort à Châlons-SurSaône, en 1673. Ses liaisons avec Theophile Viaud le jetèrent dans l'irréligion et le libertinage. On trouva des lettres Latines de lui où l'impiété se montroit à découvert. Sa jeunesse lui sauva un châtiment exemplaire. Les plaisirs étoient sa scule occupation: il n'aimoit, ne recherchoit que les délices d'une vie voluptueuse. Il porta le rafinement du plaisir jusqu'à changer de climat selon les saisons. En hiver, il alloit jouir du beau soleil de Provence, et l'été il retournoit à Paris. Ses vers, ses chansons et sa gaieté le faisoient rechercher partout où il alloit. Il changea enfin de principes et de conduite: une maladie qu'il essuya lui ouvrit les yeux. C'est à cette occasion qu'il fit le célèbre sonnet qu'on trouve dans cette collection. Voltaire a prétendu que ce sonnet n'est pas de Desbarreaux, mais c'est sans preuve. Desbarreaux demandoit trois choses à dieu: OUBLI pour le passé, PATIENCE pour le présent, et MISERICORDE pour l'avenir.

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DESHOULIERES, Voyez HoULIERES. DESMAHIS (Joseph-François-Edouard de Corsembleu), né à Sualy-sur-Loire en 1722, et mort en 1761, dans la 38e. année de son âge. Desmahis, en entrant dans la carrière des lettres, se proposa Voltaire pour modèle. Né avec beaucoup d'esprit, il y réussit aussi bien qu'on peut imiter le ton et la manière d'un homme supérieur à tout dans son genre. Il nous reste de lui des poésies dont la versification est douce, légère et harmonieuse, le coloris frais et les pensées fines et delicates. Son voyage de Saint-Germain est un de ses plus jolis morceaux. Sa prose a le caractère de ses poésies, et montre ce que Desmahis eút été, si une mort prématurée ne l'eut pas enlevé aux lettres dans le temps où son esprit dans sa force pouvoit imaginer avec hardiesse et exécuter avec facilité. DÉSORMEAUX

avocat,

Il s'est surtout attaché à l'histoire: ses his toires de la maison de Montmorancy, et de celle de Condé lui ont fait honneur.

DESPREAUX (Nicolas Boileau) né à Crône près de Paris en 1636 et mort à Paris en 1711, à l'âge de 75 ans. C'est à Despréaux qu'on doit surtout attribuer cette pureté de goût qui distingua le siècle de Louis le Grand. Quoique, lorsqu'il se montra sur la scène, les célebres lettres provinciales eussent fixé la langue et porté la prose à sa perfection, et que les chefsd'œuvre de Corneille, et quelques pièces de Malherbe et de Racan eussent donné l'idée de la belle poésie, on étoit encore loin du degré de gloire où les lettres devoient s'élever en France. Si l'on excepte les provinciales, il n'avoit pas encore paru de grand ouvrage où l'on ne trouvât quelques traces de mauvais goût ou de faux bel-esprit. Né avec un esprit pénétrant et juste, un goût délicat et sûr et un grand amour pour la vérité, Despréaux attaqua avec force une foule d'auteurs médiocres qui infectoient alors la littérature, et les couvrit d'un ridicule dont il ne se relevèrent jamais. On admira dans ses premiers ouvrages un gout toujours pur, un discernement prompt, une justesse et une vérité d'expression qui ne se démentent jamais, un naturel piquant, et l'art admirable avec lequel la phrase poétique est cadencée et variée. Je ne dirai rien en particulier de ses ouvrages: ils sont connus de tout le monde, et l'on peut voir le jugement qu'on en doit porter dans l'édition publiée chez M. M. Dulau et Co. avec des notes historiques et grammaticales faites pour en faciliter l'intelligence aux étrangers.

DESTOUCHES (Philippe Néricault) né à Tours en 1680 et mort en 1754. Destouches débuta encore assez jeune dans la carrière du théâtre. Attaché à M. de Puisieux, ambassadeur en Suisse, il y donna sa première comédie, le curieux impertinent. Cette pièce annonça les talens qu'il deplcieroit un jour. Le régent qui estimoit Destouches, et qui savoit que son goût pour le théâtre ne l'avoit pas empêché d'acquérir de grandes connoissances en diplomatic, l'envoya en Angleterre avec le fameux abbé du Bois, pour l'aider dans ses négociations. Il y passa sept ans et s'y con duisit avec tant de prudence et d'habileté, qu'à son retour le régent pensoit à l'élever au ministère des affaires étrangères. Malheureusement pour lui, le régent vint à mourir, et toutes ses espérances de fortune s'évanouirent. Il se rétira dans sa maison de campagne située près de Melun, où il se consola aisément dans la culture de la philosophie et des lettres, de la perte d'une place qui eût peut-être été pour lui une source de chagrin. Il y mena une vie tranquille jusqu'à sa mort. Louis XV ordonna qu'on fit au Louvre une superbe

edition de son théâtre. Le glorieux, qui passe pour son chef-d'œuvre, et le philosophe marié, pièce très-estimée, sont toujours revues avec le plus grand plaisir. On doit regarder Destouches comme le troisième de nos poëtes comiques. Ses pièces sont très-morales, mais on pourroit 'y relever le défaut que César trouvoit à celles de Térence: comme le comique Latin, il est trop souvent froid et monotone. Il étoit de l'académie Françoise.

DORAT (Claude-Joseph) né à Paris en 1734 et mort dans la même ville en 1780. Dorat a été un de ces hommes qui se sont exercés dans tous les genres et qui n'ont réussi dans aucun. Ses tragédies sont audessous de la critique, ses comédies ne valent guère mieux. Ses fables n'ont en général ni naturel ni vérité; son poëme sur la déclamation théâtrale, quoique foible, défectueux et sans liaison, est ce que l'anteur a fait de plus supportable dans le genre sérieux. Dans la poésie légère, il est quelquefois agréable, pourvu, néanmoins, qu'on n'examine pas avec trop de rigueur le fonds des idées. Son mois de mai a de la fraîcheur, et ses fantaisies ont quelquefois un ton piquant et de la facilité. Ses flatteurs T'ont comparé à Ovide: s'il y a ressemblé, ce n'est que par la licence.

DUCLOS (Charles Dinean) né à Dinant en Bretagne en 1705, et mort à Paris en 1772. Duclos reçut à Paris une excellente éducation dont il profita: son goût pour les lettres, bien loin de s'affoiblir avec l'âge, ne fit que s'accroître, et ne tarda pas à lui ouvrir les portes des plus célèbres académies de la capitale, des provinces et des pays étrangers. L'académie des inscriptions se l'associa; l'académie Françoise le compta bientôt au nombre de ses membres, le nomma son secrétaire perpétuel, et la cour lui accorda le titre d'historiographe de France. Introduit dans le grand monde, il en fit les délices par sa conversation aussi agréable qu'instructive et gaie. On a remarqué que les vérités neuves et intéressantes lui échappoient comme des saillies: mais naturellement franc, vif et impétueux, il offensa souvent par un ton trop dur, et par des vérités trop crues. L'âge et l'usage du monde lui apprirent l'art des ménage mens, mais ne le corrigèrent pas tout à fait; parce que, quoiqu'on fasse, le fonds du caractère reste toujours. Ses principaux ouvrages sont les confessions du comte de ***

**, la barone de Luz; les mémoires sur les murs du XVIII siècle, romans piquans et ingénieux, surtout le premier qui est bien supérieur aux deux autres. L'histoire de Louis XI, dont la narration est vive et rapide, mais un peu sèche. Les considérations sur les mœurs, ouvrage plein de maximes vraies, de pensées neuves, et de caractères bien saisis; mais dont le - style, a force d'étre précis, est quelquefois

obscur. Enfin ses réflexions sur la grammaire générale de Port-Royal, ouvrage qui a plus contribué à fixer les principes de la langue Françoise que toutes les grammaires qui avoient paru avant la sienne et celles qui ont paru depuis. Duclos eut plus de part que personne à Tedition de 1762 du dictionnaire de l'académie Françoise, dans lequel on trouve toute la justesse et la précision de son esprit.

DUGUET (Joseph-Jacques) né à Montbrison en 1649, et mort à Paris en 1733, dans sa 84e. année. Duguet donna de bonne heure des marques et de la fécondité de son esprit et de sa facilité à écrire. Il avoit à peine 12 ans, qu'ayant lu par hasard l'Astrée de d'Urfé, il composa une histoire dans le même goût. Il montra cet essai à sa mère vous seriez bien malheureux, lgi dit cette femme vraiment chrétienne, si vous faisiez un si mauvais usage des talens que vous avez reçus. I protita de cette leçon, et étant entré chez les PP. de l'Oratoire, il professa la philosophie à Troyes, et bientôt après la théologie à Saint-Magloire à Paris. Les deux années suivantes il fit des conférences écclesiastiques qui lui acquirent une grande réputation. Sa santé, qui étoit délicate, en fut sensiblement altérée on lui ordonna le repos: il obéit, mais il n'en travailla pas moins dans son cabinet. I quitta sa congrégation pour aller vivre à Bruxelles auprès du grand Arnauld, son ami: mais l'air de cette ville lui étant contraire il fut forcé de rentrer en France. Il y auroit vécu tranquille sans son opposition à la bulle Unigenitus, opposition qui lui suscita des affaires et qui le força de changer souvent de retraite. Néanmoins on doit dire à sa louange qu'il étoit un des chefs les plus modérés du jansénisme, et qu'il auroit offert des moyens de conciliation propres à tout finir, si ses ennemis, par trop de zèle, ne s'étoient pas refusés à toute sorte d'accommodement. donnerai pas la nombreuse liste de ses ouvrages: mais j'exhorterai à lire l'explication de l'ouvrage des six jours; les caractères de la charité; le traité des principes de la foi chrétienne; et celui de l'éducation d'un prince. Le style de Duguet est en général pur, noble et élégant; mais trop coupé et trop brillant. On y trouve une infinité de tours heureux, mais pas assez de variété. Trop d'abondance, trop de répétitions de la même pensée sous mille formes diverses le rendent quelquefois traînant.

Je ne

DUTENS (Louis) né à Tours en 1730, ci-devant ministre d'Angleterre à la cour de Turin. Il a donné une édition de Leibnitz en 6 volumes in 40. et d'autres ouvrages estimés. Ses vers ne sont que le fruit des délassemens d'un érudit aimable qui vit dans le monde, et qui cherche à y répandre le goût des lettres, par de petites pièces de vers, dont la facilité et le naturel font la grâce.

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ELISEE, Carme déchaussé, né en 1728 et mort en Franche-Comté en 1783. Le Père Elisée se fit de bonne heure une réputation par ses sermons: on y trouvoit de l'esprit; un style fleuri et ingénieux, quoique trop recherché; des portraits d'une vérité frappante, et des détails de mœurs bien saisis et bien peints; mais on y auroit en vain cherché de ces qualités qui font le grand orateur: sa composition dépourvue de chaleur, d'images et de sentiment, n'émouvoit point l'âme. Aussi ses succès ne furent-ils qu'éphémères; il fut apprécié avant sa mort: et la publication de ses sermous en quatre volumes a confirmé le juge ment qu'on avoit déjà porté.

FARE, Voyez LAFARE.

FAYETTE (Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, comtesse de la) née en 16** et morte à Paris en 1693. Mde. de la Fayette a eu la gloire de publier dans notre langue les premiers romans qui offrent des aventures raisonnables écrites avec intérêt et élégance Zaide et la Princesse de Clèves sont de vrais modèles. Rien de plus attachant et de plus original que la situation de Gonsalve et de Zaïde, s'aimant tous les deux dans un désert, ignorant la langue l'un de l'autre, et craignant tous les deux de s'être vus trop tard, dans le premier de ces Ouvrages. Jamais l'amour combattu par le devoir n'a été peint avec plus de délicatesse que dans le second. Cette dame illustre tenoit si peu à la gloire littéraire, qu'elle fit paroître ces deux ouvrages sous le nom de Segrais, quoique ce bel-esprit n'eût contribué qu'à la disposition d'une partie de l'édifice. Sa maison étoit le rendez-vous de tous les beaux-esprits, et des savans les · plus illustres. · Huet, Ménage, la Fontaine et Segrais étoient ceux qu'elle voyoit le plus souvent. Mde. de Sévigné étoit son amie intime. Elle fit connoître l'amitié et la vertu, au célèbre duc de la Rochefoucauld: M. de la Rochefoucauld m'a donné de l'esprit, disoit-elle, mais j'ai réformé · son cœur. C'est elle qui a comparé les sots traducteurs à des laquais, qui changent on sottises les complimens dont on les charge.

"perdre en passant à travers les âges, re"cueillent sur leur route de nouveaux hon"neurs, et arriveront à la dernière pos"térité, précédés des acclamations de tous "les peuples et chargés des tributs de "toutes les nations." Tel est celui de Fénélon, comme littérateur et comme évêque. Fénélon avoit donné dès l'enfance des preuves non équivoques des grands talens qu'il devoit déployer un jour. Ses progrès dans presque toutes les connoissances qui entrent dans l'éducation avoient été aussi solides que brillans. Dès l'âge de dix-neuf ans, il s'exerça dans le ministère de la parole évangélique et y réussit après Bourdaloue et Bossuet. Chargé, quoique encore très-jeune, de la maison des nou"velles catholiques, il ne leur porta que des paroles de grâce, de clémence et de paix. Il composa à leur occasion le traité de l'éducation des filles, et celui du ministère des pasteurs, ouvrages qui commencèrent à le faire connoître. Louis XIV entendit parler de ses succès, et le mit à la tête d'une mission dans la Saintonge et dans l'Aunis: il s'en acquitta avec gloire. Peu de temps après il fut nommé précepteur du duc de Bourgogne, prince qui étoit né avec un naturel hautain, une humeur violente et inégale, et une disposition secrète à mépriser les hommes, et dont il fit en peu de temps le plus doux, le plus sensible et le plus vertueux des princes. C'est pour son illustre élève qu'il composa ses fables, ses contes, ses dialogues des morts; les directions pour la conscience d'un roi, et surtout le Télémaque, “chef-d'œuvre de son génie, continue la Harpe que je n'ai "fait qu'abréger, l'un des ouvrages originaux du dernier siècle, un de ceux qui "ont le plus honoré et embelli notre langue, et celui qui plaça Fénélon parmi nos plus grands écrivains. C'est le livre de "tous les âges et de tous les esprits. Jamais

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on n'a fait un plus bel usage des richesses "de l'antiquité et des trésors de l'imagina"tion. Jamais la vertu n'emprunta pour

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parler aux hommes un langage plus en"chanteur, et n'eût plus de droits à notre FENELON (François de Salignac de la amour....quel genre de beautés ne se Motte) né au château de Fénélon en Berri "trouve pas dans le Télémaque? l'intérêt le 6 août 1651, et mort à Cambray en 1715, "de la fable, l'art de la distribution, le à l'âge de 63 ans. "Parmi les noms "choix des épisodes, la vérité des carac" célèbres qui ont des droits aux hommages "tères, les scènes dramatiques et intéres"des peuples, dit la Harpe, il en est que "santes, les descriptions riches et pittores"l'admiration a consacrés, qu'il 66 faut ques, et ces traits sublimes, qui toujours "honorer sous peine d'être injustes, et qui placés à propos, et jamais appelés de "se présentent devant la postérité, en- "loin, transportent l'âme et ne l'étonnent "vironnés d'une pompe imposante et des "attributs de la grandeur; il en est de plus "heureux, qui réveillent dans le cœur un "sentiment plus flatteur et plus cher, celui de l'amour; qu'on ne prononce point sans "attendrissement, qu'on n'oublieroit pas sans ingratitude; et qui, loin de rien

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pas." Mais la gloire littéraire est la partie la moins intéressante de son éloge. Pour bien connoître toute la beauté de son ârue, c'est à Cambray qu'il faut le voir, au milieu de ses travaux apostoliques. "Rien n'éga"loit, dit encore la Harpe, les charmes "de sa société. Son humeur étoit égale,

edition de son théâtre. Le glorieux, qui passe pour son chef-d'œuvre, et le philosophe marié, pièce très-estimée, sont toujours revues avec le plus grand plaisir. On loit regarder Destouches comme le troisième de nos poetes comiques. Ses pièces sont très-morales, mais on pourroit y relever le défaut que César trouvoit à celles de Térence: comme le comique Latin, il est trop souvent froid et monotone. Il étoit de l'académie Françoise.

DORAT (Claude-Joseph) né à Paris en 1734 et mort dans la même ville en 1780. Dorat a été un de ces hommes qui se sont exercés dans tous les genres et qui n'ont réussi dans aucun. Ses tragédies sont audessous de la critique, ses comédies ne valent guère mieux. Ses fables n'ont en général ni naturel ni vérité; son poëme sur la déclamation theatrale, quoique foible, défectueux et sans liaison, est ce que l'anteur a fait de plus supportable dans le genre sérieux. Dans la poésie légère, il est quelquefois agréable, pourvu, néanmoins, qu'on n'examine pas avec trop de rigueur le fonds des idées. Son mois de mai a de la fraîcheur, et ses fantaisies ont quelquefois un ton piquant et de la facilité. Ses flatteurs Pont comparé à Ovide: s'il y a ressemblé, ce n'est que par la licence.

DUCLOS (Charles Dineau) né à Dinant en Bretagne en 1705, et mort à Paris en 1772. Duclos reçut à Paris une excellente éducation dont il profita: son goût pour les lettres, bien loin de s'affoiblir avec l'âge, ne fit que s'accroître, et ne tarda pas à lui ouvrir les portes des plus célèbres académies de la capitale, des provinces et des pays étrangers. L'académie des inscriptions se l'associa; l'académie Françoise le compta bientôt au nombre de ses membres, le nomma son secrétaire perpétuel, et la cour lui accorda le titre d'historiographe de France. Introduit dans le grand monde, ib en fit les délices par sa conversation aussi agréable qu'instructive et gaie. On a remarqué que les vérités neuves et intéres santes lui échappoient comme des saillies: mais naturellement franc, vif et impétueux, il offensa souvent par un ton trop dur, et par des vérités trop crues. L'âge et l'usage du monde lui apprirent l'art des ménage mens, mais ne le corrigèrent pas tout à fait; parce que, quoiqu'on fasse, le fonds du caractère reste toujours. Ses principaux ouvrages sont les confessions du comte de ***, la barone de Luz; les mémoires sur les meurs du XVIII siècle, romans piquans et ingénieux, surtout le premier qui est bien supérieur aux deux autres. L'histoire de Louis XI, dont la narration est vive et rapide, mais un peu sèche. Les considérations sur les mœurs, ouvrage plein de maximes vraies, de pensées neuves, et de caractères bien saisis; mais dont le style, à force d'être précis, est quelquefois

obscur. Enfin ses réflexions sur la grammaire générale de Port-Royal, ouvrage qui a plus contribué à fixer les principes de la langue Françoise que toutes les grammaires qui avoient paru avant la sienne et celles qui ont paru depuis. Duclos eut plus de part que personne à l'édition de 1762 du dictionnaire de l'académie Françoise, dans lequel on trouve toute la justesse et la précision de son esprit.

DUGUET (Joseph-Jacques) né à Montbrison en 1649, et mort à Paris en 1733, dans sa 84e. année. Duguet donna de bonne heure des marques et de la fécondité de son esprit et de sa facilité à écrire. I avoit à peine 12 ans, qu'ayant lu par hasard l'Astrée de d'Urfé, il composa une histoire dans le même goût. Il montra cet essai à sa mère: vous seriez bien malheureux, lui dit cette femme vraiment chrétienne, si vous faisiez un si mauvais usage des talens que vous avez reçus. Il profita de cette leçon, et étant entré chez les PP. de l'Oratoire, il professa la philosophie à Troyes, et bientôt après la théologie à Saint-Magloire à Paris. Les deux années suivantes il fit des conférences écclesiastiques qui lui acquirent une grande réputation. Sa santé, qui étoit délicate, en fut sensiblement altérée on lui ordonna le repos: il obéit, mais il n'en travailla pas moins dans son cabinet. I quitta sa congrégation pour aller vivre à Bruxelles auprès du grand Arnauld, son ami: mais l'air de cette ville lui étant contraire il fut forcé de rentrer en France. Il y auroit vécu tranquille sans son opposition à la bulle Unigenitus, opposition qui lui suscita des affaires et qui le força de changer souvent de retraite. Néanmoins on doit dire à sa louange qu'il étoit un des chefs les plus modérés du jansénisme, et qu'il auroit offert des moyens de conciliation propres à tout finir, si ses ennemis, par trop de zèle, ne s'étoient pas refusés à toute sorte d'accommodement. Je ne donnerai pas la nombreuse liste de ses ouvrages: mais j'exhorterai à lire l'explication de l'ouvrage des six jours; les caractères de la charité; le traité des principes de la foi chrétienne; et celui de l'éducation d'un prince. Le style de Duguet est en général pur, noble et élégant; mais trop coupé et trop brillant. On y trouve une infinité de tours heureux, mais pas assez de variété. Trop d'abondance, trop de répétitions de la même pensée sous mille formes diverses le rendent quelquefois traînant.

DUTENS (Louis) né à Tours en 1730, ci-devant ministre d'Angleterre à la cour de Turin. Il a donné une édition de Leibnitz en 6 volumes in 40. et d'autres ouvrages estimés. Ses vers ne sont que le fruit des délassemens d'un érudit aimable qui vit dans le monde, et qui cherche à y répandre le goût des lettres, par de petites pièces de vers, dont la facilité et le naturel font la grâce.

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