Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

ÉLÉGIES, PASTORALES, CONTES, FABLES, STANCES, ROMANCES, CHANSONS, MADRIGAUX, ÉPIGRAMMES, BALLADES, SONNETS, &c.

[merged small][ocr errors][merged small]

§ 1. Elégie 1. Ovide sur son départ pour le lieu de son exil

TOI qui vis mes beaux jours s'éclipser dans tes ombres

Toi qui couvris mes pleurs de tes nuages sombres,
O nuit! cruelle nuit témoin de mes adieux,
Sans cesse ma douleur te retrace à mes yeux.
Bientôt du haut des airs l'amante de Céphale

Alloit de mon départ fixer l'heure fatale.
L'usage de mes sens tout à coup suspendu,
Dérobe à mes apprêts le temps qui leur est dû.
Mon cœur ne peut gémir, ordonner ni résoudre,
Semblable à ce mortel qui voit tomber la foudre,
Et qui, frappé du bruit, environné d'éclairs,
Doute encor de sa vie, et croit voir les enfers.
J'ouvre les yeux enfin, mon trouble diminue;
Deux amis seulement frappent alors ma vue.
Tous les autres fuyoient un ami condamné ;
Le sort d'un malheureux est d'être abandonné.
Dès ce cruel moment je sens couler mes larmes :
Mon épouse éplorée augmentoit mes alarmes.
Ma fille loin de nous ignoroit mon malheur;
De ce spectacle affreux elle évita l'horreur.
Hélas! tout nous offroit la douloureuse image
D'une famille en pleurs que la parque ravage.
T. III. p. 4.

Si d'un simple mortel le destin rigoureux
Pouvoit se comparer à des revers fameux,
Tel fut le désespoir des habitans de Troie,
Lorsque du fils d'Achille ils devinrent la proie.
Cependant la fraîcheur et le calme des airs
Répandoient le sommeil sur le vaste univers.
L'astre brillant des nuits poursuivoit sa carrière;
Je vois à la faveur de sa douce lumière,

Les murs du Capitole et ces temples fameux
Dont le faîte couvroit mes foyers malheureux.
Quels objets affligeans pour mon âme attendrie!
Dieux voisins, m'écriai-je, ô dieux de ma patrie♣
Augustes citoyens de nos sacrés remparts;
Et vous, divinités du palais des Césars,
Toi, fleuve dont Ovide illustra les rivages,
Recevez mes adieux et mes derniers hommages:
Il n'est plus de remède aux maux que je ressens,
J'offrirois à César des regrets impuissans.
Mais vous, dieux immortels, modérez sa vengeance,
Qu'il ne confonde point le crime et l'imprudence,
Vous le savez, grands dieux, si j'ai cru le trahir.
Qu'il me punisse, hélas! du moins sans me haïr,
Mon épouse à ces mots tombe à mes pieds mourante,
Elle remplit les airs de sa voix gémissante;
De nos lares sacrés embrassant les autels,
Elle implore à la fois les dieux et les mortels,
Inutiles transports! c'est en vain qu'elle espère
D'un époux malheureux adoucir la misère.

Mais déjà près du pôle où les dieux l'ont placé,
L'astre de Calisto tourne son char glacé.

C'est le dernier moment qu'on accorde à mes larmes. Hélas, dans ce moment que Rome avoit de charmes ! On accourt, on m'appelle, on presse mon départ : Cruels, un exilé peut-il partir trop tard?

Considérez du moins, quand vous hâtez ma fuite,
Les lieux où l'on m'envoie et les lieux que je quitte,
-Funeste aveuglement! je vois naître le jour,
Et crois pouvoir encor prolonger mon séjour.
Trois fois je veux partir, et trois fois ma foiblesse
Malgré moi de mes pas interrompt la vitesse.
Je suspens, je finis, je reprends mes discours,
J'embrasse, je m'éloigne, et je reviens toujours.
Eh, pourquoi me hâter! je vais dans la Scythie;
Sans espoir de retour je fuis de ma patrie.
Du cœur de ton éponx, chère et tendre moitié,
Et vous dont mes malheurs excitent la pitié,
Seuls amis que le ciel souffre encor que j'embrasse.
C'en est fait, je jouis de sa dernière grâce;
Je ne vous verrai pius: vivez heureux, je pars.

L'horizon cependant brille de toutes parts;
L'étoile du matin cède au flambeau du monde,
Et les premiers rayons sortent du sein de l'onde.
Je fuis en gémissant, mais mon cœur déchiré
Revole vers les lieux dont il est séparé.
De mes tristes amis, de ma femme éperdue,
Les cris et les sanglots percent mon âme émue.
Je n'ose m'arrêter, elle court sur mes pas;
Bientôt autour de moi je sens ses foibles bras,
Non, cruel, non, ta perte entraînera la mienne :
Penses-tu loin de toi que Rome me retienne?
Compagne de tes pas comme de tes malheurs,
Au bout de l'univers j'irai sécher tes pleurs.
César t'a condamné, ton épouse est proscrite;
César veut ton exil, et l'amour veut ma fuite.
Je te suis... Mais hélas! malgré tous ses efforts,
Un devoir rigoureux m'arrache à ses transports.

Désolé, l'œil en pleurs, et la vue égarée,
Entre les bras des siens je la laisse éplorée;
Elle tombe, et j'ai su qu'en ces affreux instans,
Les ombres de la mort la couvrirent long-temps.
Le jour qu'elle revoit augmente encor sa peine:
Les cheveux tout souillés et la vue incertaine,
Dans ses foyers déserts elle me cherche en vain;
Elle accuse les dieux, César et le destin.
L'instant de mon trépas ou ma fille expirée,
D'un plus vif désespoir ne l'eût pas pénétrée.
Sa douleur mille fois auroit tranché ses jours;
L'espoir de m'être utile en prolongea le cours.
Dieux qui nous séparez, prenez soin d'une vie
Qui conserve la mienne au fond de la Scythie.
Mais le gardien de l'ours ensevelit ses feux
Dans les flots agités par son astre orageux.
Nous partons, nous bravons les horreurs du naufrage,
Et la nécessité me tient lieu de courage.

Quel effroyable bruit sort du gouffre des mers!
Les aquilons fougueux combattent dans les airs.
L'onde mugit, s'entr'ouvre, et les sables bouillonnent.
Déjà sur le tillac les flots nous environnent.
Les cordages rompus, et les mâts chancelans
Sont le jouet de l'onde et succombent aux vents.
Du ciel rempli d'éclairs les voûtes allumées

Semblent fondre en éclats dans les mers enflammées.
Tremblant, désespéré, le chef des matelots
Laisse le gouvernail à la merci des flots.
Telle une main trop foible abandonne l'empire
Du coursier indompté qu'elle ne peut conduire.
Le rapide aquilon, plus fort que mon devoir,
Nous ramène aux climats que je ne dois plus voir.
Loin des bords d'Illyrie, à travers les nuages,
L'Italie à nos yeux découvre ses rivages.

Vous ne combattez plus le dieu qui me punit;
Eloignez-moi des lieux d'où César me bannit.
Je le veux, et le crains...Quelle vague en furie
Dans ce gouffre profond va terminer ma vie!
Je t'implore, ô Neptune! et vous, dieux de la mer,
C'est assez contre moi des traits de Jupiter.
Souffrez que dans l'exil, terminant ma carrière,
Une tranquille mort me ferme la paupière;
Du plus affreux trépas daignez me préserver,
S'il est temps aujourd'hui de vouloir me sauver.

Traduction de le Franc de Pompignan.

$2. 2. Elégie. Sur la disgrâce de M. Fouquet, surintendant des finances.

Remplissez l'air de cris en vos grottes profondes,

Pleurez, nymphes de Vaux, faites croître vos ondes,

Et que Lanqueuil enflé ravage les trésors

Dont les regards de Flore ont embelli ces bords:
On ne blâmera plus vos larmes innocentes;
Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes;
Chacun attend de vous ce devoir généreux;
Les destins sont contens, Oronte est malheureux.
Vous l'avez vu naguère aux bords de vos fontaines,
Qui, sans craindre du sort les faveurs incertaines,
Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des mortels,
Recevoit des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels.
Hélas! qu'il est déchu de ce bonheur suprême!
Que vous le trouveriez différent de lui-même !
Pour lui les plus beaux jours sont de secondes nuits,
Les soucis dévorans, les regrets, les ennuis,

Hôtes infortunés de sa triste demeure,

En des gouffres de maux le plongent à toute heure;
Voilà le précipice où l'ont enfin jeté

Les attraits enchanteurs de la prospérité.

Dans le palais des rois cette plainte est commune;
On n'y connoit que trop les jeux de la fortune;
Ses trompeuses faveurs, ses appas inconstans;
Mais on ne les connoît que quand il n'est plus temps.
Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles,
Qu'on croit avoir pour soi les vents et les étoiles,
Il est bien malaisé de régler ses désirs;
Le plus sage s'endort sur la foi des zéphyrs.
Jamais un favori ne borne sa carrière;
Il ne regarde pas ce qu'il laisse en arrière ;
Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit,
Ne le sauroit quitter qu'après l'avoir détruit.
Tant d'exemples fameux que l'histoire en raconte,
Ne suffisoient-ils pas sans la perte d'Oronte?

Ah! si ce faux éclat n'eût pas fait ses plaisirs,
Si le séjour de Vaux eút borné ses désirs,
Qu'il pouvoit doucement laisser couler son âge!
Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,
Cette foule de gens qui s'en va chaque jour
Saluer à longs flots le soleil de la cour;

Mais la faveur du ciel vous donne en récompense,
Du repos, du loisir, de l'ombre et du silence,
Un tranquille sommeil, d'innocens entretiens;
Et jamais à la cour on ne trouve ces biens.

Mais quittons ces pensers, Oronte vous appelle;
Vous, dont il a rendu la demeure si belle,
Nymphes, qui lui devez vos plus charmans appas;
Si le long de vos bords Louis porte ses pas,
Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage;
Il aime ses sujets, il est juste, il est sage;
Du titre de clement il est ambitieux.

C'est par là que les rois sont semblables aux dieux,
Du magnanime Henri qu'il contemple la vie;
Dès qu'il put se venger, il en perdit l'envie.
Inspirez à Louis cette même douceur;
La plus belle victoire est de vaincre son cœur.
Oronte est à présent un objet de clémence:
S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance,
Il est assez puni par son sort rigoureux;
Et c'est être innocent, que d'être malheureux.

IDYLLES.

§3. 1. Idylle sur la paix.

Un plein repos favorise vos vœux,

La Fontaine,

Peuples, chantez la paix qui vous rend tous heureux.

Un plein repos favorise nos vœux;

Chantons, chantons la paix qui nous rend tous heureux.
Charmante paix, délices de la terre,
Fille du ciel, et mère des plaisirs.
Tu reviens combler nos désirs;
Tu bannis la terreur, et les tristes soupirs,
Malheureux enfans de la guerre.

Un plein repos favorise nos vœux; ·
Chantons, chantons la paix qui nous rend tous heureux.

Tu rends le fils à sa tremblante mère.
Par toi la jeune épouse espère

D'être long-temps unie à son époux aimé.

De ton retour le laboureur charmé

Ne craint plus désormais qu'une main étrangère
Moissonne avant le temps le champ qu'il a semé.

Tu pares nos jardins d'une grâce nouvelle;
Tu rends le jour plus pur, et la terre plus belle.

Un plein repos favorise nos vœux;

Chantons, chantons la paix qui nous rend tous heureux.

Mais quelle main puissante et secourable

A rappelé du ciel cette paix adorable?

Quel Dieu, sensible aux vœux de l'univers,
A replongé la discorde aux enfers ?

Déjà grondoient les horribles tonnerres
Par qui sont brisés les remparts.
Déjà marchoit devant les étendards,
Bellone, les cheveux épars,

Et se flattoit d'éterniser les guerres
Que sa fureur souffloit de toutes parts.

Divine paix, apprends-nous par quels charmes
Un calme si profond succède à tant d'alarmes.

Un héros, des mortels l'amour et le plaisir,
Un roi victorieux nous a fait ce loisir.

Ses ennemis, offensés de sa gloire, Vaincus cent fois, et cent fois supplians, En leur fureur de nouveau s'oublians Ont osé dans ses bras irriter la victoire.

Qu'ont-ils gagné ces esprits orgueilleux, Qui menaçoient d'armer la terre entière? Ils ont vu de nouveau resserrer leur frontière. Ils ont vu ce roc* sourcilleux,

De leur orgueil l'espérance dernière,
De nos champs fortunés devenir la barrière.

Un héros, des mortels l'amour et le plaisir,
Un roi victorieux nous a fait ce loisir.

Son bras est craint du couchant à l'aurore.
La foudre, quand il veut, tombe aux climats gelés,
Et sur les bords par le soleil brûlés.
De son courroux vengeur sur le rivage More
La terre fume encore.

Malheureux les ennemis
De ce prince redoutable!
Heureux les peuples soumis
A son empire équitable!

Chantons, bergers, et nous réjouissons,
Qu'il soit le sujet de nos fêtes.
Le calme dont nous jouissons,
N'est plus sujet aux tempêtes.
Chantons, bergers, et nous réjouissons.
Qu'il soit le sujet de nos fêtes.
Le bonheur dont nous jouissons,
Le flatte autant que toutes ses conquêtes.
De ces lieux l'éclat et les attraits,

Ces fleurs odorantes,

* Luxembourg.

« PreviousContinue »