M. SCRUPULE. Certes, je suis ravi, monsieur, qu'en moins d'une heure, Je savois bien, qu'ayant fait votre testament, Le corps se porte mieux, lorsque l'esprit se trouve Dans un parfait repos. GERONTE. Tous les jours je l'éprouve. Voici donc le papier que selon vos desseins GERONDE. Quel papier, s'il vous plaît! pourquoi! pour quelle affaire M. SCRUPULE. C'est votre testament que vous venez de faire. J'ai fait mon testament! GERONTE. M. SCRUPULE. Oui, sans doute, monsieur. Crispin, le cœur me bat. CRISPIN, bas. Je frissonne de peur. Et parbleu, vous rêvez, monsieur, c'est pour le faire, M. SCRUPULE. Je ne rêve, monsieur, en aucune façon; Monsieur étoit présent, aussi-bien que madame. ERASTE, bas. Que dire ? LISETTE, bas. Juste ciel! CRISPIN, bas. Eraste étoit présent! Me voilà confondu. GERONTE. M. SCRUPULE. Oui, monsieur, je le jure. Est-il vrai, mon neveu, parle, je t'en conjure. ERASTE. Ah! ne me parlez point, monsieur, de testament, Crispin, parle à ma place; Je sens dans mon gosier que ma voix s'embarrasse. On ne peut pas vous dire, M. SCRUPULE. Rien n'est plus véritable, et vous pouvez m'en croire. GERONTE. Il faut donc que mon mal m'ait ôté la mémoire? CRISPIN. Oui, c'est-elle en effet. N'en doutez nullement, et, pour prouver le fait, Ne vous souvient-il pas, monsieur, bien nettement Oui. CRISPIN. Que pour vous venger de leur emportement, Vous n'avez promis place en votre testament, Ou quelque bonne rente au moins pendant ma vie? GERONTE. Je ne m'en souviens point. CRISPIN. C'est votre lethargie. Je crois qu'ils ont raison, et mon mal est réel. LISETTE. Ne vous souvient-il pas que monsieur Clistorel..... ERASTE. Pourquoi tant répéter cet interrogatoire? Monsieur convient de tout, du tort de sa mémoire, Du notaire mandé, du testament écrit. GERONTE. Il faut bien qu'il soit vrai puisque chacun le dit. Ah! voilà bien le diable. M. SCRUPULE. Il faut donc vous le lire! Que tout est ici-bas fragile et transitoire.... Ah! quel cœur de rocher, et quelle âme assez noire En les voyant pleurer mon âme est attendrie, M. SCRUPULE, continuant de lire. Intestat... CRISPIN. LISETTE. Intestat... ce mot me perce l'âme. Faites trêve un moment à vos soupirs, madame. CRISPIN. LISETTE. Intestat... Intestat.... M. SCRUPULE. Mais laissez-moi donc lire? Si vous pleurez toujours, je ne pourrai rien dire. De tout ce préambule, et de cette légende, S'il m'en souvient d'un mot, je veux bien qu'on me pende. C'est votre léthargie. Ce que c'est que LISETTE. CRISPIN. Ah! je vous en réponds. de nous! moi, cela me confond. Je veux premièrement qu'on acquitte mes dettes. Je ne dois rien. GERONTE. M. SCRUPULE. Voici l'aveu que vous en faites: GERONTE. Je dois quatre cents francs? c'est une fourberie. Excusez-moi, monsieur, c'est votre lethargie; GERONTE. C'est un maraud qu'il faut envoyer en galère. CRISPIN. Quand ils y seroient tous, on ne les plaindroit guère. Je fais mon légtaire unique, universel, Eraste mon neveu. ERASTE. Se peut-il, juste ciel? M. SCRUPULE, lisant. Déshéritant, en tant que besoin pourroit être, GERONTE. Comment moi des bâtards? CRISPIN. C'est style de notaire. Oui, je voulois nommer Eraste légataire. A cet article-là je vois présentement Item, je donne et lègue en espèce sonnante, Monsieur...en vérité...pour peu.., Non...jamais...car...ma bouche...quand j'y pense... (à Lisette.) Parle donc. LISETTE, embrassant Géronte, GERONTE. Qu'est-ce à dire cela? Je ne suis point l'auteur de ces sottises-là. Deux mille écus comptant! LISETTE. Quoi déjà, je vous prie, Vous repentiriez-vous d'avoir fait œuvre pie? Une fille nubile, exposée au malheur, Qui veut faire une fin en tout bien, tout honneur! Lui refuseriez-vous cette petite grace? GERONTE. Comment six mille francs? quinze ou vingt écus, passe. Les maris aujourd'hui, LISETTE. monsieur, sont si courus? Et que peut-on, hélas, avoir pour vingt écus? On a ce que l'on peut, Il en est à tout prix. GERONTE. A Crispin! M. SCRUPULE, lisant. Pour tous les obligeans, bons et loyaux services, Où donc ce beau discours doit-il enfin venir?... M. SCRUPULE, lisant. CRISPIN, se prosternant aux pieds de Géronte. Non ferai-je, parbleu. Que veut dire ceci? Quel éclaircissement voulez-vous qu'on vous donne?? GERONTE. Quoi! moi, j'aurois légué sans aucune raison Qu'Eraste auroit chassé, s'il m'avoit voulu croire! Ne vous repentez pas d'une œuvre méritoire; Ne m'a-t-on pas volé mes billets dans mes poches? (Haut.) ERASTE, à part. Quel funeste embarras ! Vous les cherchez en vain, vous ne les avez pas. GERONTE. Où sont-ils donc ? Réponds. ERASTE. Tantôt, pour Isabelle, Je les ai par votre ordre exprès portés chez elle. GERONTE. Par mon ordre? ERASTE. Oui, monsieur. GERONTE. Je ne m'en souviens point C'est votre lethargie. CRISPIN. GERONTE. Oh! je veux sur ce point Qu'on me fasse raison. Quelles friponneries! Je suis las à la fin de tant de léthargies. Cours chez elle, dis-lui que quand j'ai fait ce don, J'avois perdu l'esprit, le sens et la raison. § 50. Scène de la Métromanie. Regnard. DAMIS, métromane, prend la défense des poëtes; BALIVEAU. Je ne puis revenir de mon étonnement. Après un tel prodige, on en croira mille autres. Quoi, mon oncle, c'est vous! et vous êtes des nôtres ! C'est moi-même qui parle, et qui parle à Damis. Que veut dire ce nom, Monsieur de l'Empirée ? Sied-il, dans ton état, d'aller ainsi vêtu? Dans quelle compagnie, en quelle école es-tu? DAMIS Dans la vôtre, mon oncle; un peu de patience. |