Qu'ont vus les immortels.
Elles saignent encor nos honteuses blessures; La fraude et les parjures,
L'inceste et l'homicide entourent les autels,
N'importe, c'est à toi, fortune, à nous absoudre. Porte aux antres brûlans où se forge la foudre, Nos glaives émoussés.
Dans le sang odieux des guerriers d'Assyrie, Il faut que Rome expie
Les flots de sang Romain qu'elle même a versés. Horace. Traduction de la Harpe.
1. Sur les grandeurs péris sables des rois.
Ont-ils rendu l'esprit ? ce n'est plus que poussière Que cette majesté si pompeuse et si fière, Dont l'éclat orgueilleux étonnoit l'univers, Et de ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines Font encore les vaines,
Là se perdent ces noms de maîtres de la terre, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre: Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs; Et tombent avec eux d'une chute commune,
Tous ceux que la fortune
Faisoit leurs serviteurs.
2. De l'ode à Louis XIII. partant pour l'expédition de la Rochelle.
Certes, ou je me trompe, ou déjà la victoire
Qui son plus grand honneur de tes palmes attend, Est aux bords de Charente, en son habit de gloire, Pour te rendre content.
Je la vois qui t'appelle et qui semble te dire: Roi le plus grand des rois, et qui m'es le plus cher, Si tu veux que je t'aide à sauver ton empire, Il est temps de marcher.
Que son air est altier, et sa mine assurée! Qu'elle a fait richement son armure étoffer! Et que l'on connoît bien à la voir si parée Que tu vas triompher!
Telle en ce grand assaut, où des fils de la terre La rage ambitieuse à leur honte parut; Elle sauva le ciel et lança le tonnerre
Déjà de toutes parts s'avançoient les approches. Ici couroit Minas: là Typhon se battoit,
Et là suoit Eurite à détacher les roches
Qu'Encelade jetoit.
Ces strophes à quelques mots près, sont très-belles: et le reste de l'ode y répond. On trouvera les mêmes beautés et les mêmes défauts dans ces trois strophes de la fin.
Je suis vaincu du temps: je cède à ses outrages. Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur, A de quoi témoigner dans ces derniers ouvrages Sa première vigueur.
Les puissantes faveurs dont Apollon m'honore, Non loin de mon berceau commencèrent leur cours. T. III. p. 3.
Je les possédai jeune et les possède encore A la fin de mes jours.
Ce que j'en ai reçu je veux te le produire. Tu verras mon adresse, et ton front cette fois Sera ceint de rayons qu'on ne vit jamais luire Sur la tête des rois.
3. De l'ode à Dupérier sur la mort de sa fille.
La douleur, Dupérier, sera donc éternelle, Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle L'augmenteront toujours.
Le malheur de ta fille au tombeau descendue Par un commun trépas, Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se retrouve pas ?
Elle étoit de ce monde où les plus belles choses Ont le pire destin,
Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L'espace d'un matin.
La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles; On a beau la prier:
La cruelle qu'elle est, se bouche les oreilles Et nous laisse crier.
Le pauvre, en sa cabane où le chaume le couvre, Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre N'en défend pas nos rois.
De murmurer contre elle, et perdre patience, Il est mal à propos : Vouloir ce que Dieu veut est la seule science Qui nous met en repos.
3. Ode au comte du Luc, alors Ambassadeur de France, en Suisse, et Plénipotentiaire à la Paix de Bade.
Tel que le vieux pasteur des troupeaux de Neptune, Protée, à qui le ciel, père de la fortune,
Ne cache aucuns secrets,
Sous diverse figure, arbre, flamme, fontaine, S'efforce d'échapper à la vue incertaine Des mortels indiscrets:
Ou tel que d'Apollon le ministre terrible, Impatient du dieu dont le souffle invincible Agite tous ses sens,
Le regard furieux, la tête échevelée, Du temple fait mugir la demeure ébranlée Par ses cris impuissans:
Tel, aux premiers accès d'une sainte manie, Mon esprit alarmé redoute du génie
Il s'étonne, il combat l'ardeur qui le possède, Et voudroit secouer du démon qui l'obsède Le joug impérieux.
Mais sitôt que, cédant à la fureur divine, Il reconnoît enfin du dieu qui le domine Les souveraines lois;
Alors, tout pénétré de sa vertu suprême,
Ce n'est plus un mortel, c'est Apollon lui-même Qui parle par ma voix.
Je n'ai point l'heureux don de ces esprits faciles Pour qui les doctes sœurs, carressantes, dociles, Ouvrent tous leurs trésors;
Et qui, dans la douceur d'un tranquille délire, N'épouvèrent jamais, en maniant la lyre, Ni fureurs ni transports.
Des veilles, des travaux, un foible cœur s'étonne: Apprenons toutefois que le fils de Latone,
Dont nous suivons la cour,
Ne nous vend qu'à ce prix ces traits de vive flamme, Et ces ailes de feu qui ravissent une âme
C'est par là qu'autrefois d'un prophète fidèle L'esprit, s'affranchissant de sa chaîne mortelle Par un puissant effort,
S'élançoit dans les airs, comme un aigle intrépide, Et jusque chez les dieux alloit d'un vol rapide Interroger le sort.
C'est par là qu'un mortel, forçant les rives sombres, Au superbe tyran qui règne sur les ombres
Heureux si, trop épris d'une beauté rendue, Par un excès d'amour il ne l'eût point perdue Une seconde fois !
Telle étoit de Phébus la vertu souveraine, Tandis qu'il fréquentoit les bords de l'Hippocrène Et les sacrés valons:
Mais ce n'est plus le temps, depuis que l'avarice, Le mensonge flatteur, l'orgueil et le caprice, Sont nos seuls Apollons.
Ah! si ce dieu sublime, échauffant mon génie, Ressuscitoit pour moi de l'antique harmonie Les magiques accords;
Si je pouvois du ciel franchir les vastes routes, Ou percer par mes chants les infernales voûtes De l'empire des morts;
Je n'irois point, des dieux profanant la retraite, Dérober aux destins, téméraire interprète, Leurs augustes secrets;
Je n'irois point chercher une amante ravie, Et, la lyre à la main, redemander sa vie Au gendre de Cérès.
Enflammé d'une ardeur plus noble et moins stérile, J'irois, j'irois pour vous, ô mon illustre asile, O mon fidèle espoir, Implorer aux enfers ces trois fières déesses Que jamais jusqu'ici nos vœux ni nos promesses N'ont su l'art d'émouvoir.
Puissantes déités qui peuplez cette rive, Préparez, leur dirois-je, une oreille attentive Au bruit de mes concerts: Puissent-ils amollir vos superbes courages En faveur d'un héros digne des premiers âges Du naissant univers!
Non, jamais sous les yeux de l'auguste Cybèle La terre ne fit naître un plus parfait modèle Entre les dieux mortels;
Et jamais la vertu n'a, dans un siècle avare, D'un plus riche parfum ni d'un encens plus rare Vu fumer ses autels.
C'est lui, c'est le pouvoir de cet heureux génie, Qui soutient l'équité contre la tyrannie D'un astre injurieux;
L'aimable vérité, fugitive, importune, N'a trouvé qu'en lui seul sa gloire, sa fortune, Sa patrie, et ses dieux.
Corrigez donc pour lui vos rigoureux usages. Prenez tous les fuseaux qui, pour les plus longs âges, Tournent entre vos mains.
C'est à vous que du Styx les dieux inexorables Ont confié les jours, hélas! trop peu durables, Des fragiles humains.
Si ces dieux, dont un jour tout doit être la proie, Se montrent trop jaloux de la fatale soie Que vous leur redevez,
Ne délibérez plus; tranchez ines destinées, Et renouez leur fil à celui des années Que vous lui réservez.
Ainsi daigne le ciel, toujours pur et tranquille, Verser sur tous les jours que votre main nous file Un regard amoureux !
Et puissent les mortels, amis de l'innocence, Mériter tous les soins que votre vigilance Daigne prendre pour eux!
C'est ainsi qu'au-delà de la fatale barque Mes chants adouciroient de l'orgueilleuse Parque L'impitoyable loi:
Lachésis apprendroit à devenir sensible; Et le double ciseau de sa sœur inflexible Tomberoit devant moi.
Une santé dès-lors florissante, éternelle, Vous feroit recueillir d'une automne nouvelle Les nombreuses moissons; Le ciel ne seroit plus fatigué de nos larmes; Et je verrois enfin de mes froides alarmes Fondre tous les glaçons.
Mais une dure loi, des dieux mêmes suivie, Ordonne que le cours de la plus belle vie Soit mêlé de travaux :
Un partage inégal ne leur fut jamais libre; Et leur main tient toujours dans un juste équilibre Tous nos biens et nos maux.
Ils ont sur vous, ces dieux, épuisé leur largesse: C'est d'eux que vous tenez la raison, la sagesse, Les sublimes talens;
Vous tenez d'eux enfin cette magnificence Qui seule sait donner à la haute naissance De solides brillans.
C'en étoit trop, hélas! et leur tendresse avare, Vous refusant un bien dont la douceur répare
Tous les maux amassés,
Prit sur votre santé, par un décret funeste, Le salaire des dons qu'à votre âme céleste Elle avoit dispensés.
Le ciel nous vend toujours les biens qu'il nous prodigue: Vainement un mortel se plaint, et.le fatigue De ses cris superflus
L'âme d'un vrai héros, tranquille, courageuse, Sait comme il faut souffrir d'une vie orageuse Le flux et le reflux.
Il sait, et c'est par là qu'un grand cœur se console, Que son nom ne craint rien ni des fureurs d'Eole Ni des flots inconstans;
Et que, s'il est mortel, son immortelle gloire Bravera dans le sein des filles de mémoire Et la mort et le temps.
Tandis qu'entre des mains à sa gloire attentives La France confiera de ses saintes archives Le dépôt solennel, L'avenir y verra le fruit de vos journées, Et vos heureux destins unis aux destinées D'un empire éternel.
Il saura par quels soins, tandis qu'à force ouverte L'Europe conjurée armoit pour notre perte Mille peuples fougueux,
Sur des bords étrangers votre illustre assistance Sut ménager pour nous les cœurs et la constance D'un peuple belliqueux.
Il saura quel génie, au fort de nos tempêtes, Arrêta malgré nous, dans leurs vastes conquêtes, Nos ennemis hautains;
Et que vos seuls conseils, déconcertant leurs princes, Guidèrent au secours de deux riches provinces Nos guerriers incertains.
Mais quel peintre fameux, par de savantes veilles, Consacrant aux humains de tant d'autres merveilles L'immortel souvenir,
Pourra suivre le fil d'une histoire si belle, Et laisser un tableau digne des mains d'Apelle Aux siècles à venir?
Que ne puis-je franchir cette noble barrière ! Mais, peu propre aux efforts d'une longue carrière, Je vais jusqu'où je puis;
Et, semblable à l'abeille en nos jardins éclose, De différentes fleurs j'assemble et je compose Le miel que je produis.
Sans cesse en divers lieux errant à l'aventure, Des spectacles nouveux que m'offre la nature Mes yeux sont égayés;
Et, tantôt dans les bois, tantôt dans les prairies, Je promène toujours mes douces rêveries
Loin des chemins frayés.
Celui quí, se livrant à des guides vulgaires, Ne détourne jamais des routes populaires Ses pas infructueux
Marche plus sûrement dans une humble campagne
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