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merce de lettres avec elle. Elle eut la gloire de remporter le premier prix d'éloquence que l'académie Françoise ait donné. Mais elle survécut à tous ses ouvrages. Cependant il y a quelquefois de la délicatesse et des agrémens dans ses vers; et des portraits bien rendus et pleins de finesse dans ses romans. Mais il y a peu de personnes qui veuillent prendre la peine d'essuyer l'ennui d'un gros volume pour y trouver une ou deux pages intéres

santes.

SEGAUD (Guillaume) né à Paris en 1674 et mort dans la même ville en 1748. Entré chez les jésuites, il professa avec distinction les humanités au collège de Louis le grand. Une chaire de rhétorique étant venue à vaquer, ses supérieurs balancèrent entre Porée et lui: le premier l'emporta, et le second fut destiné à la chaire. Il fit l'essai de ses talens à Rouen, d'où il passa à Paris et à la cour. On admira partout, et en effet on trouve dans ses sermons un grand fonds d'instruction, beaucoup d'élégance et d'énergie, et surtout cette onction qui pénètre l'àme et qui la dispose à profiter des vérités évangéliques. Ses vertus furent encore supérieures à ses talens.

SEGRAIS (Jean Regnault de) né à Caen en 1624 et mort dans la même ville en 1701. Ségrais n'avoit que 20 ans, lorsque le comte de Fiesque, éloigné de la cour, se retira à Caen. Ce courtisan, charmé de son esprit, l'emmena à Paris et le plaça chez Mlle. de Montpensier. Ségrais y demeura, mais n'ayant pas approuvé son mariage avec le fameux Lauzun, il fut obligé de quitter cette princesse. Il se retira chez Mide. de la Fayette. Il y prit part à la composition de Zaïde. Enfin lasse du grand monde, il se retira dans sa patrie, où il cultiva les lettres jusqu'à sa mort, et où il recueillit chez lui l'académie de sa ville. De toutes les poésies de Ségrais, on ne lit plus que ses églogues dans lesquelles le caractère et le ton de ce genre sont bien saisis. Il y a du naturel, de la douceur et du sentiment. Imitateur fidèle, mais foible, de Virgile, Ségrais fait entrer dans ses sujets les images champêtres, mais il ne sait pas les colorier comme son modèle. Il donne à ses bergers le langage qui leur convient; mais son langage manque souvent de cette élégance et de cette harmonie qu'il faut allier à la simplicité. Son poëme d'Atis a quelques passages très-heureux. En général la versification de Ségrais est inégale, lâche et traî

nante.

SEGUI (Joseph) né à Rhodez, et mort à Paris en 1761. Ségui se consacra de bonne heure à l'éloquence et à la poésie. Il remporta un prix de poésie à l'académie Françoise, et remplit avec distinction les chaires de la cour et de la capitale. Les discours qu'il a publiés sont écrits avec assez de noT. II, p. 4.

blesse et de pureté, et quelquefois avec chaleur et avec force; mais on y trouve peu de traits d'une vraie et grande éloquence. Il a été de l'académie Françoise.

SENECAI OU SENECE (Antoine Bauderon de) né à Macon en 1643 et mort dans la même ville en 1737. Senecé suivit quelque temps le barreau par complaisance pour son père. S'étant battu en duel, il passa en Savoye, où il fut bien reçu du duc. Une demoiselle, qui étoit amoureuse de lui, voulut l'épouser malgré sa famille. Il eut une affaire avec ses frères, et fut forcé d'abandonner cet asile. Il se retira à Madrid, d'où, peu de temps après, il revint en France. La littérature, l'histoire. et la poésie étoient l'objet de ses plaisirs, et l'occupèrent le reste de sa vie. Il nous reste de cet auteur des poésies dont la versification est quelquefois négligée, mais les grâces piquantes de sa manière dédommagent bien de ce défaut. Ses deux meilleures pièces sont la confiance perdue ou le serpent mangeur de Kamak, apologue oriental; et Camille ou la manière de filer le parfait amour, conte dans lequel il a su plaire sans blesser en rien les mœurs. Ce dernier conte est très-joli, et écrit avec beaucoup d'esprit et d'élégance. Mais c'est surtout dans le premier qu'il s'est montré supérieur. On y trouve des traits fort heureux, des vers pleins de sens, des détails poétiquement embellis, la raison jointe à la gaiété, et une versification ferme qui ne se traîne pas sur les traces d'autrui. On a été très-fâché de ne l'avoir pas reçu à temps pour en enrichir ce recueil.

SERVAN (-) ancien Avocat-Général au parlement de Grenoble. On connoit principalement de M. de Servan, un discours sur l'administration de la justice criminelle qui fit, lorsqu'il parut, la plus forte sensation par les sentimens d'humanité qu'il renferme, par la nouveauté et la profondeur des vues qu'il présente, et par la manière piquante dont il est écrit. Voltaire luimeme rendit hommage aux talens du jeune magistrat. Le discours prononcé dans la cause d'une femme protestante, écrit dans le même esprit, offre également le même genre de beautés et de sentimens. M. de Servan avoit préparé un grand ouvrage sur les différens rapports des mœurs avec l'éducation publique et nos lois politiques, civiles et religieuses, dont des événemens imprévus ont empêché la publication. Ce retardement est une perte pour le public, si l'on en juge par le discours sur les mœurs, que son auteur avoit destiné à lui servir de frontispice.

SEVIGNE (Marie de Rabutin, dame de Chantal et marquise de) née en 1626 et morte au château de Grignan en 1696. Elle perdit son père l'année suivante à la descente que les Anglois firent à l'île de

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Rhé. Les grâces de l'esprit et de la figure la firent rechercher de tout ce qu'il y avoit de plus aimable et de plus illustre. Elle donna la préférence au marquis de Sévigné, et ce mariage ne fut pas heureux. Son mari ayant été tué en duel, elle refusa les partis les plus avantageux pour se consacrer entièrement à l'éducation de ses enfans. La tendresse qu'elle a eue toute sa vie pour sa fille, a donné naissance à une correspondance suivie qu'elle entretint avec elle, et qui a produit ces lettres célèbres, une des productions les plus originales du siècle de Louis le grand. "En effet, comme on le "dit dans la préface du choix publié chez "M. M Dulau et Co. pensées fines et "profondes, expressions animées et pittoresques, tours hardis et inattendus, style délicat, brillant et varié, grâces légères "et naïves, naturel piquant, aisance continue, heureux abandon, art de narrer unique; en un mot tout ce qui peut attacher le cœur et charmer l'esprit s'y "trouve au degré le plus éminent. La "négligence meine y est une grâce."

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SULLY (Maximilien de Bethune, baron de Rosni, duc de) né à Rosni en 1559, et mort dans le chateau de Villebon, au pays Chartrain, en 1641. Sully n'avoit que 11 ans, lorsqu'il fut présenté par son père à la reine de Navarre, et à Henri son fils. Florent Chrétien, précepteur de ce prince, donna aussi des leçons à Sully, qui suivit Henri à Paris. Pendant le massacre de la Saint-Bar Lélemi, le principal du collège de Bourgogne le tint caché, et l'arracha ainsi aux assassins. Sully attaché au service du jeune roi de Navarre, ne cessa de lui rendre les plus grands services, et ne contribua pas peu, par son courage et par ses talens, aux victoires de son maître, et enfin à le faire monter sur le trône de France. Aussi habile négociateur qu'excellent guerrier, il montra dans toutes ses ambassades et surtout dans celle d'Angleterre, la profondeur du politique, l'éloquence de l'homme d'état, le sang froid du philosophe et l'activité de l'homme de génie. De si grands services ne demeurèrent pas sans récompense. I devint principal ministre, et il mit un si bel ordre dans les finances qu'en dix ans il acquitta toutes les dettes, et eut en dépôt à la Bastille des sommes considérables. I porta l'économie dans toutes les branches de l'administration. Henri, aussi économe que lur, l'en aima davantage. Le principe dont il ne s'écarta jamais, fut d'encourager l'agriculture de préférence aux arts de luxe, et c'est sur ces arts qu'il fit porter les impôts. Parmi les maux que causa à la France la mort de Henri IV, un des plus grands fut la disgrâce de ce fidèle ministre. Il fut obligé de se retirer de la cour. Louis XIII Py fit revenir quelques années après pour lui demander des conseils. Les petits

C'est

maîtres qui gouvernoient le roi voulurent donner des ridicules à ce grand homme, qui parut avec des habits et des manières qui n'étoient plus de mode. Sully s'en ap percevant, dit au roi: Sire, quand votre père me faisoit l'honneur de me consulter, nous ne parlions d'affaires, qu'après avoir fait passer dans l'antichambre les Baladins et les Bouffons de la cour. Sully resta toujours protestant, quoiqu'il eût conseillé a Henri IV de se faire catholique. depuis sa retraite de la cour qu'il composa ses mémoires qui sont le tableau des règnes de Charles IX, de Henri III et de Henri IV, tracé par un homme d'esprit pour l'instruction des politiques et des guerriers. Ils ont l'avantage de faire connoître et par conséquent de faire aimer notre Henri IV, plus qu'aucune des histoires qu'on ait faites de ce grand homme. Ils sont fidèles dans tous les faits essentiels; mais la tournure d'esprit de l'auteur, où il entre volontiers un peu de complaisance en sa faveur, et un peu de dureté pour les autres, avertit de ne pas voir toujours les hommes et les objets dans le même jour qu'il nous les présente.

SULZER (Jean George) né à Winterthur dans le canton de Zurich en 1720 et mort à Berlin en 1779. Après avoir fini dans sa patrie quelques éducations dont il s'étoit chargé, et y avoir publié, dans un ouvrage périodique, des considérations morales sur les ouvrages de la nature, il fut nommé professeur de mathématiques au collège de Joachim Ethal à Berlin, et bientôt après reçu à l'académie, il publia dans la collection de cette société des mémoires estimés. Son meilleur ouvrage est sa Théorie universelle des beaux-arts, qui annonce un penseur profond, un bon citoyen et un homme trèsversé dans la littérature ancienne et moderne. Les principes en sont lumineux, et les conséquences justes. On en trouve d'excellens extraits dans la seconde édition de l'encyclopédie.

TEMS (du) il est dit dans la première édition de cette collection que l'abbé du Tems a donné plusieurs ouvrages entre lesquels est le panégyrique de Saint-Louis. Le rédacteur de ces notices ne connoissant ni son panégyrique de Saint-Louis, ni ses autres ouvrages, ne peut en rien dire.

TERRASSON (Jean) né à Lyon en 1670 et mort à Paris en 1750. Son père le fit entrer dans la congrégation de l'Oratoire qu'il quitta presque aussitôt ; il y rentra de nouveau et en sortit pour toujours. Pour le punir de n'avoir pas embrassé un état qu'il n'aimoit pas, son père le réduisit à un revenu très-médiocre. Il s'en consola dans la culture des lettres. Une place à l'académie des sciences, et ensuite la chaire de philosophie Grecque et Latine lui donnèrent une aisance honnête. Il s'enrichit par le

système de Law, mais cette opulence ne fut que passagère. La fortune étoit venue à lui sans qu'il l'eût cherchée; elle le quitta sans qu'il songeât à la retenir. Ce fut toute sa vie un vrai philosophe. Ses principaux ouvrages sont sa dissertation critique sur l'Iliade d'Homère, que, pour déprimer les anciens, il a remplie de paradoxes et d'idées bizarres; sa traduction de Diodore de Sicile aus-i fidèle qu'élégante, mais faite pour prouver dans des notes combien les anciens étoient crédules; enfin Séthos, roman moral, où l'on trouve de beaux discours, une morale saine, des réflexions fines, et des portraits bien faits; mais dont peu de personnes ont le courage d'achever la lecture.

TERRASSON (Gaspar) frère du précédent, né à Lyon en 1680 et mort à Paris en 1752. Entré à 18 ans à l'Oratoire, il s'y appliqua d'abord à l'étude de l'écriture et des pères. Après avoir professé les humanités et la philosophie, il se consacra à la prédication, où il se fit un grand nom, non par des périodes vides de sens, mais par l'heureuse application des pères et des livres saints. I cherchoit à convertir, et non à être applaudi. Ses vertus qui étoient encore supérieures à ses talens ne le mirent pas à l'abri de la persécution des constitutionnaires outrés. Forcé de quitter l'oratoire, il passa le reste de ses jours à Paris dans la pratique des vertus chrétiennes. Ses sermons doivent être lus avec attention par tous ceux qui se destinent à la chaire, il ne faut pas confondre cet auteur avec André Terrasson, son frère ainé ainsi que celui de Jean, dont on a des sermons, dignes également de l'attention du puplic.

THOMAS (Antoine) né dans le diocèse de Clermont, et mort dans le château d'Oulins près de Lyon en 1785. Il fut d'abord professeur de troisième au collège de Beauvais. Il s'annonça dans le monde littéraire par des réflexions sur le poëme de la loi naturelle de Voltaire, critique sage et modérée, dans laquelle il défend la religion avec force, mais sans fanatisme. En combattant un écrivain célèbre, il rend hommage à ses talens, plaint ses erreurs et ménage sa personne. Cet ouvrage fut suivi des éloges du maréchal de Saxe, de d'Aguesseau, de Du Guai-Trouin, de Sully et de Descartes qui obtinrent les suffrages de l'académie et du public, et qui lui firent une réputation, à laquelle l'éloge de Marc-Aurèle, plein de raison et d'éloquence, mit le comble. On trouve dans ces éloges une éloquence abondante et vive, des réflexions pleines de chaleur et de philosophie, et des traits mâles et énergiques; mais en même temps une monotonie qui fatigue, des pensées gigantesques, trop de comparaisons entassées les unes sur les autres, un trop grand usage de mots abstraits, en un mot peu de ce naturel

qui attache et qui entraîne dans nos grands orateurs. Le style de son essai sur le caractère, les mœurs et l'esprit des femmes vaut mieux, ainsi que celui de son essai sur les éloges, ouvrage distingué par des images brillantes, des pensées fortes, des idées justes, des jugemens sains, des connoissances variées et des recherches intéressantes sur les orateurs anciens et modernes. Cet essai est le meilleur ouvrage de Thomas. Thomas étoit aussi poëte. On trouvera dans cette collection son ode sur le temps. Son épitre au peuple et son poëme de Jumonville sont des productions d'une imagination noble et élevée, la versification en est belle; mais en général elle est trop tra vaillée et trop monotone. Thomas n'a pas connu les grâces du naturel et de la simplicité.

TOUR (Bertrand de la) né à Toulouse et mort à Montauban en 1781 dans un áge avancé. Ceux qui ont connu l'abbé de la Tour se sont tous réunis à dire que c'étoit un homine de bien, qui donnoit l'exemple des vertus qu'il prêchoit. Son zèle lui fit entreprendre des missions dans les pays lointains; et sa charité se répandit en abondantes aumônes. Voilà son éloge, mais à ces vertus il joignit la rage d'écrire, et malheureusement dépourvu de style et de goût, il confondit tous les genres. Ses cantiques, qu'on faisoit chanter dans les retraites, n'étoient qu'une mauvaise prose rimée; ses panegyriques, qu'un amas incohérent de figures et d'images, et ses sermons, que des lieux communs de morale sans liaison et sans suite. Quant à ses réflexions sur le théâtre si elles sont une preuve de son zèle, elles le sont peu de ses talens.

TOUR-DUPIN (Jacques-François-René de la) né en Dauphiné en 1741 et mort en 1765. Il s'adonna à la chaire, et s'y fit un nom. Il prêcha avec applaudissement à la cour et dans la capitale. Son panégyrique de Saint-Louis prêché devant l'académie Françoise avoit mérité le suffrage de cette compagnie. Le style des discours de l'abbé de la Tour-Dupin a de l'élégance et du brillant: mais en général la recherche s'y fait trop sentir. L'antithèse y revient sans cesse On y trouve encore, et ce reproche est fondé, peu de justesse dans l'application de l'écriture.

TOURNEUR (Pierre le) né à Valognes en 1736 et mort à Paris en 1788. Sa vie a été un cours de vertus privées et de philosophie pratique. Sa traduction des nuits d'Young eut un succès extraordinaire. Il s'en fit en peu de temps plusieurs éditions. Le traducteur, qui connoissoit le goût de sa nation, mit én note tout ce qui auroit pu le choquer, et par ces retranchemens et par d'autres changemens qu'il se permit, il tit aimer cet ouvrage aux femines mêmes. Dans la capitale et dans les provinces, tout

le monde lut Young. Depuis ce succès, il continua à donner des traductions de l'Anglois. Ses méditations d'Hervey n'eurent pas le même succès. Quant à la traduction de Shakespeare, elle fut peu goûtée. Voltaire l'attaqua avec violence: mais s'il eut raison dans le fond, il eut tort dans la manière. Ce n'étoit pas par des injures grossières qu'il pouvoit montrer les fautes du traducteur, mais en faisant voir qu'il n'avoit pas entendu l'original en plusieurs endroits, ce qui est vrai

firent connoître de la Motte et de Fontenelle. Sans ambition, il préféra la culture des lettres à l'avancement que le cardinal de Tencin lui faisoit espérer. Il a publié des essais de littérature et de morale, qui méritent d'être connus par l'esprit d'analyse, la sagacité, la finesse et la précision qui y règnent; il y a néanmoins de temps en temps des choses trop communes, et peutêtre même qui ne sont pas justes. Ses autres ouvrages qui sont des panégyriques, et des mémoires sur la Motte et sur Fontenelle, sont peu estimés. Ayant inséré dans des réflexions sur l'éloquence, des jugemens sur quelques ouvrages de Voltaire, il s'attira la laine de ce poëte qui ne cessa depuis de l'accabler de sarcasmes.

VADE (Jean-Joseph) né en 1720 à Ham en Picardie, et mort à Paris en 1757. Vadé eut une jeunesse si fougueuse et si dissipée, qu'il ne fut jamais possible de lui faire faire ses études: mais la lecture de nos bons livres suppléa à ce défaut de connoissances. Il a été le créateur du genre Poissard, qui a pour objet de peindre le peuple. On l'a' appelé le Teniers de la poésie. On a recueilli toutes ses pièces où l'on trouve du naturel et de la simplicité, et qui attachent par la gaieté qui en fait le fonds: mais peu de personnes peuvent les lire, à cause du jargon du peuple qu'il n'est pas aisé d'entendre. Vadé mourut trèsjeune; son goût pour le plaisir hâta la fin de ses jours. Il fut universellement regretté de tous ceux qui l'avoient connu.

TRESSAN (Louis-Elizabeth de la Vergne, comte de) né au palais épiscopal du Mans en 1705 et mort à Paris en 1783. Le comte de Tressan fut placé à la cour auprès de Louis XV, et profita de l'éducation qu'on donna au jeune monarque, auquel il eut le bonheur de plaire. Colonel à l'âge de 17 ans, il suivit la carrière militaire, et parvint au grade de Lieutenant-Général. Un mémoire sur l'électricité lui ouvrit l'entrée de l'académie des sciences. Grand-Maréchaldes logis auprès du roi Stanislas, il fit le principal ornement de la cour de ce prince par sa gaieté, ses saillies et sa manière de tout dire sans faire rougir. Son caractère étoit affable, poli, prévenant, il étoit jaloux de plaire même à un enfant. Il eut le malheur dans sa jeunesse de se faire des ennemis par des couplets qui lui attirèrent une disgrâce passagère, mais il réprima, dans un âge avancé, ce penchant à la satire. lengagea le roi Stanislas à fonder l'académie de Nancy. Les discours qu'il y prononça sont écrits avec élégance, comme tous ses autres ouvrages, dont les principaux sont des réflexions sommaires sur l'esprit, composées pour l'éducation de ses enfans, ouvrage plein de goût et d instruction digne d'un père sage et d'un homme éclairé, qui prouve combien le comte de Tressan respectoit les principes sacrès de la religion et les devoirs de l'honneur; des Romans de chevalerie, extraits des anciens, mais em- VAUVENARGUES (N— Marquis de) bellis de tout ce que l'élégance et le goût né en Provence, et mort en 1747 ou 1748. peut donner d'agrément à ces sortes de Il servit de bonne heure, et par conséquent compositions; une traduction de l'Arioste ne fit que des études légères; mais avec le dont l'abbé de Lilie a dit: vous avez traduit secours des bons livres, et un esprit portė un poëme, et M. Miraband a traduit un à la réflexion, il acquit de grandes connoisroman; mais qui néanmoins n'est pas tou-sances, un jugement sain, un tact sûr et la jours fidèle; des poésies qui réunissent ordinairement la finesse d'un bel-esprit à la grâce d'un homme du monde. Il peint luimême son style en disant dans la préface de son Amadis; les graees pourront sourire en me lisant, mais j'espère ne les jamais forcer à rougir. Il a été de l'académie Françoise.

TRUBLET (Nicolas-Charles-Joseph) né à Saint-Malo en 1697 et mort dans la même ville en 1770. L'abbé Trublet débuta à l'âge de 20 ans dans la carrière des lettres par des réflexions sur Télémaque, qui le

VALLIERE (Louis-César de la Baume le Blanc, duc de la) né en 1708 et mort en 1780. Le duc de la Vallière aima et cultiva les lettres dès sa jeunesse: il fit de longues recherches sur notre théâtre, et le fit connoître depuis son origine jusqu'à nous. On connoît aussi de lui de jolies petites pièces de vers où il y a du naturel et de la simplicité.

vraie éloquence. Son introduction à la connoissance de l'esprit humain, suivie de réflexions et de maximes est distinguée par l'énergie, la solidité et la profondeur des pensées. On y trouve cependant des idées qui tiennent du paradoxe, et d'autres dont on peut abuser contre la religion. Mais Vauvenargues ayant au lit de la mort retracté tout ce qui pourroit être contraire aux vrais principes, si par hasard il lui étoit échappé quelque chose contre son intention, il est juste de ne pas lui supposer des desseins qu'il n'a jamais eus. Ses jugemens sur

les auteurs du siècle de Louis le grand sont faits de main de maître. Il est le premier qui ait assigné à Racine sa véritable place. Si la mort n'eût pas enlevé Vauvenargues dans le moment où son esprit dans sa force étoit capable de porter la lumière dans les objets relatifs à la métaphysique et à la morale, la France eût eu un autre la Bruyère.

VELLY (Paul-François) né près de Fismes en Champagne et mort à Paris en 1759. Après avoir passé 11 ans chez les jésuites, il les quitta, et se livra tout entier aux recherches historiques. Ce qu'il a publié de l'histoire de France vaut mieux que ce qu'on avoit jusqu'à lui, mais est bien loin de la perfection qu'on en attendoit d'après le plan qu'il s'étoit proposé. Ennemi des priviléges du Clergé, il les a passés sous silence avec une affectation marquée; il s'est trompé sur d'autres points essentiels en adoptant sans examen les opinions des autres. Son style, sans avoir rien de remarquable, est aisé, simple, naturel et assez correct. Au reste, c'étoit un homme réglé dans sa conduite, sincère et solide dans l'amitié, ferme dans les vrais principes de la religion et de la morale, et aimable dans le commerce de la vie.

VENTADOUR (N- duchesse de) amie de Mde. de Maintenon qui lui reconnut beaucoup de mérite, elle fut nommée gouvernante de Louis XV, et remplit cette fonction avec zèle. Louis XV conserva toujours pour elle non-seulement de l'amitié, mais même de la reconnoissance.

VERTOT D'EUBEUF (René-Aubert de) né au château de Bennerot en Normandie, l'an 1655, et mort à Paris en 1735. Il entra chez les Capucins, malgré l'opposition de sa famille, mais les austérités de ce corps ayant dérangé sa santé, il passa chez les chanoines réguliers de Prémontré. Las de vivre dans des solitudes, il vint à Paris et y prit l'habit ecclésiastique. Ses talens, que le cloître n'avoit pas étouffés, l'y firent bientôt connoître, et lui procurèrent de puissans protecteurs. Le grand maître de Malte le nomma historiographe de l'ordre, l'associa à ses priviléges, lui permit de porter la croix, et lui donna même une commanderie. Vertot jouit dès-lors tranquillement de sa fortune dans le sein des lettres et de l'amitié. C'étoit un homme d'un caractère aimable, qui avoit cette douceur de mœurs, qu'on puise dans le commerce des compagnies choisies et des esprits ornés. Son imagination étoit brillante dans sa conversation comme dans ses écrits. Ami fidèle, sincère, officieux, empressé à plaire, il avoit autant de chaleur dans le cœur que dans l'esprit. Quant à ses ouvrages, et à leur caractère, voyez son article § 252 du second livre de cette collection.

VILLARET (Claude) né à Paris en 1715 et mort dans la même ville en 1766. Villaret fit de bonnes études, mais les passions qui agitèrent sa jeunesse l'empêchèrent d'abord d'en profiter. Il commençoit à suivre son goût pour les lettres, lorsque des affaires domestiques l'obligèrent de quitter Paris et de prendre le parti du théâtre. Il débuta à Rouen sous un nom emprunté, et il fut applaudi. Il sentit bientôt du dégoût pour un état qu'il n'aimoit pas et qu'il avoit embrassé par nécessité. Il renonça an théâtre, et se retira à Paris, où il avoit arrangé les affaires qui l'avoient obligé de s'en éloigner. Nommé premier commis de la Chambre des Comptes, il y eut occasion de connoître les vraies sources de l'histoire de France. Velly étant mort, Villaret fut choisi pour continuer son ouvrage. Cette continuation offre des recherches intéressantes et des anecdotes curieuses; mais il y a des longueurs, trop d'écarts, et une foule de détails qui ne doivent pas entrer dans une histoire générale. Son style est élégant et plein de feu; mais il manque de temps en temps de cette précision, et de cette simplicité qui convenoit au genre. Il se montre trop souvent plus poëte qu'historien.

VISCLEDE (Antoine-Louis Chalamond de la) né à Tarascon en Provence en 1692, et mort à Marseille en 1760. La Visclède se fit connoître dans le monde littéraire par le grand nombre de prix qu'il remporta dans les différentes académies du royaume. Mais toutes ces couronnes ne lui auroient pas assuré un nom, si par son zèle pour les lettres, il ne s'étoit pas acquis des droits aux hommages de la postérité. Il n'y a dans ses ouvrages soit en prose soit en vers rien qui les mette au-dessus d'une foule d'autres dont on ne parle plus. D'ailleurs il manquoit de goût; la finesse de l'esprit étoit à ses yeux le vrai talent; les graces du naturel lui échappoient. Fontenelle et surtout la Motte étoient ses auteurs favoris, et cela devoit être; il avoit à-peu-près, quoique dans un degré bien inférieur, la tournure de leur esprit. Mais ce qui doit le rendre cher à tous ceux qui aiment les lettres, c'est que pendant qu'il remplissoit avec distinction la place de secrétaire perpétuel de l'académie de Marseille, il ne cessa pas d'encourager le talent, de servir de guide aux jeunes gens qui le consultoient, et de répandre dans son pays l'amour des beaux

arts.

VOITURE (Vincent) né à Amiens en 1592 et mort à Paris en 1648. Voiture qui a eu une si grande réputation de son temps n'est plus lu aujourd'hui, et il faut convenir qu'il mérite peu de l'être. Ses lettres, à un trèspetit nombre près, sont remplies d'affectation, de jeux de mots puérils, et de plai

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