Nulle science n'est pour elles trop profonde, L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire, pauvre servante, au moins m'étoit restée, Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse, Quelle bassesse, ô ciel! et d'âme et de langage! Est-il de petits corps un plus lourd assemblage, Molière. § 44. Autre Scène des Femmes Savantes. TRISSOTIN,VADIUS, beaux esprits, PHILAMINTE, BELISE, ARMANDE, femmes savantes, HENRIETTE. TRISSOTIN présentant Vadius. La main qui le présente en dit assez le prix. Il a des vieux auteurs la pleine intelligence, Du Grec! ô ciel! du Grec! il sait du Grec, ma sœur! Du Grec! quelle douceur ! Quoi! monsieur sait du Grec! ah! permettez de grâce, Que pour l'amour du Grec, monsieur, on vous embrasse. (Vadius embrasse aussi Beliso et Armande). HENRIETTE a Vadius qui veut aussi l'embrasser. Excusez-moi monsieur, je n'entends pas le Grec. (Ils sasseyent.) PHILAMINTE. J'ai pour les livres Grecs un merveilleux respect. VADIUS. Je crains d'être fâcheux par l'ardeur qui m'engage PHILAMINTE. Monsieur, avec du Grec ou ne peut gâter rien. Au reste il fait merveille en vers ainsi qu'en prose, Le défaut des auteurs dans leurs productions, D'être aux palais, aux cours, aux ruelles, aux tables, Pour moi, je ne vois rien de plus sot à mon sens Vos vers ont des beantés que n'ont point tous les autres. Les Grâces et Vénus règnent dans tous les vôtres. TRISSOTIN. Vous avez le tour libre, et le beau choix des mots. On voit partout chez vous, l'ithos et le pathos. Nous avons vu de vous des églogues d'un style Vos odes ont un air noble, galant et doux, TRISSOTIN. Est-il rien d'amoureux comme vos chansonnettes ? VADIUS. Peut-on voir rien d'égal aux sonnets que vous faites? Rien qui soit plus charmant que vos petits rondeaux ? Rien de si plein d'esprit que tous vos madrigaux ? Aux ballades surtout vous êtes admirable. VADIUS. Et dans les bouts rimés je vous trouve adorable. TRISSOTIN. On verroit le public vous dresser des statues. TRISSOTIN. Avez-vous vu certain petit sonnet Sur la fièvre qui tient la princesse Uranie? VADIUS. Non; mais je sais fort bien Qu'à ne le point flatter, son sonnet ne vaut rien. Beaucoup de gens pourtant le trouvent admirable. Cela n'empêche pas qu'il ne soit misérable; Je sais que là-dessus je n'en suis point du tout, Me préserve le ciel d'en faire de semblables? Je soutiens qu'on ne peut en faire de meilleur : Vous ? Moi. VADIUS. TRISSOTIN. VADIUS. Je ne sais donc comment se fit l'affaire. C'est qu'on fut malheureux de ne pouvoir vous plaire. VADIUS. Il faut qu'en écoutant j'aie eu l'esprit distrait, Ou bien que le lecteur m'ait gâté le sonnet. La ballade à mon gout, est une chose fade; Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps. VADIUS. Cependant nous voyons qu'elle ne vous plaît pas. VADIUS. Fort impertinemment vous me jetez les vôtres. Allez, petit grimaud, barbouilleur de papier. Hé! messieurs, que prétendez vous faire? Va, va restituer tous tes honteux larcins Que réclament sur toi les Grecs et les Latins. VADIUS. Va, va-t-en faire amende honorable au Parnasse TRISSOTIN. Souviens-toi de ton livre et de son peu de bruit: Et toi de ton libraire, à l'hôpital réduit. TRISSOTIN. Ma gloire est établie, en vain tu la déchires. Oui, oui, je te renvoie à l'auteur des satires. Je t'y renvoie aussi. TRISSOTIN. VADIUS. J'ai le contentement C'est par là que j'y tiens un rang plus honorable, VADIUS. Ma plume t'apprendra quel homme je puis être. Et la mienne saura te faire voir ton maître. TRISSOTIN. Hé bien! nous nous verrons seul à seul chez Barbin. Molière. § 45. Scène des Plaideurs. CHICANEAU, plaideur, LA COMTESSE DE PIMBESCHE, vieille plaideuse, PETIT JEAN, portier du juge. CHICANEAU, allant et revenant. La Brie, Qu'on garde la maison, je reviendrai bientôt. Qu'il m'attende, je crains que mon juge ne sorte. Qui va là? Mais revenez demain. De grâce, Grand bien vous fasse, CHICANEAU. Hé, rendez donc l'argent. Le monde est devenu, sans mentir, bien méchant. De Pimbesche, elle vient pour affaire qui presse . . LA COMTESSE. Hé bien, lai-je pas dit! Sans mentir, mes valets me font perdre l'esprit : Pour les faire lever, c'est en vain que je gronde; Il faut que tous les jours j'éveille tout le monde. CHICANEAU. Il faut absolument qu'il se fasse celer. LA COMTESSE. Pour moi depuis deux jours je ne lui puis parler. Ma partie est puissante, et j'ai lieu de tout craindre. Après ce qu'on m'a fait, il ne faut plus se plaindre. Si pourtant j'ai bon droit. LA COMTESSE. Ah, monsieur, quel arrêt! Je m'en rapporte à vous, écoutez, s'il vous plaît. LA COMTESSE. Il faut que vous sachiez, monsieur, la perfidie . . . CHICANEAU. Ce n'est rien dans le fond. LA COMTESSE. Monsieur, que je vous die . . . Voici le fait, depuis quinze ou vingt ans en ça. |