Dans vos écrits, en plus d'un lieu, Je vois qu'à mes dépens vous affectez de rire. Mais ne craignez-vous point que, pour rire de vous, Relisant Juvénal, refeuilletant florace,
Je ne ranime encor ma satirique audace? Grands Aristarques de Trévoux,
N'allez point de nouveau faire courir aux armes Un athlète tout prêt à prendre son congé, Qui, par vos traits malins au combat rengagé, Peut encore aux rieurs faire verser des larmes. Apprenez un mot de Regnier, Notre célèbre devancier: “Corsaires attaquant corsaires Ne font pas, dit-il, leurs affaires."
On en bannit, en ce jour,
Ah! si ce peuple important Qui semble avoir peur de rire, Méritoit moins la satire,
Il ne la craindroit pas tant.
Il entrera, quoi qu'on en die: C'est un impôt que Pontchartrain Veut mettre sur l'Académie.
§ 162. 28. Contre l'inconstance du temps présent.
Il n'en est plus, Thémire, de ces cœurs Tendres, constans, incapables de feindre, Qui d'une ingrate épuisant les rigueurs, Vivoient soumis et mouroient sans se plaindre.
Les traits d'amour étoient alors à craindre; Mais aujourd'hui les feux les plus constans Sont ceux qu'un jour voit naître et voit éteindre.
Hélas! faut-il que je sois du vieux temps! Le même.
§ 163. 29. Les deux Vénus.
Le dieu des vers sur les bords du Permesse Aux deux Vénus m'a fait offrir des vœux- L'une à mes yeux fit briller la sagesse; L'autre les ris, l'enjouement et les jeux. Lors il me dit: Choisis l'une des deux; Leurs attributs Platon te fera lire. Docte Apollon, dis-je au dieu de la lyre, Les séparer, c'est avilir leur prix:
§ 160. 26. Sur l'élection de M. de Chu Laissez-moi donc toutes deux les élire;
L'une pour moi, l'autre pour mes écrits. J. B. Rousseau.
§ 164. 30. Malice de l'Amour. Ce traître Amour prit à Vénus sa mère Certain bijou pour donner à Psyché ; S'enfuit tout droit, se croyant bien caché. Puis dans les yeux de celle qui m'est chère Lors je lui dis: Te voilà mal niché, Petit larron; cherche une autre retraite; Celle du cœur sera bien plus secrète. Vraiment, dit-il, ami, c'est m'obliger; Et pour payer ton amitié discrète, C'est dans le tien que je me veux loger. Le même.
§ 171. 37. A un pied-plat qui faisoit courir de faux bruits contre l'auteur.
Vil imposteur, je vois ce qui te flatte: Tu crois peut-être aigrir mon Apollon Par tes discours; et, nouvel Erostrate, A prix d'honneur tu veux te faire un nom. Dans ce dessein tu sèmes, ce dit-on, D'un faux récit la maligne imposture. Mais dans mes vers, malgré ta conjecture, Jamais ton nom ne sera proféré ; Et j'aime mieux endurer une injure, Que d'illustrer un faquin ignoré.
§ 172. 38. Contre ceux qui s'érigent en juges des auteurs.
Entre Racine et l'aîné des Corneilles Les Chrysogons se font modérateurs. L'un, à leur gré, passe les sept merveilles; L'autre ne plaît qu'aux versificateurs. Or maintenant veillez, graves auteurs, Mordez vos doigts, ramez comme corsaires, Pour mériter de pareils protecteurs, Ou pour trouver de pareils adversaires. Le même.
§ 173. 39. Le charlatan. Un magister, s'empressant d'étouffer Quelque rumeur parmi la populace,
176. 42. Pour une dame nouvellement § 180. 46. Contre le même, sur le même
Quadrupede, insecté, poisson, Tout prend un noble caractère, Et s'exprime du même ton. Enfin, par son sublime organe
Vous croyez être au moins notre arisfàrque; Mais apprenez, et rétenez-le bien, Que qui sait mal (vous en êtes la marque) Est ignorant plus que qui ne sait rien. Le même.
Les animaux parlent si bien,
Que dans Houdart souvent un âne
§ 186. 52. Contre un rimeur braillard. A son portrait certain rimeur braillard
182. 48. Contre le même, sur le même Dans un logis se faisoit reconnoître;
Sans qu'on vous prie et sans qu'on vous ré- ponde.
Mais le malheur, c'est que votre faconde Nous apprend tout, et n'apprend rien de
Je veux mourir si pour tout l'or du monde Je voudrois ètre aussi savant que vous.
Grands reviseurs, courage, escrimez-vous; Apprêtez-moi bien du fil à retordre. Plus je verrai fumer votre courroux, Plus je rirai; car j'aime le désordre. Et, je l'avoue, un auteur qui sait mordre En m'approuvant peut me rendre joyeux:
57. Sur la fortune qu'on fait à la Mais le venin de ceux du dernier ordre cour, à M. **** Est un parfum que j'aime cent fois mieux. Le même.
Ami, crois-moi, cache bien à la cour Les grands talens qu'avec toi l'on vit naître : C'est le moyen d'y devenir un jour Puissant seigneur, et favori peut-être. Et favori? Qu'est-ce là? C'est un être Qui ne connoît rien de froid ni de chaud, Et qui se rend précieux à son maître Par ce qu'il coûte, et non par ce qu'il vaut, Le même.
§ 192. 58. Contre certains auteurs.
Doctes héros de la secte moderne, Comblés d'honneurs, et de gloire enfumés, Défiez-vous du temps, qui tout gouverne; Craignez du sort les jeux accoutumés. Combien d'auteurs, plus que vous renom- més,
Des ans jaloux ont éprouvé l'outrage! Non que n'ayez tout l'esprit en partage Qu'on peut avoir; on vous passe ce point. Mais savez-vous qui fait vivre un ouvrage ? C'est le génie, et vous ne l'avez point.
§196. 62. Contre Montfort.
Dans une troupe avec choix ramassée On produisit certains vers languissans: Chacun les lut, on en dit sa pensée; Mais sur l'auteur on étoit en suspens, Lorsque Montfort présenta son visage : Et l'embarras fut terminé d'abord; Car
par Montfort on reconnut l'ouvrage, Et par l'ouvrage on reconnut Montfort.
§ 197 63. Contre Danchet. Pour disculper ses œuvres insipides Danchet accuse et le froid et le chaud; Le froid, dit-il, fit choir mes Héraclides, Et la chaleur fit tomber mon Lourdaud. Mais le public, qui n'est point en défaut, Et dont le sens s'accorde avec le nôtre, Dit à cela: Taisez-vous, grand nigaud; C'est le froid seul qui fit choir l'un et l'autre. Le même.
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