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De dire l'un de l'autre ainsi les vérités.

Pour rompre un entretien qui me fait de la peine,
Adieu, je sais, messieurs, quel sujet vous amène;
Votre voyage ici n'aura pas été vain;

Vous aurez tous deux part au Mercure prochain.
SANGSUE.

Procureur de la cour, j'entends qu'on me discerne
D'un méchant procureur du châtelet moderne.

ORONTE.

Je ferai mon devoir, je vous le promets.

SANGSUE.

Bón.

Ne me confondez pas avec un tel fripon.
Tout Paris sait, monsieur, de quel air je m'acquitte.

ORONTE.

Je prétends vous traiter selon votre mérite,
Laissez-moi faire.

§ 47. Scène du glorieux.

Boursault.

LE COMTE DE TUFFIÈRE, LISIMON, riche bourgeois, M. Josse, notaire, LISETTE sœur du Comte, ISABELLE, fille de Lisimon.

M. JOSSE vis-à-vis d'une table oprès avoir mis ses lunettes,

lit.

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"Les conseillers du roi,

"Notaires sous signés, furent présens...

LISIMON, à Valère qui parle d'action à Lisette.

Eh quoi!

Vous ne vous tairez point? Est-il temps que l'on cause? Valère, ici, laissez cette fille; et pour cause.

M. Josse, au Comte.

Votre nom, s'il vous plaît, vous titres, votre rang;
Je ne les savois point, ils sont restés en blanc.
LE COMTE.

Je vais vous les dicter, n'oubliez rien, de grâce.
Vous avez pour cela laissé bien peu de place.
M. JOSSE.

La marge y suppléera, voyez quelle largeur!
LE COMTE dicte.

Ecrivez donc

"Très-haut et très-puissant seigneur....
M. Josse, se levant.

Monsieur, considérez qu'on ne se qualifie...

LE COMTE.

Point de raisonnemens, je vous le signifie.
M. Josse, écrivant.

Et très-puissant seigneur....

LE COMTE, dictant.

Monseigneur Carloman,

Alexandre, César, Henri, Jules, Armand,

Philogènes, Louis....

M. JossE.

Oh! quelle Kirielle !

Ma foi, sur tant de noms ma mémoire chancelle,

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Proprement, c'est mon père.

Mais comme après sa mort j'aurai ce marquisat,
J'en prends d'avance ici le titre en mon contrat.
LISIMON, lui frappant sur l'épaule.
C'est bien fait, non garçon; la chose t'est permise.
(à Isabelle.)

Je te fais compliment, madame la marquise.

Est-ce tout?

M. Josse, au Comite.

LE COMTE, se levant.

Comment tout? "Seigneur...
M. JOSSE.

et cætera...

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Mettez "Et autres lieux" en très-gros caractères.

ISABELLE, à Lisette.

En lettres d'or.'

LISETTE, à Isabelle.
Paix donc.

ISABELLE, à Lisette.

Je ne saurois me taire.

Je ne puis me prêter à tant de vanité.

LISETTE à Isabelle.

C'est le foible commun des gens de qualité.

Leurs titres bien souvent sont tout leur patrimoine.
M. Josse, à Lisimon. (il lit.)

A vous présentement, monsieur; "Messire Antoine

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Mais pas plus que les autres.

Je crois que mon patron valoit bien tous les vôtres.
LE COMTE d'un air dédaigneux.

Passons, monsieur, passons, vos titres, c'est le point

Dont il sagit ici.

LISIMON.

Qui, moi je n'en ai point.

LE COMTE.

Comment donc? vous n'avez aucune seigneurie?

LISIMON.

Ah! je me souviens d'une; écrivez, je vous prie.

(Il dicte,)

Antoine Lisimon, écuyer.

LE COMTE.

LISIMON.

Rien de plus?

Et seigneur suzerain....d'un million d'écus.

LE COMTE..

Vous vous moquez, je crois? l'argent est-il un titre?
LISIMON.

Plus brillant que les tiens; et j'ai dans mon pupitre
"Des billets au porteur, dont je fais plus de cas,
Que de vieux parchemins, nourriture des rats.
M. JossE.

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Pour moi, je tiens que la noblesse...
M. JOSSE.

Oh! nous autres bourgeois nous tenons pour l'espèce.

(à Lisimon.)

çà, stipulons la dot.

LISIMON.

Le gendre que je prends

M'engage à la porter à neuf cents mille francs.
M. Josse, au Comte.

Voilà pour la future un titre magnifique,
Et qui soutiendra bien votre noblesse antique.
LE COMTE, bas à M. Josse.
Monsieur le garde-note, oui, l'argent nous soutient,
Mais nous purifions la source dont il vient.

M. JossE.

Et quel douaire aura l'épouse contractante?
LE COMTE.

Quel douaire, monsieur? vingt mille francs de rente.
LISETTE, à part.

Mon frère est magnifique. En tout cas, je sais bien
Que s'il donne beaucoup, il ne s'engage à rien.
M. JossE, au Comte.

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Mon père, dites-vous? il ne faut point l'attendre,
Jamais en ce pays il ne pourra se rendre.

La goutte le retient au lit depuis six mois.

LISETTE, à part.

Mon frère, en vérité, ment fort bien quelquefois.

LE COMTE.

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§ 48. Scène du joueur.

Destouches.

VALERE, joueur qui a perdu son argent, HECTOR.

VALÈRE.

Non, l'enfer en courroux, et toutes ses furies,

N'ont jamais exercé de telles barbaries,

Je te loue, ô destin, de tes coups redoublés,

Je n'ai plus rien à perdre, et tes vœux sont comblés;
Pour assouvir encor la fureur qui t'anime,

Tu ne peux rien sur moi, cherche une autre victime.

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De serpens mon cœur est devoré,

Tout semble en un moment contre moi conjuré.
(Il prend Hector à la cravatte.)

Parle, as-tu jamais vu le sort et son caprice
Accabler un mortel avec plus d'injustice,
Le mieux assassiner! perdre tous les paris,
Vingt fois le coupe-gorge, et toujours premier pris!
Réponds-moi donc, bourreau?

HECTOR.

Mais ce n'est pas ma faute,
VALÈRE,

As-tu vu de tes jours trahison aussi haute?
Sort cruel, ta malice a bien su triompher,
Et tu ne me flattois que pour mieux m'étouffer.
Dans l'état où je suis, je peux tout entreprendre,
Confus, désespéré, je suis prêt à me pendre.
HECTOR.

Heureusement pour vous, vous n'avez pas un sou,
Dont vous puissiez, monsieur, acheter un licou.
Voudriez-vous souper?

VALÈRE.

Que la foudre t'écrase.

Ah charmante Angélique! en l'ardeur qui m'embrase A vos seules bontés je veux avoir recours;

Je n'aimerai que vous; m'aimerez-vous toujours ?
Mon cœur dans les transports de sa fureur extrême
N'est point si malheureux, puisque enfin il vous aime.
HECTOR, à part.

Notre bourse est à fond, et par un sort nouveau
Notre amour recommence à revenir sur l'eau.
VALÈRE.

Calmons le désespoir où la fureur me livre,

Approche ce fauteuil. Va me chercher un livre.

HECTOR.

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Hé, vous n'y pensez pas;

Je n'ai lu de mes jours que dans les almanachs.

Ouvre et lis au hasard.

VALERE.

HECTOR.

Je vais le mettre en pièces.
VALÈRE.

Lis donc.

HECTOR lit.

Chapitre vi. du mépris des richesses.
La fortune offre aux yeux des brillans mensongers:
Tous les biens d'ici-bas sont faux et passagers,
Leur possession trouble et leur perte est légère,
Le sage gagne assez, quand il peut s'en défaire.
Lorsque Séneque fit ce chapitre éloquent,
Il avoit, comme vous, perdu tout son argent.
VALERE, se levant.

Vingt fois le premier pris! dans mon cœur il s'élève

(Il s'assied.)

Des mouvemens de rage. Allons, poursuis, achève.

HECTOR.

L'or est comme une femme, on n'y sauroit toucher,

T. III. p. 3.

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Que le cœur par amour ne s'y laisse attacher:
L'un et l'autre en ce temps sitôt qu'on les manie,
Sont deux grands rémoras pour la philosophie.
N'ayant plus de maîtresse, et n'ayant pas un sou,
Nous philosopherons maintenant tout le soul.
VALÈRE.

De mon sort désormais vous serez seule arbitre,
Adorable Angélique. Achère ton chapitre.

Que faut-il?...

HECTOR.

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Que faut-il à la nature humaine?

Moins on a de richesse, et moins on a de peine:
C'est posséder les biens que s'avoir s'en passer.
Que ce mot est bien dit, et que c'est bien penser !
Çe Sénèque, monsieur, est un excellent homme.
Étoit-il de Paris?

VALÈRE.

Non, il étoit de Rome.

Dix fois à carte triple être pris le premier!

HECTOR.

Ah! monsieur, nous mourrons un jour sur un fumier.

VALÈRE.

Il faut que de mes maux enfin je me délivre:

J'ai cent moyens tout prêts pour m'empêcher de vivre,
La rivière, le feu, le poison et le fer.

HECTOR.

Si vous vouliez, monsieur, chanter un petit air,
Votre maître à chanter est ici: la musique
Peut-être calmeroit cette humeur frénétique.

Que je chante !.

VALÈRE.

HECTOR.

Monsieur.

VALERE.

Que je chante, bourreau!

Je veux me poignarder, la vie est un fardeau,
Qui pour moi désormais devient insupportable.

HECTOR.

Vous la trouviez pourtant tantôt bien agréable.
Qu'un joueur est heureux! sa poche est un trésor;
Sous ses heureuses mains le cuivre devient or,
Disiez-vous.

VALÉRE.

Ah! je sens redoubler ma colère.
HECTOR.

Monsieur, contraignez-vous, j'aperçois votre père.

§ 49. Scène du Légataire.

Regnard.

GERONTE, ERASTE, M. SCRUPULE, CRISEIN,
LISETTE.

CRISPIN, valet d'ERASTE, neveu de GERONTE, s'est enveloppé dans la robe de chambre de ce dernier, et a dicté un faux testament sous le nom de ce vieillard. GERONTE qui paroit, apprend ce qui s'est fait sous son nom. veut lui persuader qu'il a dicté lui-même ce testament, et qu'une lethargie lui en a faire perdre la mémoire.

GERONTE.

Ici depuis long-temps vous êtes attendu.

On

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