$85. 1. La Fauvette.
Cœurs sensibles, cœurs fidèles, Qui blamez l'amour léger, Cessez vos plaintes cruelles: Est-ce un crime de changer? Si l'amour porte des ailes, N'est-ce pas pour voltiger?
Le papillon de la rose Reçoit le premier soupir; Le soir un peu plus éclose, Elle écoute le zéphyr. Jouir de la même chose, C'est enfin ne plus jouir. Apprenez de ma fauvette Qu'on se doit au changement; Par ennui d'être seulette
Elle eut moineau pour amant: C'est sûrement être adroite, Et se pouvoir joliment.
Mais moineau sera-t-il sage? Voilà fauvette en souci.
S'il changeoit...Dieux! quel dommage!
Mais moineaux aiment ainsi.
Paisque Hercule fut volage, Moineaux peuvent l'être aussi.
Vous croiriez que la pauvrette En regrets se consuma; Au village une fillette, Auroit ces foiblesses-là; Mais le même jour fauvette Avec pinçon s'arrangea.
Quelqu'un blâmera peut-être Le nouveau choix qu'elle fit, Un jaseur, un petit-maître... C'est pour cela qu'on le prit: Quand on se venge d'un traître Peut-on faire trop de bruit?
C'est l'amour, c'est sa flamme Qui brille dans ses yeux. Je croyois que son âme Brúloit des mêmes feux: Lisette à son aurore, Respiroit le plaisir : Hélas! si jeune encore, Sait-on déjà trahir?
Sa voix pour me séduire Avoit plus de douceur; Jusques à son sourire, Tout en elle est trompeur: Tout en elle intéresse Et je voudrois, hélas!. Qu'elle eût plus de tendresse, Ou qu'elle eût moins d'appas.
O ma tendre musette! Console ma douleur; Parle-moi de Lisette, Ce nom fait mon bonheur. Je la revois plus belle, Plus belle tous les jours; Je me plains toujours d'elle Et je l'aime toujours.
J'aimois la jeune Annette, J'étois tous ses plaisirs, Une flamme secrète Unissoit nos désirs. Félicité passée, &c.
Il vaut mieux, disoit-elle, Mourir que de changer;, Cependant l'infidèle Aime un autre berger. Félicité passée, &c.
O jours dignes d'envie, Je ne vous verrai plus! Au printemps de ma vie Vous êtes disparus. Félicité passée, &c. C'étoit sur ce rivage, A l'ombre de ce bois, Qu'avec moi la volage Se plaisoit autrefois. Félicité passée, &c.
§ 89. 5. Veux d'un ivrogne.
De tous les dieux que la fable A mis dans son panthéon, Il n'en est qu'un véritable Qui soit digne de ce nom: C'est Bacchus que je veux dire; Pour les autres immortels, Je crois qu'un buveur peut rire Jusqu'au pied de leurs autels.
Aussitôt que la lumière
A redoré nos coteaux, Je commence ma carrière Par visiter mes tonneaux; Ravi de revoir l'aurore, Le verre en main, je lui dis : Vois-tu sur la rive more Plus qu'en mon nez de rubis ?
Le plus grand roi de la terre, Quand je suis dans un repas, S'il me déclaroit la guerre, Ne m'épouvanteroit pas. A table rien ne m'étonne; Et je pense quand je boi, Si le grand Jupiter tonne, Que c'est qu'il a peur de moi.
Si quelque jour étant ivre La mort arrêtoit mes pas, Je ne voudrois point revivre Pour changer ce doux trépas. Je m'en irois dans l'Averne Faire enivrer Alecton,
Et bâtir une taverne Dans le manoir de Pluton.
Par ce nectar délectable Les démons étant vaincus, Je ferois chanter au diable Les louanges de Bacchus, J'apaiserois de Tantale La vive altération; Et passant l'onde infernale, Je ferois boire Ixion.
Au bout de ma quarantaine Cent ivrognes m'ont promis De venir la tasse pleine, Au gite où l'on m'aura mis; Pour me faire une hécatombe Qui signale mon destin, Ils arroseront ma tombe De plus de cent brocs de vin.
De marbre ni de porphyre Qu'on ne fasse mon tombeau; Je ne veux pour tout élire Que le contour d'un tonneau; Et veux qu'on peigne ma trogne Avec ces vers alentour:
Ci-gît le plus grand ivrogne Qui jamais ait vu le jour.
§ 90. 6. L'emploi du temps. Plus inconstant que l'onde et le nuage, Le temps s'enfuit, pourquoi le regretter? Malgré la pente volage Qui le force à nous quitter, Saisissons ses faveurs;
Et si la vie est un passage,
Sur ce passage
Au moins semons des fleurs.
$91. 7. Sur le plaisir.
Faut-il être tant volage, Ai-je dit au doux plaisir? Tu nous fuis, las ! quel dommage! Dès qu'on a pu te saisir. Ce plaisir tant regrettable
Me répond: rends grâce aux dieux; S'ils m'avoient fait plus durable Ils m'auroient gardé pour eux.
Comtesse de Murat.
§ 92. 8. A la belle Gabrielle.
Charmante Gabrielle, Percé de mille darts, Quand la gloire m'appelle A la suite de Mars:
Cruelle départie!
Malheureux jour! Que ne suis-je sans vie
Ou sans amour!
§ 99. 4. A Mde. la marquise du Châtelet, au nom de Mde. de Boufflers, en lui envoyant une étrenne.
Une étrenne frivole à la docte Uranie! Peut-on la présenter? oh, très-bien, j'en réponds. Tout lui plaît, tout convient à son vaste génie: Les livres, les bijoux, les compas, les pompons, Les vers, les diamans, le biribi, l'optique, L'algèbre, les soupers, le Latin, les jupons, L'opéra, les procès, le bal et la physique.
§ 100. 5. A Mde. la marquise de Rupel- L'autre ses traits, qu'on méconnut les dieux :
Quand Apollon avec le dieu de l'onde Vint autrefois habiter ces bas lieux, L'un sut si bien cacher sa tresse blonde,
Mais c'est en vain qu'abandonnant les cieux, Vénus comme eux veut se cacher au monde: On la connoît au pouvoir de ses yeux, Dès que l'on voit paroître Rupelmonde. Le même.
6. A Mde. la princesse Ulrique de Prusse, depuis
Souvent un peu de vérité
Se mêle au plus grossier mensonge; Cette nuit dans l'erreur d'un songe, Au rang des rois j'étois monté;
Je vous aimois alors, et j'osois vous le dire! Les dieux à mon réveil ne m'ont pas tout ôté : Je n'ai perdu que mon empire.
Le tendre Appelle un jour dans ces jeux tant vantés Qu'Athènes sur ses bords consacroit à Neptune, Vit au sortir de l'onde éclater cent beautés, Et, prenant un trait de chacune,
Il fit de sa Vénus le portrait immortel. Si de son temps avoit paru Martel, Il n'en auroit employé qu'une.
8. A Mde. de***, en lui envoyant les œuvres du roi de Prusse.
Aimable Eglé, vous lirez les écrits D'un roi fameux par plus d'une victoire ; Législateurs, rois, héros, beaux esprits,
Dans tous les temps vanteront sa mémoire. Il a cherché tous les genres de gloire; (L'amour à part, j'en excepte ce point) Mais si jamais j'écrivois son histoire; J'ajouterois qu'il ne vous connut point..
§ 104. 9. A Mde. de Boufflers, en lui envoyant un exemplaire
Vos yeux sont beaux, mais votre âme est plus belle: Vous êtes simple et naturelle,
Et sans prétendre à rien, vous triomphez de tous. Si vous eussiez vécu du temps de Gabrielle,
Je ne sais pas ce qu'on eût dit de vous, Mais l'on n'auroit point parlé d'elle.
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